An 10 du régime du Président Sall : diagnostic d’une décennie présidentielle !
Le Président de la République Macky Sall vient de passer dix années à la tête du Sénégal. Admirateurs, sympathisants et ouailles de la majorité dressent un bilan satisfaisant, au moment où cancaniers, observateurs et opposants font état d’un inventaire d’une situation améliorable.
Cependant, il paraît loisible de rappeler le contexte qui a précédé à l’accession à la magistrature suprême du Président Sall et de voir là où l’on en est arrivé à l’an 10 de son pouvoir.
En campagne électorale pour briguer le suffrage de ses concitoyens, le candidat Macky Sall de l’Alliance pour la République (Apr) ne ratait pas l’occasion de peindre le pouvoir de Maître Abdoulaye Wade comme un régime aux multiples maux. Il dressait un bilan peu élogieux du pouvoir libéral qui venait de faire douze ans au pouvoir et dont le détenteur en demandait trois années de plus pour finir « ses » chantiers. En politicien averti, fort d’une expérience gouvernementale de plus huit années, l’apériste en chef incarnait l’espoir de toute une génération ! Les attentes des populations trouvaient leur fondement dans les propositions de l’ancien numéro 2 du parti démocratique sénégalais (PDS).
Entre promesses de campagne et réalités du pouvoir
En réponse à l’idée de son ancien mentor Maître Abdoulaye Wade de présenter son bilan matériel pour avoir un troisième mandat, le candidat Macky Sall avait trouvé les mots justes pour nourrir l’espoir de tout une jeunesse, et par-delà le peuple entier. Ainsi, son programme Yonnu Yokkuté exhibait incroyablement la lutte effrénée contre la corruption et l’impunité et l’instauration d’un Etat de droit où il ferait bon vivre en toute tranquillité ! Dans l’entre-deux-tours, le Sénégal, quasiment dans son entièreté, avait le sentiment de trouver la pie au nid.
Désireux de justice sociale et de bonne gouvernance, les Sénégalais avaient fini par choisir la rupture au lieu de la continuité. Adoubé par une majorité confortable, le nouveau Président du Sénégal promettait, « Avec moi, tout va changer ! C’est sur la base d’un nouvel ordre de priorités qu’il faut désormais agir, et c’est un chemin pour le véritable développement que je vous propose d’emprunter […]. Ces priorités majeures de notre projet traversent les 5 axes solidaires suivants : mettre fin aux injustices sociales, assurer les bases économiques du développement, atteindre une production développante, devenir un modèle de démocratie efficace et garantir la paix, la sécurité, la stabilité et l’intégration africaine ».
Entre la promesse de réduire un premier mandat de sept à cinq ans et l’impasse constitutionnelle d’un tel engagement, le Président Sall était obligé de se conformer à la mère des chartes.
Le temps des combats politiques n’est certainement pas celui de l’action. Nombreux sont ceux qui affirmaient de manière catégorique qu’élire Macky Sall, « ce n’est que faire du Wade sans Wade ».
La réalité du terrain offre souvent des pentes tortueuses, qui ne sont découvrables qu’une fois que l’on y accède. L’inégalité des citoyens devant dame Justice, l’inégalité des chances dans la chose publique, la transhumance sur fond de clientélisme politique, l’instrumentalisation de la justice, l’utilisation des moyens de l’Etat au profit du parti ainsi que l’implication outrancière de la famille biologique dans les affaires étatiques étaient sévèrement reprochées au régime du Président Abdoulaye Wade.
Sur les plateaux de télévision, à la radio, voire sur les réseaux sociaux qui devenaient de plus en plus incontournables dans le traitement de l’information, Macky Sall avait pris sur lui de faire passer la patrie avant le parti. A nos jours, à moins de deux ans de la tenue de la prochaine présidentielle, le jeu politique est en pleine ébullition !
Le bilan matériel passe avec des infrastructures de dernière génération à l’image du stade Maître Abdoulaye Wade de Diamniadio, le pont de Foundiougne, le TER, les autoroutes et autres réalisations de haute facture. D’autre part, la demande sociale qui consistait à procéder à une limitation sans équivoque des mandats à deux est plus que jamais plongé dans les dédales de l’incertitude, car, le Président de la République a l’air de privilégier la prise en compte effective des préoccupations de ses concitoyens et d’attendre que cela soit opportun pour leur en entretenir. Qu’à cela ne tienne !
Convenons que le chef de l’Etat son Excellence Monsieur le Président de la République, alerte et vif, a le mérite de privilégier le dialogue au sein de la sphère politique et dans l’intérêt supérieur de la nation ! N’est-ce pas lui qui avait invité solennellement l’opposition à venir fêter avec lui et tous les Sénégalais le sacre continental décroché en terres camerounaises ? N’est-ce pas lui, le Président Sall, qui a toujours appelé à un dialogue national inclusif pour des accords avec la classe politique et/ou l’opposition significative ?
Ses réalisations sont visibles sur le plan infrastructurel, social et sportif. Certains disent que ce n’est pas son argent, c’est le contribuable qui paie ! Des spécialistes ne tardent pas d’ailleurs à indexer le secteur des infrastructures comme étant une nasse tendue par les politiciens, qui s’y enrichiraient de façon peu orthodoxe.
Au cours d’une conférence donnée en février 2015 sur ‘’La lutte contre la corruption : du verbe à la vertu’’, dans le cadre des ‘’Samedis de l’économie’’ de l’Arcade à la Fondation Rosa Luxembourg, Elimane Kane soutenait que « C’est dans le secteur des bâtiments et travaux publics (Btp) que se développent les plus grandes malversations financières en accord avec les investisseurs privés étrangers aux fins de collecter des milliards pour le financement des campagnes électorales à venir ».
D’aucuns, plus concessifs, diraient que le train qui arrive à l’heure ne mérite pas qu’on en parle trop et qu’il est élu pour réaliser des choses. Rendons à César ce qui lui appartient !
Mis à part les dossiers politico-judiciaires qui n’ont pas encore connu leur épilogue, que les Sénégalais, épris de paix et de justice, veulent traités sous les auspices d’un climat social apaisé, force est de reconnaître que jusqu’ici le Président Sall détient toujours l’occasion de léguer le pouvoir à son futur successeur, la tête haute !