Sénégal : la menace fantôme

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Nous sommes tellement habitués aux controverses stériles et dérisoires – on en vient même à polémiquer sur l’inscription de notre ceebu jen national au patrimoine immatériel de l’UNESCO – que l’on ne sait même plus identifier les enjeux et urgences cruciaux de l’heure. Heureusement, des personnalités étrangères viennent parfois nous sortir du nombrilisme de nos débats sénégalo-sénégalais et nous dessiller sur les menaces, fantômes encore, qui nous guettent. L’Imam malien, Mahmoud Dicko, a prononcé vendredi un discours aux accents prophétiques qui devraient nous interpeller sinon nous inquiéter. Après un diagnostic à la fois lucide, implacable et parfois désespéré sur le Mali, le religieux a sonné le tocsin pour toute l’Afrique de l’ouest : “Le Mali est aujourd’hui la digue, s’il cède tous les autres pays (ndlr : de la Cedeao) vont tomber”.

 

L’ancienne figure tutélaire du Mouvement du 5 juin-Rassemblement des forces patriotiques (M5-Rfp) en a profité pour lancer un appel au sursaut pour faire face à cet ennemi implacable et qui ne cesse de tisser sa toile partout sur le continent, et en particulier dans le Sahel : le djihadisme. Durant l’année 2020, 1878 attaques terroristes ont été recensées sur le continent. Elles ont coûté la vie de 8211 personnes. La majorité des attaques, soit 59%, a été perpétrée contre des civils, (statistiques publiées lors du récent Forum de Dakar sur la paix et la sécurité).

 

Le Mali, le Nigeria, le Burkina Faso et le Niger paient un lourd tribut à ce fléau. La Côte d’Ivoire subit quelques attaques sporadiques. Et le Sénégal a été ,jusque-là épargné par cette folie meurtrière aveugle.

 

Est-ce la raison pour laquelle cette thématique est peu présente dans le débat public ? Les questions sécuritaires et géostratégiques sont l’angle mort de la vie politique sénégalaise.

 

C’est tellement plus commode d’entretenir la polémique sur la sempiternelle question du troisième mandat, d’ergoter sur les dernières nominations et affectations au sein de la Magistrature, ou de pétitionner pour une hypothétique traduction du chef de l’état devant la Haute Cour Justice. Rare sont les hommes politiques à aborder la problématique du djihadisme et les risques qui planent sur le Sénégal de manière frontale.

 

Lequel d’entre eux a ne serait-ce que fait un commentaire sur le récent rapport commun du Centre des hautes études de défense et de sécurité (CHEDS) et l’Institut d’études de sécurité (ISS). Ce document, qui fera date, souligne que le Sénégal n’est définitivement plus à l’abri du péril terroriste

 

L’étude indique, précisément, que les localités aurifères sénégalaises de Tambacounda et Kédougou, dans l’est du pays, « recèlent des vulnérabilités qui sont instrumentalisées par (les) groupes (terroristes) dans leurs stratégies de contrôle des espaces et des circuits d’approvisionnement dans la zone sahélienne ». « L’absence de traçabilité des ressources qui financent l’activité aurifère et de celles qui découlent de la commercialisation de l’or alimente les risques de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme », ajoutent encore les deux organismes.

 

Pour autant, nos hommes politiques, qui aiment si souvent “rebondir” sur les faits saillants de l’actualité, n’ont rien dit de significatif sur cette question qui engage l’avenir et la souveraineté du Sénégal.

 

Cela en dit long sur leur hauteur de vue, leur sens des priorités et leur capacité de projection sur le long terme. En somme sur leurs limites de d’homme d’État.

Ramatoulaye 

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