Economie : L’Afrique tourne le dos à la France

Presque un pays africain sur trois a été, à un moment de son histoire, sous le joug de la France. Cela laisse des traces en termes culturel, militaire, et bien sûr économique. Mais sur ce plan, soixante ans après les Indépendances, la France n’est plus du tout la puissance dominante. Son déclin est significatif depuis le début des années 2000. En 20 ans, elle a été déchue de son titre de premier fournisseur, puis de premier investisseur du continent.

En valeur, les exportations françaises vers l’Afrique ont fortement augmenté. Mais leur poids relatif a été divisé par deux, passant de 12% à 5% entre 2000 et 2021. Cette dilution est due à l’explosion de la demande des Africains, elle a été multipliée par quatre; et à l’émergence de nouveaux concurrents. Depuis le début des années 2000, la Chine grignote de nouvelles parts de marché, elle détrône la France en 2007. La Chine s’arroge aujourd’hui 17% du marché continental, trois fois plus que la France.

La France n’est même plus le premier fournisseur européen du continent africain

C’est désormais l’Allemagne qui occupe la première place depuis cinq ans. Pour les investissements, ce sont les Pays-Bas. Beaucoup de multinationales étrangères ont un siège néerlandais pour alléger leurs impôts, cela explique en partie le bon classement de ce pays. En examinant de plus près les chiffres du commerce extérieur de la France, on découvre que ses principaux partenaires africains ne sont plus issus de ce qu’on avait coutume d’appeler le pré carré de l’Afrique francophone de l’Ouest. Sur les 5% de parts de marché françaises, ces pays pèsent moins de 1%. Aucun d’entre eux ne figurent parmi les premiers partenaires commerciaux africains de la France. Le Maroc, l’Algérie et la Tunisie sont dans le trio de tête, suivis de deux pays anglophones, le Nigeria et l’Afrique du Sud.

Pourquoi ce procès fait à la France dans cette région au moment où sa présence économique s’estompe ?

C’est une question de point de vue. Si ces pays comptent peu dans le commerce extérieur de la France, elle reste pour eux un partenaire omniprésent, puisque c’est encore leur premier fournisseur européen. Plus généralement, les accusations relèvent du ressenti et recouvrent moult griefs, pas toujours liés à l’économie. Cette accumulation de rancœur mine la réputation de l’ancienne puissance coloniale. D’après l’enquête annuelle réalisée par le patronat français auprès des leadeurs africains, l’image de la France se détériore d’année en année. La France n’est que septième dans le classement des pays non africains les plus appréciés, loin derrière les trois premiers, les États-Unis, l’Allemagne et le Canada. Au classement des pays jugés les plus bénéfiques pour l’Afrique, la France n’est que neuvième, dépassée par la Turquie ou les Émirats arabes unis dans la dernière édition de l’enquête.

Comment les pouvoirs publics français tentent de remédier à ces déficits en termes d’images et de commerce ?

Avec toute une série d’initiatives politiques, dont les effets sont difficiles à mesurer à ce jour, comme le sommet sur le financement des économies africaines pendant le Covid-19, ou encore l’envoi de vaccins, lors du dernier sommet Afrique-France à Montpellier, le Gouvernement a ciblé les influenceurs et les PME dans l’espoir de convaincre de nouveaux relais d’opinion. Par ailleurs, les pouvoirs publics organisent des rencontres régulières entre les chefs d’entreprises français et africains pour renforcer les liens économiques. C’est la mission du forum Ambition Africa. La quatrième édition commence aujourd’hui, à Paris, au ministère des Finances.