Bulletin de santé de la démocratie au SÉNÉGAL
La démocratie est–elle « en déclin » au SÉNÉGAL ? C’est ce qui ressort, en tout cas, d’un rapport publié par l’AfrikaJom Center d’Alioune TINE, à Dakar.
En effet, cette publication pointe du doigt plusieurs dysfonctionnements des Institutions de la République. Ainsi, elle coïncide avec la tenue d’un procès très médiatisé dans le pays : celui de l’opposant Ousmane SONKO, accusé de « viols répétitifs et menaces de mort ».
L’AfrikaJom Center fait part de son inquiétude face à une « période où l’on gouverne de plus en plus par la peur et la répression » et face au plus grand nombre de « détenus politiques (plus de 300) et de détenus d’opinion » de l’histoire du SÉNÉGAL : des journalistes, des acteurs de la Société civile, des opposants.
Le plus célèbre de ceux qui ont actuellement des démêlés avec la Justice est sans doute le leadeur de Pastef–Les Patriotes, Ousmane SONKO. Très médiatisé, son procès semble en passe de se tenir !
Pour rappel, il est accusé de « viols répétitifs et menaces… », mais lui, pour sa part, dénonce un « complot » destiné à l’empêcher de se présenter à la prochaine Présidentielle du dimanche 25 Février 2024. D’ailleurs, il a réitéré hier, son appel à de nouvelles manifestations :
« Pour la première fois, Macky SALL, aidé par ses juges a posé un acte, une avant–première en tout cas par rapport à son obsession de liquider Ousmane SONKO et de l’écarter de l’élection présidentielle de 2024 a déclaré Ousmane SONKO mercredi [10.05.23] (…)
« Aujourd’hui, plus ..que jamais Ousmane SONKO est candidat à l’élection présidentielle de 2024 (…) Je dis aux militants, aux militantes, aux sympathisants, aux sympathisantes, à tous les citoyens sénégalais, que je réitère mon appel à la résistance ! »
Les faits qui lui sont reprochés sont graves et aucun élément ne permet d’affirmer à ce stade que la Justice serait manipulée par le pouvoir.
Le cas “SONKO“… !
Quoiqu’il en soit, Claus-Dieter KOENIG, Directeur du Bureau de la “Fondation Rosa Luxemburg“ à Dakar, explique qu’Ousmane SONKO parvient à fédérer, autour de lui, la « plupart des mécontentements » car, « la Société civile, les mouvements se sont ralliés derrière lui ». Claus-Dieter KOENIG donne l’exemple de « beaucoup de féministes qui disent qu’il n’est pas acceptable qu’il soit polygame mais on n’a pas le choix, c’est avec lui qu’il faut, au moins maintenant, faire avancer la cause pour, peut–être après, trouver une autre personne qui donne de l’espoir. »
Quant à la déception de la population au terme de deux mandats de Macky SALL, Claus-Dieter KOENIG estime que « toute la confiance en ce Gouvernement et en ce Président, qu’ils vont apporter quoi que ce soit au Peuple, a un peu disparu ! Cela concerne la Santé, la Transparence d’utilisation des Fonds – et le Fonds Force-Covid en est l’exemple le plus important… c’est ça, l’atmosphère dans le pays ! »
Le Professeur Amadou FALL, de l’Université de Ziguinchor, va plus loin. Il estime que l’image de “modèle“ du SÉNÉGAL dans les années 1990 était usurpée. Il renvoie dos-à-dos les acteurs politiques de tous bords :
« Même quand on voit ceux de l’opposition, leurs agissements, leurs mots d’ordre, on sent qu’il y a un présidentialisme de l’opposition. C’est un état–major, c’est une tête qui prend les décisions, et voilà la rue qui suit ! Aujourd’hui, avec les réseaux sociaux, on peut mobiliser la fureur populaire. Voilà ce qui se passe ! Mais la démocratie, c’est quoi ? Est–ce qu’on a le droit de faire ce qu’on veut parce qu’on a tous les moyens quand on est au pouvoir ? Est–ce que, quand on est opposant, on a le droit de faire ce qu’on veut, d’appeler à une violence bestiale ? La vérité c’est qu’il y a des limites à ne pas franchir, qu’on soit au pouvoir ou dans l’opposition. »
Troisième mandat ou pas… ?
Pour ce qui est du troisième mandat présidentiel qui fait tant débattre, il faut rappeler que le Chef de l’État sortant n’a pas encore affirmé qu’il souhaitait se représenter. En effet, Macky SALL y était opposé quand il a succédé à Me Abdoulaye WADE – Février 2012 –, mais selon Claus-Dieter KOENIG, « le Président, en fin de mandat, a tout intérêt à maintenir le flou le plus longtemps possible. Le calendrier électoral l’obligera à se prononcer au plus tard en Décembre », a nettement expliqué Claus-Dieter KOENIG.
En outre, Cheikh GUEYE, Coordinateur du Réseau sénégalais des Think Tank (SENRTT) et Secrétaire permanant du RASA (Rapport alternatif sur l’Afrique), évoque, quant à lui, une « démocratie malade ».
« Il y a effectivement une certaine déception, par rapport aux avancées démocratiques et aux Droits humains. Je partage l’idée que nous avons encore beaucoup de progrès à faire, en ce domaine. Tout le monde devrait se mobiliser : la Classe politique, la Société civile, pour refonder la Société sénégalaise, et la Société politique plus particulièrement, pour adopter un nouveau “Contrat social“. Il me semble que c’est nécessaire après 63 ans d’Indépendance. »
Au final, le Professeur Amadou FALL – Université de Ziguinchor – le rejoint, sur ce point. Et il enjoint les dirigeants, quels qu’ils soient, à se montrer plus vertueux et à promouvoir « une véritable éducation citoyenne ».
Avec Sandrine BLANCHARD