Tensions politiques–Contribution : Histoire et responsabilité (Par Hamadou Tidiane Sy)
Les fondations (politiques) allemandes, telles que nous les connaissons aujourd’hui (Konrad Adenauer, Friedrich Ebert, Böll, Rosa Luxembourg, etc.), si célèbres sur le continent africain par les diverses actions qu’elles y mènent, sont nées pour l’essentiel au lendemain de la deuxième guerre mondiale. Pour aller vite, on peut dire qu’elles sortent des flancs des partis politiques allemands. Elles existent pour une raison simple au départ : éduquer à la citoyenneté et à la «politique», afin de permettre une participation politique plus responsable et d’éviter à l’Allemagne l’instabilité et les crises ayant conduit à la faillite politique du pays, puis à l’avènement du Parti national socialiste — et les dégâts qu’on sait à l’échelle du monde.
Elles sont, ces fondations allemandes, le fruit d’une prise de conscience collective sur le rôle des partis dans un pays.
Pourquoi ce rappel ?
Le Sénégal, sans en être arrivé à ce stade de faillite totale, vit des moments particuliers – troubles pour ne pas dire plus. Une crise multiforme sévit et qui touche jusqu’au sommet de l’Etat, résultat de l’irresponsabilité de l’ensemble des partis et acteurs politiques.
Ces dysfonctionnements politiques se répercutent sur tous les secteurs de la vie nationale.
Il urge donc que les partis qui aspirent à diriger le pays reconnaissent leur responsabilité collective dans cette faillite et s’engagent à contribuer au redressement national. Il est temps que ces partis s’inspirent du modèle allemand et trouvent des mécanismes pour assurer l’éducation de leurs militants à la citoyenneté. Exactement comme les fondations allemandes ont eu à le faire au lendemain de la guerre.
On ne peut créer des partis uniquement pour la conquête du pouvoir. La finalité de la conquête du pouvoir, c’est de contribuer à la construction et au développement d’une nation. Conquérir et garder le pouvoir, rien que pour la jouissance et les privilèges, ne peut être le but ultime assigné aux partis.
Malheureusement, dans notre pays, les 200 ou 300 partis qui s’y agitent limitent leurs projets et leurs ambitions à la conquête du pouvoir ! C’est vil.
Un parti se crée, non pour régler des comptes ou y noyer des frustrations, encore moins pour prendre une quelconque revanche sur des adversaires.
Les beaux idéaux, qui font qu’on se lance en politique, sont autres. Or ce pays les a perdus depuis.
Afin de nous éviter une catastrophe, comme d’autres pays l’ont vécu avant nous, les partis ont la responsabilité historique de reprendre la vielle tradition de formation et d’encadrement de leurs militants. En lieu et place de cette folle concurrence pour le recrutement de nervis, de têtes vides, d’insulteurs publics et autres populistes manipulateurs ayant déjà fait la preuve de leur échec. Il faut mettre fin à ces coalitions hétéroclites, au nom d’une realpolitik insensée et nauséabonde. Le pays mérite mieux.
Des projets de société clairs, des cadres et militants méritants et bien formés, des leaders engagés et véridiques, à cheval sur les principes, voilà ce dont le pays a besoin en urgence.
Tout cela commence par réduire le nombre de partis et une redéfinition de l’engagement politique qui doit retrouver ses lettres de noblesse. On en est encore loin. Hélas.