Alioune Tine : «On peut revivre pire que les événements du mois de mars»

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Le Président–fondateur d’Afrikajom Center, Alioune Tine,  a été l’un des premiers membres de la Société civile à faire l’invite au Conseil constitutionnel d’«apaiser les tensions politiques grandissantes et les risques de violences politiques». L’ancien président du Comité sénégalais des Droits de L’Homme, par ailleurs un des plus grands pourfendeurs du régime d’Abdoulaye Wade, Alioune Tine, a toujours craint le pire, surtout avec cette tension latente qui prévaut actuellement dans le Landerneau politique sénégalais. En effet, la manifestation de Yewwi Askan Wi prévue demain, mercredi, risque de mettre de l’huile sur le feu. 

Actuellement à Genève, Alioune Tine, l’ancien Directeur régional d’Amnesty international, a accordé une interview, via WhatsApp, à «L’Observateur», et au cours de cet entretien, il a prédit le «pire».

La coalition Yewwi Askan Wi (Yaw) prévoit de faire une manifestation demain mercredi. Après le rejet de sa liste proportionnelle, ses membres ont fait des déclarations incendiares frôlant des appels à l’insurrection. La coalition Benno Bokk Yaakaar (Bby) a promis de répondre coup pour coup par une contre–minifestation, qu’est–ce que cette situation de tension augure pour le Sénégal ?

La manifestation est un droit constitutionnel, forcément, elle doit être pacifique. Il faut bannir tous les discours violents et condamner tous les appels à l’insurrection. Ce pays est fragile et le contexte régional trouble et incertain n’admet nullement les stratégies du chaos agitée par l’opposition et le pouvoir. La coalition au pouvoir (Benno Bokk Yaakaar) en voulant manifester le même jour, risque de créer les menaces d’une guerre civile larvée. Alors qu’on est qu’au début du processus électoral avec un contentieux lourd mal résolu par l’administration et le Conseil constitutionnel. Les errements de la classe politique, notamment la coalition au pouvoir et la coalition de l’opposition majoritaire risquent de faire basculer une démocratie sénégalaise très mal en point et qui manifestement refuse de grandir, de mûrir. Une démocratie qui refuse de grandir est appelée à mourir souvent de mort subite avec les coups d’Etat militaires ou les conflits violents.

Pourrait–on revivre les événements de mars dernier ? 

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On peut revivre pire que les événements du mois de mars parce que le pouvoir qui devait en premier lieu tirer les leçons du mois de mars 2021 ne l’a pas fait. L’opposition non plus, ils créent ainsi toutes les conditions de la rechute. Ce qui se passe nous amène à nous interroger sur quoi s’entendent les Sénégalais, les hommes politiques en l’occurrence : ils ne s’entendent ni sur les textes, ni sur les institutions. Alors qu’il faut un minimum de consensus en matière électorale et en matière démocratique pour que les élections soient une fête de la démocratie et non un enfer ou un chaos pour le peuple.

Quelle devait être l’attitude du Préfet de Dakar puisqu’un des leaders de Yewwi, en l’occurrence Ousmane Sonko, a déclaré que rien ne leur empêchera de tenir leur manifestation ?

Le Préfet doit toujours créer les conditions matérielles et juridiques d’un droit constitutionnel. Il ne peut pas interdire une manifestation. Il y a un juge des référés qui intervient en dernière instance, mais il est inexistant. Manifester pacifiquement. Je recommande aux autorités d’autoriser la manifestation et de l’encadrer. Les opposants peuvent manifester en musique pour marquer leur intention de paix.

Ne craignez–vous pas des troubles à l’ordre public ?

Le Sénégal est rattrapé par les Assises nationales créées juste après les Législatives boycottées par l’opposition en 2007. Relisez les termes de références des Assises et le discours de fermeture de Amadou Mahtar Mbow (Président des Assises nationales). Ca na pas pris un ride. Ca prouve encore une fois que le Sénégal est une démocratie qui refuse de grandir. Là, on doit grandir ou mourir. Seul le dialogue peut nous sauver. Les crises politiques et démocratiques on les résout par des solutions politiques et démocratiques par le dialogue. Mais faut–il qu’on ait des démocrates et qu’ils soient de bonne foi.

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