Boubacar Camara : « La menace d’une cohabitation est devenue sérieuse »
Le leader du Parti de la Construction et de la Solidarité/Jengu tabax décortique le Mercato politique avec les ralliements au camp du pouvoir. Boubacar Camara parle de mise en place d’une 9ème liste de la part de Macky Sall. Il appelle à voter l’inter-coalition Yewwi-Wallu, pour barrer la route à ce projet du régime.
Expliquez-nous un peu comment Macky Sall est en train de mettre en place cette fameuse « 9ème liste » ?
L’histoire de la « 9ème liste » a commencé à germer quand le pouvoir a frémi devant les risques d’élimination de la liste de Benno Bokk Yaakaar (Bby). La non-participation de la coalition au pouvoir pour excès de parrains était juridiquement évidente. La tentative maladroite de rattrapage avec l’arrêté du ministre de l’Intérieur n’avait pas réussi à dissiper la panique. Sous la forte pression, le pouvoir a mis en branle une solution alternative avec la bonne vieille méthode de la corruption et du chantage. De plus, avec la mise en place de l’inter-coalition Yewwi Askan Wi-Wallu Sénégal, la menace d’une cohabitation avec l’opposition est devenue sérieuse. Des contacts sont alors entrepris pour piocher dans les listes concurrentes de potentiels futurs députés pour d’une part, pallier une éventuelle élimination de Bby par le Conseil constitutionnel sous la pression populaire et d’autre part, renforcer le camp du pouvoir avec des députés transhumants. Aujourd’hui, une simple observation de la scène préélectorale rend compte des premiers résultats de la confection de la « 9ème liste ». Suivez mon regard ! Vous vous imaginez le désastre éthique et moral si le camp du pouvoir réussit à engranger l’équivalent d’un groupe parlementaire sur les listes concurrentes. Le risque est réel de voir se constituer un « faiseur de roi » qui peut tout faire basculer.
L’opposition a-t-elle des chances de gagner ces élections ?
Les chances de l’opposition sont réelles pour disposer de la majorité à l’Assemblée nationale. C’est le contraire qui serait surprenant. D’abord, le contexte économique et social est extrêmement difficile pour les populations qui ont tourné le dos au pouvoir de Macky Sall qui, malgré l’espoir et les promesses, les a laissées en rade. Ensuite, le combat légitime et constant de l’opposition contre le recul démocratique en matière électorale et de respect des libertés a fini par faire prendre conscience aux électeurs des dangers encourus avec les forcing » du pouvoir en place. Enfin, le besoin se fait sentir de rompre avec l’image récurrente de l’Assemblée nationale qui peine à jouer pleinement son rôle d’orientation, de contrôle et d’évaluation des politiques publiques. Plus particulièrement, la volonté politique affichée d’imposer la cohabitation à travers l’axe Yewwi Askan Wi- Wallu Sénégal peut être décisive.
Vous appelez à voter Yewwi-Wallu. Qu’est-ce qu’est devenue votre coalition Tabax jotna ?
Vous savez, je me suis battu pour la confection d’une liste unique de l’opposition. C’était mon plan A. Cette liste unique, je l’ai conçue, proposée et défendue. Je n’ai pas obtenu tout ce que je souhaitais (liste unique nationale et départementale) mais j’ai sauvé ce qui a été accepté quand tout a été bloqué. C’est l’histoire. Cela a été possible grâce à l’esprit d’ouverture et de dépassement des leadeurs de Yewwi Askan Wi et de Wallu Sénégal. Je leur rends un hommage mérité. Ils ont compris les enjeux. Je les exhorte à tirer les conséquences de leur décision historique et à aller jusqu’au bout de cette logique, à mieux travailler ensemble et à se préparer à vivre la cohabitation. Autant les électeurs ne doivent pas rater l’occasion de faire de l’opposition le groupe politique majoritaire à l’Assemblée nationale, autant les leadeurs doivent faire preuve d’anticipation et d’une très grande vigilance. Une opposition majoritaire à l’Assemblée nationale, c’est la garantie contre la violence, les violations des droits et libertés, les tripatouillages de la Constitution notamment pour une troisième candidature, les orientations économiques hasardeuses, les dérapages de la justice, les dossiers de corruption ensevelis, les manipulations électorales et j’en passe. Notre plan B, c’était une liste commune avec Wallu Sénégal. Et, pour répondre directement à votre question, notre plan C, c’était l’investiture de la coalition politique Tabax jotna dont la mise en place, intervenue le 9 avril 2022, était un préalable à tout accord de coalition. Avec le succès, même partiel, du plan A, il est évident que des frustrations sont enregistrées partout. Mais il faut savoir ce qu’on veut, soit on a une stratégie de conquête du pouvoir en tant qu’opposition politique, soit on cherche exclusivement à devenir ou rester député. On a même vu des politiciens rejoindre le pouvoir parce qu’ils ont été mal placés sur une liste ou n’ont pas été investis dans l’opposition. Notre coalition va être relookée à la suite du départ de Jotna.