Dakar a toujours été une ville rebelle

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Chaque samedi, Jeune Afrique invite une personnalité à décrypter des sujets d’actualité. À la veille des élections locales au Sénégal, Ibrahima Kane, de l’Open Society Initiative for West Africa (Osiwa), fondation de l’Américain Georges Soros, analyse les enjeux du scrutin.

Désormais, les dés sont jetés. Vendredi à minuit, le rideau est tombé sur deux semaines de campagne électorale. Ce 23 janvier, dès 8 heures, 6,6 millions d’électeurs seront invités à choisir leur maire et leurs conseillers départementaux. Les derniers jours de la campagne ont été marqués par les meetings de clôture des candidats, malheureusement marqués par des actes de violences dans plusieurs communes.

Rien d’étonnant, assure le militant sénégalais des droits de l’homme Ibrahima Kane, dans un pays moins pacifique qu’il se prétend. Chargé de programme pour Osiwa, la fondation du milliardaire américain Georges Soros, il s’inquiète surtout de la « platitude » du discours politique, dénonce les retards pris dans le processus de décentralisation du pays et met en garde contre des risques démocratiques liés à la pratique du pouvoir de Macky Sall.

Jeune Afrique : Avant même le début de la campagne officielle, des affrontements ont opposé des militants à travers le pays. Faut-il s’en inquiéter ?

Ibrahima Kane : La vie politique au Sénégal, c’est la violence. La nouveauté, ce sont les attaques entre partisans d’un même parti. Ces violences restent cependant d’une ampleur modérée. Mais deux points névralgiques sont à surveiller le jour du vote : la Casamance et la région de Dakar, où les choses peuvent dégénérer très facilement.

Ce scrutin revêt-il un enjeu qui dépasse les questions locales, comme le répètent les candidats ?

Les élections locales traitent généralement de questions liées au terroir et permettent d’identifier les problèmes réels des différentes régions du Sénégal. Cette fois-ci, le discours politique est pauvre, on parle à peine des programmes. Aucun des acteurs n’a véritablement engagé de débat autour du financement des collectivités, du rôle qu’elles peuvent jouer dans le développement, comme si les enjeux étaient ailleurs.

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Le candidat de l’opposition pour Dakar, Barthélémy Dias, s’est bien engagé à relancer l’emprunt obligataire qu’avait tenté de mettre en place Khalifa Sall ?

Ici, jusqu’à preuve du contraire, le pouvoir fait tout pour empêcher les maires de l’opposition de transformer leur ville. C’est bien pour ça que la maire sortante, Soham El Wardini, insiste pour dire qu’elle parle avec tout le monde, même la majorité.

On transfère beaucoup de compétences aux structures décentralisées sans que ces transferts ne soient accompagnés de ressources adéquates. On peut toujours organiser des élections, respecter le calendrier, sans pour autant faire avancer la décentralisation. Par ailleurs, à l’issue de cette élection, on pourrait aussi se retrouver avec le tiers des maires qui ne savent ni lire ni écrire. Comment développer un terroir avec un maire illettré, des communes très vastes sans ressources ?

Si les enjeux ne sont pas locaux, quels sont-ils ?

Ces élections se tiennent juste avant la nomination d’un nouveau Premier ministre, donc d’un nouveau gouvernement dont la composition reflètera principalement les résultats. C’est bon pour l’APR [Alliance pour la république, parti présidentiel] de savoir sur qui elle peut compter en vue des échéances électorales à suivre et dans le cas où Macky Sall briguerait un troisième mandat. Si la coalition présidentielle remporte le scrutin, cela pourrait consolider l’agenda du pouvoir. Côté opposition, les locales détermineront le jeu des prochaines coalitions aux législatives de 2022, et des candidats pour la présidentielle de 2024.

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