Sonko s’est lourdement trompé sur l’interprétation des parts du Sénégal en pétrole et en gaz ( Par Abdou Latif Kane, Expert Pétrolier)
Sonko s’est lourdement trompé sur l’interprétation des parts du Sénégal en pétrole et en gaz ( Par Abdou Latif Kane, Expert Pétrolier)
Loin de moi l’idée de faire le professeur dans le secteur du pétrole ou d’être un polémiste, mais il est important à mon sens, de tirer la bonne graine de l’ivraie sur tout propos de quelque acteur politique que ce soit qui aspire à présider aux destinées de notre cher Sénégal, un acteur politique de surcroît chef de l’opposition Sénégalaise.
Dans sa dernière sortie, le Sieur Sonko a dit qu’il trouve injuste et incongru la part du Sénégal qui s’élève à 10% dans les contrats relatifs aux hydrocarbures, et mieux il continue en pointant du doigt l’État sur sa décision à ne pas faire cavalier seul dans l’exécution de la recherche et de l’exploitation de ses hydrocarbures en offshore comme en onshore. Il a étayé son propos en donnant l’exemple du Quatar et de l’Arabie Saoudite pour dire que ces 02 pays ont exploité seuls leurs ressources en pétrole et en gaz en n’adoptant aucune approche qui fait intervenir la joint-venture ou en termes plus simples, la collaboration.
Je remets au goût du jour le fameux pacte de Quincy de 1945 signé en pleine mer au milieu du canal de Suez entre l’Arabie Saoudite et les USA, où il était question pour le dernier cité d’avoir le monopole d’exploitation des hydrocarbures en terre saoudienne, en échange de son parapluie militaire très développé à l’époque pour apporter une protection à l’Arabie Saoudite qui se trouve dans une zone très instable et propice aux conflits et guerres entre pays du moyen Orient. Cet exemple est essentiel puisqu’à l’époque l’Arabie plus développé que nos pays africains ne disposait pas de la capacité technique et technologique pour extraire seul ses hydrocarbures.
En plus de l’exemple Saoudien, je piaffe d’impatience de vous donner l’exemple de la Norvège un pays qui est un cas d’école dans la gestion rigoureuse de ses hydrocarbures (pétrole, gaz ). La Norvège avait emboîté le pas à l’Arabie Saoudite pour confier ses hydrocarbures à des firmes pétrolières étrangères pour exploitation, mais en même temps, posé les mécanismes d’un cadre juridique et institutionnel afin de préparer ses jeunesses en les formant sur le moyen et le long terme sur les activités qui engloutissent la haute technologie et le compartiment des ingénieurs.
D’ailleurs, je me plais de rappeler au sieur Sonko que le Sénégal sous la direction du président Macky Sall, a adopté la même formule que la Norvège, mais est allé même au delà, en mettant en place un institut national du pétrole et du gaz ( INPG) assorti d’une stratégie de levée de fonds sur le marché international financier qui a abouti à une augmentation contrôlée et calculée de la part de PETROSEN qui passe de 10 à 18% pour le gisement de Sangomar. Un pourcentage qui n’a rien à voir avec celui du Sénégal même si PETROSEN demeure un patrimoine national.
Pour avoir lu l’ouvrage d’ Ousmane Sonko avec beaucoup d’attention sur le pétrole, intitulé : Pétrole et Gaz au Sénégal – Chronique d’une spoliation, écrit en 2016, je lui donne des circonstances atténuantes, suite au pourcentage polémique des 10% qui créent un véritable tollé, parceque tout simplement, lui même y a dit sans fard ni maquillage, que les 10% de PETROSEN sans participation aucune dans les investissements sont très logiques et compréhensibles. Alors si en l’espace de 06 ans, il change de discours, cela devient préoccupant et dramatique, même s’il est gagné par l’envie de faire les yeux doux à l’électorat.
Le secteur du pétrole et du gaz a toujours été un secteur capitalistique du fait des risques énormes inhérents au processus d’exploitation en amont comme en aval, avec une estimation approximative de 90% voire 95% de ne rien trouver dans l’exploration d’un gisement de pétrole ou de gaz. En sus de cela, l’étape d’extraction du fameux fluide gazeux ou liquide dépend du caractère commercial de son contenu, même si le puit contient en son sein une énorme quantité d’hydrocarbures.
On doit également mettre dans nos perceptions que les caractéristiques de la roche mère et de la roche réservoir où sont piégés les hydrocarbures, peuvent elles mêmes contribuer à une exploitation à perte puisqu’elles sont essentielles et volatiles à cet effet.
En résumé c’est une activité onéreuse et risquée pour un Etat moins avancé qui a un rôle régalien de résolution des problèmes des Sénégalais dans les domaines de la santé, de l’éducation, de l’agriculture, de la maîtrise de la régulation des prix des denrées de première nécessité.
C’est pourquoi l’activité de prospection, d’exploration et d’exploitation des champs en hydrocarbures est très délicate et difficile à supporter financièrement par les Etats qui sont dans une dynamique de construction de leur économie et de leur carapace sociale.
Abdou Latif Kane Expert Pétrolier, membre du groupe de Mécanique des Fluides-Applications et Instabilités au laboratoire de Mécanique des Fluides / cadre à l’APR