Décret des Flux-Italie : « C’est de la diversion, c’est de l’hypocrisie » (Boubacar Sèye)
La relance post-Covid-19 de l’Europe se fera avec les migrants. Une hypothèse des plus crédibles d’autant plus que le premier ministre italien, Mario Draghi, a signé un décret, le mardi 21 décembre dernier, autorisant la délivrance de 69 700 visas de travail à des exilés. Cette décision a été motivée par le déficit de main-d’œuvre constaté dans le pays. Ces permis de travail seront octroyés aux exilés originaires d’Albanie, d’Algérie, du Bangladesh, de Bosnie-Herzégovine, de Corée, de Côte d’Ivoire et d’Égypte notamment. Les secteurs d’activités ciblés sont : le transport de marchandises, le bâtiment et l’hôtellerie.
Mais à plus de 4000 Km de l’Italie, à Dakar, cette mesure est jugée inacceptable par le président d’Horizon sans Frontières, Boubacar Sèye. « C’est de la diversion, c’est de l’hypocrisie », martèle-il d’entrée. Il poursuit : « Combien d’Africains sont en situation irrégulière en Italie, combien de bateaux de migrants ont été bloqués par l’Italie aux portes de Lampedusa, combien de morts en 2021 en Méditerranée ? Ils n’ont qu’à régulariser massivement tous ces migrants en situation irrégulière d’abord ». Pour ce fervent défenseur de la cause migratoire, l’Italie a fini par céder à la pression de l’extrême droite européenne, qui on le rappelle, milite pour une politique anti-migrants.
Autre crainte évoquée par Boubacar Sèye, le risque de corruption dans la délivrance de ces visas notamment au Sénégal. Faisant un rapprochement avec l’affaire des passeports diplomatiques, le président d’Horizon sans frontières craint le pire avec ce décret des flux. « Ça va créer des problèmes car tout le monde veut partir. Il y aura toute une économie criminelle qui va naître. Des gens vont en profiter pour faire des affaires comme ce qui s’est passé en Espagne il y a quelques années », affirme-t-il.
Face au vieillissement de la population européenne, Boubacar Sèye pense que la régulation des immigrés est une nécessité et devrait se faire sans demi-mesure. « Les Nations unies avaient fait sortir en 2001 un rapport qui disait que si l’Europe voulait maintenir son même ratio actif / inactif en 2050, il lui faudrait recevoir 161 millions de migrants. La migration est facteur d’équilibre social-économique et c’est ce que Angela Merkel avait compris en ouvrant ses portes. C’est un besoin d’ordre conjoncturel et structurel pour une Europe vieillissante ! ».
Bien que le nombre d’autorisations de permis de travail aient doublé cette année par rapport à l’année 2021, il reste, de l’avis de nombreux experts, insuffisant. A en croire l’un des leaders de la construction italienne, pas moins de 100 000 travailleurs seraient nécessaires pour mener à bien un plan de relance économique.