Nomination d’un Premier ministre : Les raisons du retard…
Le retard constaté dans la désignation du Premier ministre s’explique, en partie, par les manœuvres pour élargir au maximum la nouvelle majorité qui se dessine.
La clameur née de l’ampleur du recul de Benno Bokk Yaakaar, lors des élections législatives, est retombée. La coalition du Président de la République a obtenu, hier, la majorité absolue (83 sièges), après le ralliement à ses côtés de l’ancien maire de Dakar, Pape Diop, ex-deuxième personnalité de l’Etat sous le Président Abdoulaye Wade. La tradition veut que le Premier ministre présente sa démission et celle du gouvernement, après la validation des résultats d’élections législatives. C’est banal dans les usages républicains qui encadrent ainsi le passage entre deux législatures. Au-delà de l’écume de l’actualité née, du séisme électoral du 31 juillet dernier, marqué par une entrée en force de l’opposition à la place Soweto, rarement la désignation d’un chef du gouvernement n’a été aussi entourée d’impondérables, tant sur la durée, la casting que sur le format de l’équipe qu’il est appelé à diriger.
Durée, car il n’y a pas de titulaire au poste, depuis 2019. Le mardi 14 mai de cette année, un communiqué du gouvernement indiquait que Monsieur le Président de la République a promulgué, à ce jour, la loi constitutionnelle portant la suppression du poste de Premier ministre. En décembre 2021, un nouveau projet de loi rétablissait la fonction. Dans un entretien avec la RFI et France 24, au cours de cette période, le Président Macky Sall disait ne pas pouvoir s’occuper du Sénégal au « quotidien ». Or, expliquait-il, il faut s’occuper du Sénégal au quotidien, il faut donc un Premier ministre pour le faire, en précisant que la nomination du futur chef de gouvernement interviendrait, après les élections locales de janvier.
Son élection par ses pairs à la tête de l’Union africaine était l’argument massue pour justifier la volte-face. En défendant le texte devant les députés, le ministre de la justice Me Malick Sall , justifiait le retour du poste du Premier ministre par les impératifs de relance de l’économie nationale et d’une meilleure coordination de la mise en œuvre des politiques publiques.
Dans tous les cas, cette révision a réintroduit la responsabilité du gouvernement devant l’Assemblée nationale et restitué le pouvoir présidentiel de dissoudre l’Assemblée nationale. Les élections locales avaient été une première échéance, mais leur proximité avec les Législatives de juillet dernier avait été un élément déterminant pour la repousser, en dépit des observations de l’enseignant-chercheur Ngouda Mboup, constitutionnaliste, qui n’a eu de cesse de répéter que les actes de certaines décisions du Président de la République pouvaient être frappées d’illégalité, car, nécessitant le contreseing du Premier ministre. Ici encore, le bon sens a commandé le report de la nomination d’un chef de gouvernement, après les Législatives. Voilà que nous y sommes !
Casting et timing approprié
Seulement, il apparait que la configuration de l’Hémicycle conditionne, désormais, le profil de la femme ou de l’homme à désigner. Un personnage consensuel ou un chef de guerre impondérable aussi sur le casting. Si Macky Sall peut choisir un fidèle parmi ses fidèles, cacique de l’Apr ou un responsable brillamment réélu dans sa circonscription, c’est selon, le message qu’il enverrait pourrait être interprété de diverses manières, dans un contexte de surchauffe due, à l’élection présidentielle de 2024, scrutin auquel sa participation reste maintenue dans un flou total jusque-là.
Choisira-t-il un technocrate non encarté politiquement pour conduire une équipe consensuelle ouverte à l’opposition et à la Société civile ou un chef de guerre paré au combat pour ferrailler avec une Assemblée nationale en partie hostile ? Mieux, fera du neuf avec l’ancien, en ramenant au gouvernement des barons de l’Apr et des cadres de l’administration qui avaient été écartés pour présomption d’ambitions présidentielles ou opèrera-t-il une cure de jouvence avec grignant un jeune cadre à la tête d’une équipe originale de nouvelles têtes émergentes à la faveur du dernier scrutin ?
Enfin, impondérable sur le format : une équipe de fidèles dirigée par un homme ou une femme de confiance, marqué (e) ou non politiquement, entourés de ministres d’Etat, avec des maroquins offerts à de nouveaux alliées recrutés au sein de l’actuelle opposition (venant surtout du Pds) , dans une sorte de gouvernement de majorité présidentielle élargie ? C’est à ce niveau que l’explication du retard constaté dans la désignation du Premier ministre pourrait être trouvé.