« A chaque élection les mêmes crises, le sang qui coule inutilement » (Alassane K. Kitane)

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Le rejet de l’ensemble des recours déposés dernièrement au  Conseil Constitutionnel continue de susciter des réactions. Alassane K. Kitane est monté au créneau pour pour s’adresser aux « politiciens qui n’ont que leur capacité de nuisance à faire valoir pour nous diriger ».

En attendant que les constitutionnalistes nous produisent des éclairages pour défendre ou condamner les décisions du Conseil constitutionnel, ne serait-il pas possible de s’interroger sur l’état d’esprit de nos hommes politiques et ses conséquences dans le destin de notre nation ?

Le droit n’est pas une science exacte, il implique et requiert le bon sens : il faut donc de la souplesse et de la cohérence aussi bien dans les décisions que dans les commentaires y afférents. Il faut donc nécessairement que les constitutionnalistes se prononcent de façon audible sur ce qui vient de se passer. Leur silence sur cette question serait tout bonnement une abjuration incompréhensible et une fuite en avant face à une crise de la science et de la technique du droit.

Les constitutionnalistes doivent parler et nous expliquer entre autres questions celle de savoir si la jurisprudence de la cour d’Appel lie le Conseil constitutionnel ? Le Conseil constitutionnel a-t-il les prérogatives pour prendre certaines décisions ? Le dialogue politique qui s’est tenu il n’y a guère longtemps n’avait-il pas l’occasion d’anticiper sur certaines questions en nous proposant notamment une cour constitutionnelle ? Cette impasse politique dans laquelle nous sommes entrés à cause de l’irresponsabilité de Macky Sall et des autres hommes politiques ne donne-t-elle pas raison à ceux qui voyaient dans ce dialogue politique une simple mise en scène ?

Mais il nous faut également pointer du doigt nos mœurs politiques, notre rapport au pouvoir et notre conception totalement manichéenne de la vérité et du bien. Comment expliquer que de si grandes coalitions soient dans l’incapacité de se conformer à la loi ? Tout le monde pointe un doigt accusateur sur le Conseil constitutionnel, mais il est curieux que personne ne se demande : et nous autres hommes politiques, quelle est notre part de responsabilité dans cet imbroglio ! Comment expliquer que ceux qui, en 2019 avaient bouché leurs oreilles quand des victimes du parrainage combattaient celui-ci, soient précisément ceux qui taxent les « neutres ?» de traitres ?

Nous avons l’habitude de toujours rejeter la faute sur autrui, de ne jamais assumer notre part de responsabilité dans ce qui nous arrive. Comment dès lors pourrions-nous avoir des dirigeants suffisamment lucides pour traiter d’égal à égal avec les autres ? Notre manque d’organisation et de rigueur, notre culture de la tricherie, notre propension à toujours verser dans le Maslaha quelle que soit la gravité de la situation, notre invincible incapacité à nous élever au-dessus de nos postures partisanes (que nous considérons d’ailleurs comme des absolus en fonction desquels le monde devrait s’ajuster), notre tendance morbide à faire de notre propre destin la locomotive du destin collectif : voilà les causes de cette situation inédite dans laquelle les hommes politiques nous ont plongés.
Cette anarchie que nous avons créée de nos propres mains est une révélation des causes profondes de notre retard dans tous les domaines. Des élites incapables d’organiser des élections populaires conformément aux lois et règlements qu’ils se sont aux mêmes choisis peuvent-elles mener le pays à bon port ? Le Blanc nous exproprie, nous exploite et nous asservit en exploitant notre incivisme culturel et notre manque de sérieux devenu culte. Nous aimons la folie et sommes gênés par la sobriété condition sine qua non de la recherche de la vérité et de la sagesse. Tout ce tintamarre entretenu est destiné à nous empêcher d’être lucides et de comprendre réellement l’ampleur du drame que nous vivons. Surenchère contre surenchère ; recours contre recours, menace contre menace : tout ça pour masquer ses carences inqualifiables en tant que leaders. Nous sommes finalement tous coupables de ce dont nous accusons le Conseil constitutionnel. C’est une honte nationale ce qui se passe là !

Un pays où il y a des hommes brillants, sobres, probes et dévoués comme Mamadou Lamine Loum, Mame Adama Gueye, Alioune Sall (directeur IFA), Pr Souleymane Mboup, Pr Moussa Seydi, Pr. Fatou Sow Sarr, Assane Dioma Ndiaye, Mary Teuw Niane, Boubacar Boris Diop, Ngouda Mboup, Pierre Sané, Amadou Tidiane Wone, (pour ne citer qu’une infime partie des ressources humaines que nous avons) pour prendre en charge nos problèmes ne peut pas se permettre cet état de végétation qui n’est ni démocratie ni anarchie. On ne peut pas confier son destin exclusivement à des politiciens qui n’ont que leur capacité de nuisance à faire valoir pour nous diriger. A chaque élection on a les mêmes crises, le même résultat, à savoir le sang qui coule inutilement, c’est-à-dire sans rien régler. C’en est vraiment assez !

Par Alassane K. KITANE

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