Troisième mandat : les obstacles juridiques à la candidature de Macky

President

Le débat du troisième mandat continue de s’animer au Sénégal. Mais des obstacles s’invitent à la candidature de Macky Sall.  

Dans un pays normal, la référence pour la détermination des questions comme le mandat et le nombre de renouvellements, c’est la Constitution. Au Sénégal, tout le monde semble suspendu à la déclaration du chef de l’Etat, le Président de la République qui, lui, préfère tenir en otage toute la République. Pourtant, la Charte fondamentale est très claire. Elle dispose de façon nette et sans équivoque : « la durée du mandat du Président de la République est de cinq ans. Nul ne peut exercer plus de deux mandats consécutifs ».

Quoi de plus clair ? Mais dans le régime, les plus téméraires en sont venus à des interprétations des plus audacieuses possibles. Très futés, ils estiment que la Constitution parle de deux mandats de cinq ans. En conséquence, soutiennent les thuriféraires du Président, le premier mandat de sept ans de Macky Sall n’est pas à prendre en compte. Ils n’hésitent pas à brandir la jurisprudence Abdoulaye Wade, pour justifier leurs allégations. Pour eux, comme Wade en 2012, Macky devrait pouvoir briguer un troisième mandat en 2024. Le Conseil constitutionnel, dans tous les cas, ne devrait pas s’y opposer, lui qui l’avait validé en 2012.

Mais ce dont les gens ne parlent pas assez, c’est que même si deux situations (2012-2024) peuvent avoir des similitudes, elles n’en demeurent pas moins différentes, à bien des égards. En 2012, le Conseil constitutionnel devait arbitrer entre une loi qui date d’avant l’élection de Wade et qui ne prévoyait pas de limitation, et la Constitution  de 2001 qui prévoyait la limitation. La question juridique qui se posait aux sages est de savoir si le premier  de Wade obtenu en 2000 devait être régi par l’ancienne disposition ou la nouvelle (la Constitution de 2001). Au nom du principe de la non-rétroactivité, le Conseil avait répondu par l’affirmative. C’est-à-dire, le premier mandat de Wade était régi par les dispositions constitutionnelles antérieures à 2000.

Pour 2024, la problématique sera tout autre. Il s’agira d’arbitrer, s’il y a lieu, entre une loi ancienne qui prévoit la limitation (deux mandats). Quelle que soit la loi applicable, la solution est la même. Macky Sall ne saurait faire plus de deux mandats consécutifs. Aussi, certains pourraient leur faire le grief d’essayer de distinguer entre mandat (de 7 ans) et mandat (de 5ans) là où la loi constitutionnelle ne fait pas la distinction, en parlant de mandat tout court. Or, un principe élémentaire  du droit interdit de distinguer là où la loi ne distingue pas.

La jurisprudence pertinente du Conseil constitutionnel

pub

Plus récent, récent encore, le Conseil constitutionnel, dans sa décision n° 1/C/2016 du 12 février 2016  relative au référendum, relavait à propos de l’intention du Président de réduire son propre mandat. La haute juridiction disait dans sa fameuse décision : « pour la  sauvegarde de la sécurité juridique et la préservation de la stabilité des institution , le droit  applicable à une situation doit être connu au moment où celle-ci prend naissance … Ce droit s’entend non seulement des règles constitutionnelles écrites, mais aussi de la pratique qui les accompagne et des précédents qui éclairent les pouvoirs  publics sur la manière de les interpréter … Au moment où le mandat en cours était conféré , la Constitution fixait la durée du mandat du Président de la République à sept ans. »

Pour paraphraser le Conseil constitutionnel, on serait tenté  de dire qu’au moment où Macky Sall était porté à la tête du Sénégal en 2012, par le peuple souverain, la Constitution ne prévoyait que deux mandat. Aujourd’hui encore , rien n’a changé par rapport à cette volonté du peuple. Il résulte des affirmations de la haute juridiction que « la sécurité juridique et la stabilité  des institutions , inséparables de l’Etat de droit dont le respect et la consolidation sont proclamés dans le préambule de la constitution du 22 janvier 2001 ? Constituent des objectifs à  valeur constitutionnelle que toute révision doit prendre en considération, pour être conforme à l’esprit de la constitution ».  Des affirmations, découlait la renonciation, par le Président République, à ramener son mandat à 5ans au lieu de 7 ans, pour respecter la volonté du peuple.

Pour les mêmes motifs, personne ne devrait pouvoir, non plus, s’arroger le droit d’augmenter le nombre de mandats, à travers une simple girouette politique. Par ailleurs, ce serait un précédent dangereux d’admettre une interprétation similaire à celle des gens du régime. Admettre que la nouvelle disposition sur le mandat fait référence seulement aux mandats de 5ans, c’est reconnaitre au futur remplaçant de l’actuel président de faire trois mandats comme Macky Sall. Il suffirait de faire une autre révision constitutionnelle, dans le sens d’allonger ou de réduire la durée du mandat, pour s’offrir  cette possibilité…Ainsi, l’on retournerait à des années-lumière; quand le régime du Président Diouf faisait sauter le verrou sur la limitation du nombre de mandats présidentiels.

Ramatoulaye  

 

→ A LIRE AUSSI : L’embargo de Mali : la cimenterie sénégalaise souffre

→ A LIRE AUSSI : Ordre de dépôt des dossiers de candidature : Les résultats provisoires connus

→ A LIRE AUSSI : OFFICIEL : Erling Haaland signe à Manchester City

pub