L’élargissement d’Ousmane SONKO peut-il influer sur le cours de l’Élection ?

Publié le 15/03/2024 - 11:32mars 15, 2024

Texte par : Moussa Lome

10 min

Ousmane SONKO, chef de l’opposition sénégalaise, et Bassirou Diomaye-Diakhar FAYE, candidat à l’Élection présidentielle qu’il soutient lors de l’Élection retardée de ce mois-ci, sont élargis de taule.

Ainsi, les deux hommes ont rencontré des centaines de leurs partisans en liesse dans la Capitale, Dakar, après leur libération d’hier, jeudi 14 Mars, dans la soirée.

« Je suis content, parce que je sens la libération totale du SÉNÉGAL », a joyeusement imparti un partisan des opposants libérés.

« C’est une très bonne chose pour moi, mais aussi c’est une très bonne chose pour la population sénégalaise », a, de son côté, exulté un autre partisan sorti manifester sa joie dans les rues de Dakar.

En effet, la libération d’Ousmane SONKO et de Bassirou Diomaye-Diakhar FAYE survient pendant la campagne électorale pour l’Élection présidentielle, qui est prévue dans moins d’une dizaine de jours.

Pour rappel, la loi d’Amnistie générale adoptée par l’Assemblée nationale sénégalaise a été favorable aux deux dirigeants politiques. En l’espèce, cette loi adoptée, dans un premier temps en Conseil des Ministres, est motivée, selon le Président Macky SALL, par une volonté de pacifier l’espace politique du pays.

D’ailleurs, ladite loi d’Amnistie englobe « tous les faits susceptibles de revêtir la qualification d’infraction criminelle ou correctionnelle, commis entre le 1er Février 2021 et le 25 Février 2024, tant au SÉNÉGAL qu’à l’Etranger, se rapportant à des manifestations ou ayant des motivations politiques, y compris celles faites par tous supports de communication, que leurs auteurs aient été jugés ou non ».

Un processus électoral assez riche en rebondissements

Après plus d’un mois de tensions des suites de la décision du Chef de l’État, Macky SALL, de reporter sine die l’Élection présidentielle le 03 Février dernier, déclenchant une vague de manifs dans tout le pays, l’heure est à la campagne électorale au SÉNÉGAL pour le scrutin du dimanche 24 Mars prochain.

Finalement, cette date a été retenue par les autorités, après une décision du Conseil constitutionnel jugeant le report de l’Élection non conforme à la Constitution de la République du SÉNÉGAL.

Dix-neuf candidats (19) sont donc en lice pour succéder au Président sortant Macky SALL, qui ne se représente pas après ses deux mandats à la tête du pays.

Une liste définitive de candidats validée par le Conseil constitutionnel où ne figurent ni Karim Meïssa WADE, fils de l’ancien Président Abdoulaye WADE, ni Ousmane SONKO, leadeur de l’opposition emprisonné depuis plusieurs mois et dont la candidature a été rejetée suite à une condamnation pour « diffamation ».

Pour autant, le leadeur de l’ex PASTEF reste plus que jamais présent dans ces joutes électorales. Ousmane SONKO, étant définitivement hors course pour cette Présidentielle, a mis en selle son N° 2 Bassirou Diomaye-Diakhar FAYE pour défendre le projet PASTEF-Les Patriotes à l’Élection présidentielle du dimanche 24 Mars 2024.

Seulement, voilà un choix qui permet au leadeur du parti dissous PASTEF-Les Patriotes, de rester dans le jeu politique et de jouer de son influence et de son poids électoral pour peser sur l’issue d’un scrutin plus que jamais indécis.

Cependant, les électeurs sénégalais ne sont pas à l’abri d’un autre rebondissement dans ce processus, avec le recours déposé par le PDS (Parti Démocratique Sénégalais) et ses alliés. En guise de rappel, ils avaient introduit, ce lundi 11 Mars, une requête à la Cour Suprême pour annulation des décrets fixant la date de l’Élection présidentielle au dimanche 24 Mars 2024, celui convoquant le corps électoral et enfin, celui fixant la période de la campagne électorale.

Le verdict de la Cour Suprême est attendu ce vendredi.

Parmi les 19 noms retenus par le Conseil constitutionnel, celui de Bassirou Diomaye-Diakhar FAYE revient souvent dans les analyses des observateurs de la scène politique sénégalaise.

Considéré comme l’un des favoris du scrutin, le candidat Bassirou Diomaye-Diakhar FAYE vient de recouvrer sa liberté et peut d’ores et déjà battre campagne.

Le Secrétaire général de l’ex PASTEF, dont la candidature avait été anticipée pour suppléer le leadeur SONKO, emprisonné depuis Juillet 2023 et qui a également humé l’air de la liberté, cristallise cependant toutes les attentions depuis le début de la campagne électorale inédite.

Lui ou plutôt son leadeur Ousmane SONKO dont l’image est omniprésente dans tous les visuels et supports de communication de la coalition Diomaye Président.

« Diomaye, c’est SONKO ! »

Sur toutes les affiches, son visage est visible aux côtés de celui du candidat officiel Bassirou Diomaye-Diakhar FAYE. Les militants et sympathisants de la mouvance se sont retrouvés autour de la coalition Diomaye Président et d’un slogan » Diomaye mooy SONKO ! « , qui veut dire littéralement » Diomaye, c’est SONKO ! «

Le choix d’appeler à voter pour Bassirou Diomaye-Diakhar FAYE a été longuement réfléchi mais longtemps tenu secret jusqu’en fin Janvier, quelques jours avant la décision du report de l’Élection prise par le Président SALL.

« J’ai porté mon choix sur Bassirou Diomaye FAYE et j’invite les Sénégalais à voter pour lui. Il va incarner le projet pour la Présidentielle du 25 Février 2024 », ainsi s’exprimait Ousmane SONKO dans une déclaration pré-enregistrée durant la période où il était barricadé par les Forces de l’ordre à son domicile dakarois entre Mai & Juillet 2023 et diffusée le dimanche 28 Janvier 2024 via sa page Facebook officielle.

« Bassirou, c’est moi » a dit Ousmane SONKO au sujet de son lieutenant et désormais son remplaçant à l’Élection présidentielle du 24 Mars !

« Ce qui importe, c’est de faire avancer le projet. Nous atteindrons un point où le projet n’aura besoin que d’un porteur. Donc, avec l’obstacle du régime, nous avons besoin d’un porteur et cela doit se faire en 2024 » avait déclaré Ousmane SONKO dans une première vidéo diffusée dans la soirée du 25 Janvier 2024.

Pourquoi Ousmane SONKO mise-t-il sur Bassirou Diomaye-Diakhar FAYE ?

Le choix de Bassirou Diomaye-Diakhar FAYE, co-rédacteur des statuts et des textes du parti dissous, PASTEF-Les Patriotes, est logique car il s’inscrit dans la continuité du projet de l’ex PASTEF-Les Patriotes, analyse le journaliste Ibrahima Lissa FAYE, directeur de publication du journal en ligne PressAfrik’ :

« En fait Ousmane SONKO lui-même avait pris des dispositions pour la continuité du projet, comme il a l’habitude de le dire. Et donc c’est en ce sens que la candidature de Bassirou Diomaye FAYE, qui est le N° 2 de l’ex PASTEF-Les Patriotes a été proposée et finalement validée. Les candidatures de Cheikh Tidiane DIÈYE et celle d’Habib SY ont également été proposées par SONKO, ce qui fait qu’il a aujourd’hui trois représentants, disons trois candidats dans cette Présidentielle », a aussi fait remarquer Ibrahima Lissa FAYE.

En misant sur Bassirou Diomaye-Diakhar FAYE, un candidat alors emprisonné, l’ex PASTEF-Les Patriotes veut jouer sur la sensibilité des électeurs, selon Ibrahima Lissa FAYE.

« Bassirou Diomaye-Diakhar FAYE est considéré par les militants et par les sympathisants comme Ousmane SONKO, et c’est le slogan de campagne de l’ex PASTEF-Les Patriotes, qui traduit le mieux le sentiment de ses militants depuis l’annonce de la liste définitive des candidats pour la Présidentielle. Donc à mon avis, il n’y a pas de doute que les électeurs de l’ex PASTEF-Les Patriotes vont se ranger derrière Bassirou Diomaye FAYE et de ce fait, ils voteront pour SONKO à travers lui », a analysé Ibrahima Lissa FAYE.

Dr Gilles YABI, Économiste et analyste politique, a estimé que le choix d’Ousmane SONKO de soutenir le candidat Bassirou Diomaye-Diakhar FAYE n’est pas une surprise.

« Bassirou Diomaye-Diakhar FAYE c’est quand même le Secrétaire général de l’ex parti, PASTEF-Les Patriotes, et un compagnon de route d’Ousmane SONKO, cofondateur de ce parti, avec un profil très proche de celui d’Ousmane SONKO et un parcours assez similaire. En plus, ils ont des liens personnels importants. De plus, il bénéficie du soutien des structures du parti, donc ce n’est pas une surprise que ce soit le premier choix d’Ousmane SONKO. Il incarne la mouvance SONKO, c’est-à-dire la jeunesse et la volonté de renouvellement de la classe politique », a détaillé M. YABI.

Ousmane SONKO peut-il influer sur l’issue de l’Élection ?

De l’avis de Dr Gilles YABI, le fait que la mouvance SONKO soit représentée, non pas par Ousmane SONKO, mais par un candidat de substitution, ne signifie pas que cette mouvance ne constituera pas une véritable menace pour le candidat de la majorité présidentielle, Amadou BÂ.

« Je crois que d’une certaine manière, une des stratégies d’Ousmane SONKO et de la mouvance qui le soutient, c’est précisément de montrer qu’ils continuent à faire l’objet d’ostracisme de la part du pouvoir en place et que tous les moyens sont utilisés pour que cette mouvance ne gagne pas l’Élection », a, pour sa part, estimé l’analyste politique Gilles YABI.

Sur la même lancée, il a renchéri en ces termes :

« Et je crois savoir qu’il a aussi demandé aux autres candidats proches de la mouvance, notamment Cheikh Tidiane DIÈYE et Habib SY, de maintenir leur candidature tout en faisant campagne pour le compte du candidat Bassirou Diomaye-Diakhar FAYE, afin que la mouvance SONKO soit la plus forte lors de cette Élection présidentielle. Ce qui va être important dans cette Élection, c’est la présence en réalité d’Ousmane SONKO, qui même s’il n’est pas lui-même le candidat, il sera présent très clairement à travers tous les candidats qui représentent la mouvance Ousmane SONKO », a analysé Dr Gilles YABI, président du think tank Wathi, basé à Dakar.

De plus, selon Ibrahima Lissa FAYE, l’absence d’Ousmane SONKO de la liste des candidats ne va pas avoir une grande incidence sur l’Élection présidentielle car, de par sa popularité et son charisme, il arrive à cristalliser toutes les attentions, malgré qu’il soit emprisonné.

« Si on analyse les tendances des deux dernières Élections, notamment les Locales et les Législatives de l’année 2022 où il y a eu une percée de la coalition Yewwi Askan Wi dont Ousmane SONKO était tête de liste, on peut dire à juste raison que SONKO va beaucoup influencer le vote. Parce que non seulement ses militants et sympathisants vont voter pour le candidat qu’il aura désigné, mais également son nom va planer sur le vote, donc il peut y avoir vraiment une incidence significative. Et s’il donne un mot d’ordre de vote, il risque d’être suivi largement, ça c’est déjà très clair », a noté le journaliste.