Installation de la 14ème législature : Retour sur des faits marquants de la 13ème législature
Élus le 30 juillet 2017 et installés officiellement le 14 septembre 2017 dans leur fonction de représentants du peuple sénégalais pour la période 2017–2022, les députés de la 13ème Législature ont procédé à la clôture de la session ordinaire, le 1er juillet dernier, avant les élections Législatives du 31 juillet 2022, consacrant l’avènement de la 14ème législature.
« Quels que soient les enjeux et les circonstances, je me suis toujours employé à garder à l’esprit, les priorités liées à l’intérêt général », avait affirmé, à l’occasion, le président de l’Assemblée nationale, Moustapha Niasse, en remerciant chacun de ses collègues députés, au–delà « des barrières politiques ». Ainsi, dressait–il un premier bilan effectué en attendant les adieux qui auront lieu ce lundi 12 septembre, avec l’installation des futurs députés et la passation de pouvoir.
Défini par l’article 59 de la constitution, le rôle de l’Assemblée nationale est de notoriété publique. Il s’agit de voter les lois, contrôler l’action du gouvernement et d’évaluer les politiques publiques. Sur ce registre, l’observateur de la vie parlementaire peut se poser des questions sur le travail abattu par les députés pendant ces cinq dernières années.
En cinq ans de mandat (2017–2022), note une source parlementaire, les députés n’ont fait que cinq propositions de loi. Sur cette liste, une seule qui, d’ailleurs, ne concerne pas directement les intérêts des populations, a été adoptée. Il s’agit de la loi portant modification du règlement intérieur de l’Assemblée nationale. Qu’en est–il pour les quatre autres propositions sur le permis à points, la criminalisation de l’homosexualité, la création des conseils de quartier ou de village et la modification de l’article 6 du Code de la presse ? Elles ont été rejetées.
En revanche, le gouvernement, en soumettant aux députés 148 projets de loi, a joué à fonds sur ses prérogatives. Et, sans grande surprise, ils ont tous été adoptés. Ce qui fait dire au député–sortant Alioune Souaré, qui est spécialiste du droit parlementaire que « nous avons une Assemblée nationale qui a passé tous ces cinq ans à consommer des projets de loi. Nous avons une Assemblée qui a été moins productive (alors que) l’article 80 de la Constitution indique que l’initiative des lois appartient concurremment au Président de la République et aux députés ».
En matière de contrôle de l’action du gouvernement, le bilan n’a pas été aussi des plus reluisants. Ils n’ont lancé que deux commissions d’enquête (sur les inondations et l’affaire des 94 milliards de francs CFA) et posé quinze questions écrites. Ils n’ont ni posé de question orale ou d’actualité ni auditionné un ministre.
Pour l’évaluation des politiques publiques aussi, l’Assemblée nationale s’est illustrée par sa timidité entre 2017 et 2022. Le Comité qui devait être mis en place en ce sens (article 97 du Règlement intérieur), n’a jamais fonctionné puisque n’ayant pas été installé.
L’éclaircie dans la grisaille
L’Assemblée nationale du Sénégal, à en croire son président–sortant, Moustapha Niasse, a pris des options claires pour des réformes dont le maître mot est la modernisation, pour améliorer les outils de travail et le fonctionnement de l’Institution.
À ce titre, Niasse soutient qu’ « aujourd’hui, l’interprétation simultanée, qui concerne six langues nationales et le français, est une réalité, depuis décembre 2014, grâce à la coopération avec l’Union européenne » est une réalité au sein de l’Hémicycle.
Poursuivant son propos, il souligne que L’USAID et l’ONG 3D leur ont permis de « numériser la bibliothèque et les archives qui datent de la période de l’Afrique Occidentale Française, où les huit anciens territoires étaient représentés, en cet Hémicycle ».
Last but not least, avec le Projet KOICA, la numérisation des résultats des activités législatives et l’amélioration de l’accessibilité aux informations législatives, pour les chercheurs, les étudiants et les doctorants, sont sur de bons rails. Et « dans cette direction, tout sera mis en œuvre pour développer une application capable d’afficher les résultats du vote électronique. Il sera également mis en place un système de gestion des enregistrements pour les activités législatives et le site web de l’Assemblée nationale sera amélioré », a fait savoir Moustapha Niasse.
Un bilan pollué par divers scandales
La 13ème législature, pour ce qui la concerne, sera toujours évoquée dans les souvenirs de la postérité. Non pas parce qu’elle est au même niveau que les autres, même la 12ème reste plus intéressante; mais surtout parce qu’elle a été à l’origine de controverses qui continuent de rythmer la vie sociopolitique du pays.
Attendus sur le terrain des propositions de lois et de contrôle de l’action gouvernementale, le travail de la 13ème Législature a été plutôt pollué par divers scandales impliquant des parlementaires notamment du groupe de la majorité parlementaire, Benno Bokk Yaakaar (BBY). Seydina Fall alias “Bougazelli“, alors député et membre de l’Alliance pour la République (APR, parti au pouvoir), a été arrêté en flagrant délit par des gendarmes de la Section de recherches (SR), le 14 novembre 2019, au niveau de la station d’essence de Ngor. Il s’agit de l’affaire de trafic présumé de faux billets de banque. Le représentant du peuple est placé sous mandat de dépôt à la suite de son face–à–face avec le Procureur avant de bénéficier, le 10 juin 2020, d’une liberté provisoire pour des raisons de santé.
Ce sera au tour de deux autres de ses collègues députés de faire l’objet d’une citation dans une affaire de trafic présumé de passeports diplomatiques : El Hadji Mamadou Sall et Boubacar Biaye. Jugés en mai dernier, Boubacar Biaye a écopé d’une peine de 2 ans dont 5 mois ferme. Mamadou Sall doit purger, lui, une peine de 2 ans dont 6 mois ferme.
Plus tôt, en février 2022, du côté de l’opposition, le leadeur de Pastef/Les Patriotes et candidat classé 3ème à l’élection présidentielle de 2019, Ousmane SONKO, avait perdu son immunité parlementaire, dans le cadre de l’affaire Sweet Beauty Spa, sur fond d’accusations de viol et menaces de mort. Scellant le sort de l’opposant, les députés de BBY avaient choisi d’approuver les recommandations de la commission ad hoc chargée d’examiner la procédure. Dans son rapport, ladite commission avait établi que « le député Ousmane SONKO doit aller se défendre devant la justice et l’accusatrice (Adji Sarr) doit avoir la possibilité de se défendre devant la justice, seule compétente pour dire le droit et faire triompher la vérité ».
La 13ème législature a laissé une autre mauvaise image, celle d’avoir été au centre des insanités et injures et d’abriter des scènes de pugilat dignes des gladiateurs, lors de sessions très mouvementées.
Par ailleurs, l’enquête parlementaire sur l’affaire des 94 milliards francs CFA avait blanchi l’ancien Directeur général des domaines, Mamour Diallo, alors que l’Office national de lutte contre la fraude et corruption (OFNAC), saisie d’une plainte déposée par le député Ousmane Sonko, après investigation, a demandé au Procureur de la République dans un rapport, d’ouvrir une information judiciaire.
Ainsi, entre autres perspectives, il s’agira pour les nouveaux députés de travailler à corriger l’image ternie du député.
Joséphine Diallo, la gardienne du temple, tire sa révérence !
La 13ème Législature a été marquée par des notes tristes dont le décès de Marie Joséphine Diallo –71 ans–défunte Secrétaire générale de l’Assemblée nationale, 26 ans durant. Avant son enterrement, le samedi 22 mai dernier, l’Assemblée nationale lui a rendu un vibrant hommage. Le cercueil, recouvert des couleurs du Sénégal, a été exposé sur le parvis de la place Soweto, devant l’Assemblée nationale, « dans sa maison », où les députés toute obédiences confondues, lui ont rendu hommage. L’émotion était perceptible sur les visages de l’assistance. Le président de l’Assemblée nationale, Moustapha Niasse, qui a dirigé la cérémonie d’hommage, en présence d’anciens présidents de l’Assemblée nationale, de l’ancien Premier ministre Adjibou Soumaré et de la présidente du Haut Conseil des Collectivités territoriales (HCCT), Aminata Mbengue Ndiaye, entre autres.
« Nos cœurs saignent. Oui, ils saignent », a poursuivi Niasse, lors de la cérémonie d’hommage, faisant remarquer que « jusqu’à sa mort, (elle) est restée apolitique, mais patriote et c’est cela qui est remarquable ».