Manifestations des 1er & 2 Juin : L’immense perte estimée à hauteur de 200 milliards de francs CFA
Le bilan humain très lourd de la crise politique qui secoue le Sénégal, depuis la semaine dernière, a fait réagir le monde entier.
Pas moins d’une vingtaine de morts et près de 400 blessés dont 78 graves ont été déplorés. Les conséquences économiques des nombreuses casses et autres mesures restrictives qui ont jalonné ces journées d’émeutes sanglantes n’en sont pas moins importantes. Institutions bancaires, enseignes de la grande distribution, services de transferts d’argent…sont les victimes collatérales des bisbilles politico-judiciaires entre le pouvoir et l’opposition.
Après cinq jours de “confinement forcé“, Mme Ndiaye a décidé de profiter de l’accalmie de ce mercredi 07 Juin 2023, pour retirer sa modeste pension. La septuagénaire – enseignante à la retraite résidant à Guédiawaye (banlieue dakaroise très touchée par les manif) –, s’est levée, de bonne heure, pour se rendre au siège de la BHS (Banque de l’Habitat du Sénégal), sis au Triangle–Sud en Ville, où elle a domicilié son salaire depuis plus de trente ans. Ce qui était d’habitude une petite formalité, qu’elle effectuait en moins de trente minutes, à l’agence de la BHS du Rond-Point Canada (Guédiawaye), est subito redevenu un périple stressant !
« J’ai l’impression de retourner 20 à 30 ans en arrière à l’époque où la banque n’avait pas décentralisé ses services et qu’il fallait impérativement se rendre au siège pour retirer son salaire. Je vais devoir payer 7 à 8 mille francs pour un aller-retour », rouspète la vieille dame croisée à Hamo 4, à l’attente d’un taxi. A l’instar de plusieurs autres agences de banque, BHS–Canada a été prise pour cible lors des dernières manifestations qui ont éclaté à l’annonce de la condamnation à 2 ans de prison ferme de l’opposant Ousmane Sonko. L’agence est méconnaissable ! Vitres littéralement cassées, mobiliers et paperasses saccagés et brûlés, guichet automatique vandalisé, le service est, depuis, suspendu jusqu’à nouvel ordre !
Les banques : nouvelles cibles des pillards…
Elle n’est pas la seule agence d’Institutions bancaires à avoir subi la furie destructrice des manifestants et autres pillards. SGBS/Ndiarème Limamou Laye (Guédiawaye), CBAO (Pikine, Dieuppeul), agence Banque Islamique/Pikine, pour ne citer que celles–là, ont été saccagées par des casseurs, qui ont voulu profiter de la situation pour dévaliser des banques. Des actes de vandalismes aux conséquences très lourdes, si l’on s’en tient à l’importance vitale qu’a l’activité bancaire dans une Économie sénégalaise fortement dominée par l’informel.
Joint au téléphone, le Secrétaire exécutif de L’OQSF (Observatoire de la Qualité des Services financiers), Habib Ndao livre une lecture chiffrée des conséquences des dernières tensions politiques sur le secteur bancaire. Et le moins que l’on puisse dire est que ses révélations donnent le tournis. La note est très salée, concède d’emblée M. Ndao !
« Les manifestations et actes de pillage notés durant ces derniers jours ont affecté aussi bien l’exploitation que les activités des banques », a-t-il déploré.
17 banques touchés, 29 agences saccagées, baisse moyenne de 19 milliards FCFA/jour…
Rappelons que le secteur bancaire sénégalais compte 27 banques (bientôt 28) et 4 établissements financiers à caractère bancaire. En termes d’opérations, les crédits accordés par les banques se situent à 6808,5 milliards F CFA. Le nombre total de points de services (agences et GAB) s’établit à près de 1.200, pour un nombre de clients estimé à 2.435.910.
Ainsi, en attendant qu’une évaluation plus exhaustive soit faite, Habib Ndao se réfère aux chiffres de l’APBEFS (Association des Professionnels de Banque et établissements financiers). Ceux–ci font état de 17 Institutions bancaires (en zone urbaine et périurbaine) touchées sur les 31 que compte le pays. Sur 775 agences bancaires, 29 ont été endommagées. Ce qui a conduit à une paralysie quasi-totale du secteur bancaire avec comme corollaire une difficulté d’honorer les engagements pour certains fournisseurs.
« Ce qui a conduit à un dysfonctionnement sur la chaîne d’approvisionnement », a–t–il renseigné.
Pour une liquidité bancaire annuelle de près de 7.079 milliards F CFA, la fermeture des banques a occasionné, selon le Secrétaire exécutif de l’Oqsf, une baisse moyenne de 19 milliards de F CFA par jour, sur l’activité de collecte des dépôts. Reportée sur les 5 jours de fermeture, la facture s’envole !
Plus de 48 milliards CFA de perte occasionnée par la suspension des données mobiles
Longtemps épargnés par les troubles de cette nature, les transactions digitales ont été fortement impactées cette fois–ci. Ceci en raison de la décision de suspendre l’Internet mobile (de 13h à 00h), prise le dimanche 4 Juin par l’État du Sénégal, via son Ministère de la Communication, des Télécommunications et de l’Économie numérique. Si les autorités tentaient, par cette mesure, de lutter contre « les messages haineux et subversifs dans un contexte de trouble à l’ordre public », elles étaient loin d’en mesurer les conséquences économiques, si l’on sait que 98% des utilisateurs du Web, au Sénégal, se connectent via leur smartphone.
En effet, en plus d’attenter à la liberté individuelle et collective à l’Information, cette restriction de l’utilisation de l’Internet sur données mobiles a entraîné une baisse des transactions effectuées au niveau des quatre opérateurs du marché des transactions digitales : WAVE, Orange Money, Tigo–Cash, Expresso. D’ailleurs, d’après L’Observatoire de la Qualité des Services financiers, les services numériques les plus affectés par cette mesure sont : les dépôts, les transferts et les paiements marchands.
WAVE change de fusil d’épaule…
Selon les statistiques disponibles, à la fin Décembre 2022, les transactions digitales ont enregistré un volume total de 496.000.000 d’opérations qui se chiffrent à 7870 milliards de francs CFA. A en croire, Habib Ndao, « la perte constatée sur les transactions est en moyenne de 48 milliards de francs FCA. WAVE est sans doute l’opérateur qui en a le plus pâti, puisque sa plateforme n’est accessible qu’avec Internet. La marque au pingouin a mis une pression énorme à ses équipes, pour combler ce retard par rapport à ses concurrents moins dépendants d’internet. »
Dans la lancée, un agent de WAVE répondant au nom de Brice Koué, assurait mardi dernier : « Nous sommes en train de travailler avec nos partenaires les opérateurs téléphoniques pour que le service soit accessible sans connexion Internet ».
Finalement, la bonne nouvelle est tombée mercredi soir. « Bonne nouvelle, chers clients : utilisez désormais les services Wave, même sans connexion internet. Pour Orange, au #2171#. Pour Free : au #171# ou avec l’application en laissant les données mobiles activées. Pour Expresso : utilisez l’application sans connexion en activant les données mobiles. Avançons ensemble ! #Waveko #BouBakhBi », a annoncé le Community management de WAVE !
Coup dur pour Auchan !
Au même moment, l’enseigne française de la grande distribution – Auchan –, cible prisée des manifestants et autres pillards, déplore des saccages et pillages dans 7 de ses magasins sis à Dakar : Scat Urbam 1, Scat Urbam 2 (Grand–Yoff), Zac–Mbao, Pikine, Soprim (Parcelles Assainies), de mêmes que les boutiques “TOTAL“, Dior et Total/Liberté 6. A Mbour, un chapiteau de produits non-alimentaire d’une valeur de 70.000.000 de francs CFA a été incendié, a rapporté, dans les colonnes de Seneweb, le Directeur du Développement et de la Communication de l’enseigne française, Papa Samba Diouf.
En attendant une estimation exhaustive des pertes, la Direction a ainsi décidé de fermer, jusqu’à nouvel ordre, les magasins situés dans zones dites « rouges ». Cibles de choix des manifestants, Auchan et les stations-services réclament à l’État un dédommagement pour le préjudice subi en Mars 2021 (15 milliards de francs CFA pour Auchan et 102.000.000 pour les stations-services). S’agissant des dégâts de Juin 2023, la facture sera également envoyée aux autorités étatiques.
En termes de préjudices macroéconomiques causés par les récentes émeutes, selon les statistiques d’Oqsf, ce sont près de 200 milliards de FCFA, de manière directe, qui sont perdus par l’État, les entreprises et les ménages sénégalais : un coup dur pour une Économie aussi balbutiante !
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