Karim Wade : Le vœu, le rêve, la tournée et le wolof

La demande d’inscription sur les listes électorales de Karim Wade en Turquie en fait-il un candidat en 2024 ?

 

La réponse ne peut être fournie que par la Direction générale des Élections et le Conseil constitutionnel qui devront accepter ou non cette demande. Les photos ont fait le tour de la toile. Karim Wade, sur son 31, s’inscrivant sur les listes électorales en vue de la Présidentielle 2024. En effet, le fils de l’ancien Président de la République s’est fait enrôler en Turquie, une juridiction qui fait partie des 37 pays où les citoyens sénégalais, établis à l’extérieur, sont autorisés à s’inscrire sur les listes électorales ; le Qatar, son lieu de résidence depuis sa sortie de prison n’ayant pas été retenu.

Sourire aux lèvres, une petite balade dans les ruelles d’Istanbul… D’après Emedia, l’ancien ministre a rencontré des représentants de la communauté sénégalaise dont le président de l’Association des Sénégalais de Turquie, avec qui il a prié dans une mosquée de la ville. « Des échanges dans un wolof limpide », confie-t-on, sans une quelconque preuve. Mais ça, c’est la communication !

Sur le récépissé d’inscription remis à l’intéressé, on peut lire : « A sollicité auprès de la commission une demande d’inscription sur la liste électorale de la commune de Point E, conformément aux dispositions de l’article L.36 du Code électoral ». Fait important : Karim Wade a un récépissé du demandeur et non celui de l’électeur. « En lui délivrant un récépissé d’inscription, la Commission administrative n’a pas rejeté sa demande. Donc, il n’est pas ouvert un contentieux concomitant à l’enrôlement. Pour l’heure, il est épargné du contentieux concomitant à la révision, mais il reste deux niveaux de contentieux : après la publication des listes provisoires et pendant la consolidation du fichier par les services centraux », précise Ndiaga Sylla, expert électoral.

 

Le débat sur la perte de ses droits civiques et politiques…

Pour le Dr Mamadou Salif Sané, Maître de Conférences à l’UFR Sciences Juridiques et Politiques de l’Université Gaston Berger de Saint-Louis, qui intervenait sur les ondes de Sud FM, le fils d’Abdoulaye Wade n’est pas out. « Je l’ai toujours dit : “Karim Wade“ n’a jamais perdu ses droits civiques et politiques », a-t-il souligné. « Les experts, qui étaient mandatés pour un audit du fichier électoral national en 2021, établissent clairement que la permanence de l’exclusion sur les listes électorales pour des délits et crimes commis viole l’esprit de l’article 25 du Pacte international relatif aux “droits civils et politiques“. Cet article du traité de 1966 donne le droit à tout citoyen de voter et d’être élu, sans restrictions déraisonnables ».

 

Flou dans le Code électoral…

Mais ce que l’enseignant–chercheur et les experts ne disent pas, c’est qu’il existe un flou. Et pour cause, deux dispositions du Code électoral concentrent les critiques des experts : les anciens articles L.31 et L.32, devenus L.29 et L.30.

pub

« À moins d’être condamné à mort, personne ne peut être inéligible à vie », avait rappelé Issaga Kampo, chef de la mission d’audit, qui avait également renchéri : « Le problème, c’est qu’on ne sait pas de quoi on parle. Il y a un flou artistique. En matière électorale, un article de loi doit être clair, les durées d’inéligibilité selon les peines bien définies, afin d’éviter que chacun l’interprète à sa manière ».

Pour lui, une confusion est faite entre le Code électoral et l’article 34 du Code pénal, qui établit que les Tribunaux jugeant en correctionnelle peuvent, dans certains cas, interdire l’exercice de droits civiques, civils et de famille, dont le vote et l’inéligibilité. Ce qui n’a pas été le cas ni pour Khalifa Sall ni pour Karim Wade. Issaga Kampo était formel : “Les deux opposants sont donc éligibles“. Ainsi, Ndiaga Sylla d’expliquer, en ces termes : « Le problème de droit que cela pose, c’est que la déchéance électorale constitue une peine complémentaire, accessoire, qui doit forcément être prononcée par le juge. Le Code électoral ne peut pas établir de manière automatique et indifférenciée la déchéance électorale. Si le juge ne l’a pas prononcée (dans les cas des condamnations de Khalifa Sall et Karim Wade), c’est que cette peine n’est pas prévue pour ces délits. »

La candidature de Karim Wade à la Présidentielle du 24 Février 2019 avait déjà été jugée “irrecevable“ par le Conseil constitutionnel sénégalais, du fait qu’il n’était pas inscrit sur les listes électorales et de sa condamnation en vertu de l’article L.31. En réalité, la loi électorale avait été modifiée, à quelques mois du dépôt des candidatures.

Toutefois, certaines personnes parlent de révision des articles L.31 et L.32 du Code électoral et l’adoption d’une “loi d’amnistie“. Cela uniquement dans le dessein de remettre dans le jeu politique, ces deux personnalités. Serigne Thiam, Enseignant–chercheur à la Faculté des Sciences Juridiques et Politiques (SJP) de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar rappelle qu’au sujet de ce “débat sur l’éligibilité“ de Karim et Khalifa Sall, « certains avancent qu’après les 6 ou 5 ans de leur condamnation, ils doivent automatiquement recouvrer leur droit d’être éligibles ». Pour lui, ils font une confusion.

 

Expiration de l’inéligibilité de Karim Wade…

Karim Wade est depuis le 21 Août 2020 – date d’expiration du délai de son inéligibilité – redevenu “électeur et éligible“, informaient ses avocats dans un communiqué. Selon eux, « le Code électoral ne peut plus être invoqué par l’Etat du Sénégal, pour faire obstacle à l’inscription de leur client sur les listes électorales et à sa candidature à toute élection ». Ces avocats demandaient, la « réinscription sans délai » de leur client sur les listes électorales.

À noter que « Karim Wade avait été radié des listes électorales, par le biais de l’article L.31 du Code électoral qui lui a été opposé. Cette disposition limite l’interdiction d’inscription sur les listes à une durée de 5 ans. Depuis le 21 Août 2020, Karim Wade devient “électeur et éligible“, en vertu de la loi électorale et par l’expiration du délai de 5 ans, suivant la décision de la Cour suprême du 20 Août 2015 qui avait rejeté son pourvoi contre l’arrêt de condamnation par la CREI ».