Macky Sall doit pouvoir partir avec les honneurs de la guerre en 2024 (Par Mamadou Oumar Ndiaye)

Certes, l’on peut bien comprendre que, pour faire bonne contenance, Benno Bokk Yaakar (BBY), la coalition de la majorité présidentielle, soutienne qu’elle reste largement majoritaire dans le pays. Et que, globalement, elle a gagné les élections locales de dimanche dernier. On croirait entendre feu Iba Der Thiam au lendemain des élections locales de 2009 ! En réalité, les résultats sortis des urnes montrent à tout le moins une contreperformance pour cette majorité conquérante qui, depuis 2012, a constitué une redoutable machine électorale qui a écrasé ses adversaires au cours de toutes les élections qui ont suivi celle triomphale de son président cette année-là.
Perdre Dakar, Guédiawaye, Pikine, Thiès, Ziguinchor, Diourbel, Rufisque, essuyer un refus poli des électeurs de Touba qui, pour ne pas humilier leur khalife et faute d’alternative ont voté bulletin blanc, et venir ensuite prétendre avoir gagné, cela relève de l’auto-consolation apparemment. Car tout le monde sait que rien que la victoire à Dakar de l’opposition contrebalance toutes les autres conquêtes qu’a pu faire le camp présidentiel à l’intérieur du pays. N’est-ce pas que c’est le président de la République lui-même qui rappelait, en inaugurant le Ter en janvier dernier, que « la région de Dakar concentre 25 % de la population sénégalaise et près de 70 % de l’activité économique du pays. Dakar concentre également l’essentiel du parc automobile national et enregistre environ 40.000 nouvelles immatriculations par an… » D’où le caractère hyper stratégique de cette capitale ! Et quand on y ajoute les autres villes citées ci-dessus, on se dit qu’il y a eu assurément un basculement de majorité électorale dimanche dernier dans notre pays. Plus généralement, l’on sait bien que partout où des pouvoirs ont été renversés par des révoltes populaires que ça soit en Afrique (Mali, Guinée, Burkina, Soudan, Egypte, Madagascar…) ou en Europe (Géorgie, Ukraine…), ce sont d’abord les capitales qui se sont soulevées à l’exception notable de la Tunisie et de la Lybie où ces soulèvements ont commencé respectivement à Sidi Bouzid et à Benghazi.
Encore que, pour le pays de Bourguiba, Ben Ali n’est tombé que lorsque la capitale est entrée dans le mouvement. Le pouvoir se conquiert dans les capitales même s’il se consolide souvent à l’intérieur des pays. De la même façon, électoralement, lorsque la capitale tombe, généralement le reste du pays suit. Au Sénégal, lorsque le régime socialiste a perdu Dakar en 1993, tout le monde sait qu’il était en sursis. De même, en 2009, quand les électeurs de la même ville ont infligé un cinglant revers au président Abdoulaye Wade à travers le maire Pape Diop, on savait qu’il allait sauter à la prochaine présidentielle. Pour dire que les résultats de dimanche dernier ne sont pas de bon augure pour le président Macky Sall dans l’éventualité où il envisagerait de se représenter en 2024 pour ce qui risque d’être le mandat de trop. Que le peuple ne le laissera de toute façon pas accomplir !
Axe de l’ingratitude et de l’indifférence !
Le plus important se trouve en effet dans le message que les électeurs ont voulu adresser au président de la République. Un message clair et sans équivoque visant à lui faire comprendre qu’ils n’accepteront pas qu’il essaye d’accomplir un troisième mandat qui, pour eux, constituerait un casus belli avec toutes les conséquences qu’il pourrait engendrer pour le président Macky Sall. De ce point de vue, plutôt que de simples élections locales, on a assisté en réalité à un référendum pour ou contre le président Macky Sall, le pour étant symbolisé par Benno Bokk Yaakar et le non par Yewwi Askan Wi. Dans ce duel de géants, évidemment, les candidats indépendants, quelle que fût leur valeur, n’avaient aucune chance. Et dans ce référendum, encore une fois, on peut difficilement soutenir que le camp présidentiel a gagné. A preuve par sa déculottée dans la région de Dakar. De manière ironique et paradoxale, d’ailleurs — et là nous ouvrons une parenthèse — c’est sur l’axe où l’actuel président de la République a déversé le plus d’argent et a concentré le plus d’investissements qu’il a enregistré ses plus mauvais résultats ! Cet axe c’est celui qui va de Dakar à Touba en passant par Pikine, Rufisque, Thiès, Bambey et Diourbel! Rien que l’autoroute Ila Touba (400 milliards) et le Ter (780 milliards sur 36 kilomètres) ont englouti 1180 milliards sur cet axe de l’ingratitude ou de l’indifférence de populations ! A l’inverse, les zones qui ont été les plus oubliées en matière d’investissements (« Titre Foncier » du Fouta, Kolda, Vélingara, Sédhiou, Kaffrine, Tambacounda, Kédougou…) ont été celles qui ont plébiscité les listes Bennoo ! Des zones qui, de toutes façons, ont vocation à accompagner les pouvoirs, tous les pouvoirs, et à tomber avec eux tandis que des villes rebelles comme Dakar, Pikine, Guédiawaye et Thiès, elles, sont celles qui les renversent. C’est pourquoi, lorsque ces dernières villes tournent le dos à un régime, il doit s’inquiéter.
Les erreurs du mauvais casting présidentiel se payent cash !
En dehors du caractère référendaire des élections locales de dimanche dernier, ce qui a coûté cher à la majorité, c’est le mauvais casting du président de la République, influencé paraît-il par son mauvais génie Mahmouth Saleh et par Mor Ngom, entre autres, dans la plupart des localités. Plutôt que de laisser les responsables à la base de son parti choisir leurs candidats, il a cru devoir le faire à leur place. Mal lui en aura pris dans beaucoup de cas et non des moindres…