Ibrahima Seye, champion para taekwondo: « pour une question de billets, nous avons raté la compétition d’Istanbul » (entretien)
Né au Sénégal il n’y a guère longtemps, le para taekwondo a réussi à s’imposer au rang des disciplines sportives. Les performances de ses athlètes ont valu à notre pays une présence aux derniers jeux olympiques Tokyo 2020. Cependant, les combattants ne bénéficient pas de la considération qui sied, et font parfois l’objet de traitements décourageants. Dans cette interview avec SeneNews, Ibrahima Séye, représentant du Sénégal aux JO passés, dénonce la raison pour laquelle ils ont raté la compétition d’Istanbul, pourtant essentielle pour la suite de leur carrière.
Ibrahima Séye, vous avez été parmi les athlètes du Sénégal à Tokyo 2020. Vous étiez censés vous rendre à Instanbul pour une compétition. De quoi s’agit-il réellement?
Après les jeux olympiques, des championnats para devaient se tenir en Istanbul, les 11 et 12 décembre. Il s’agit de championnats du monde G14, 140 points. Nous les avions préparés pendant une certaine durée mais à cause de l’inertie du ministère des sports, nous avons raté une belle occasion de représenter dignement notre pays.
Quel est l’intérêt de ces championnats pour la suite de votre carrière?
Ces championnats sont décisifs dans les phases qualificatives dans le ranking mondial. En fait, pour se qualifier aux jeux paralympiques Paris 2024, il y a 2 options qui s’offrent aux athlètes: qualification dans le ranking et qualification continentale. C’est d’ailleurs par cette deuxième voie que je m’étais qualifié aux jeux de Tokyo 2020.
Cela doit être difficile pour se qualifier donc?
Oui, il est assez difficile. Pour se qualifier au ranking, il faut nécessairement ferrailler au vu du nombre de points exigés. D’ailleurs, ce sont seuls les 3 premiers qui obtiennent ce privilège.
Quel impact cela aura-t-il d’avoir manqué ladite compétition?
La compétition d’Istanbul est d’une importance capitale comme je l’ai dit tantôt. Elle permet d’être en lice pour les places de qualification dans le ranking. Encore une fois, il s’agit de 140 points et quand on rate la première phase comme c’est le cas, on est complètement largué dans la course à la qualification.
Donc on peut dire que tout est perdu d’avance pour vous, n’est-ce pas?
Non, tout n’est pas encore perdu; il y a toujours lieu de garder l’espoir pour la suite. Il y a une deuxième phase qui se profile à l’horizon et c’est celle continentale. Elle sera certes très serrée parce que seul un candidat de la catégorie pourra se qualifier. Il faut donc être premier pour décrocher le sésame.
Qu’est-ce qui explique alors votre absence de ces jeux?
Je pense que c’est une mauvaise planification, une mauvaise politique de la part de nos dirigeants que je dénonce fermement. Je ne peux pas accepter qu’on nous mette dans certaines conditions. Il est inadmissible qu’à trois jours de l’évènement on puisse nous faire poiroter alors que nous avions durement préparé la compétition. On nous parle d’un problème de billets. Vous vous rendez compte? A cause d’un problème de billets, nous avons manqué une compétition à laquelle nous avons droit. Il s’agit là d’un manque d’égards notoire à l’endroit des paralympiques de ce pays. Et cela, nous le dénonçons avec la plus grande fermeté.
En tant qu’athlète, cela ne vous décourage-t-il pas de manquer des occasions de défendre les couleurs de votre patrie?
Vous savez, je ne vous cache pas que ce manque de considération a démotivé nombre d’entre nous. Moi-même, je n’hésite pas d’aller m’installer en Europe, puisque l’Etat ne nous accorde pas l’attention qu’il faut. J’étais le seul représentant du Sénégal aux en Taekwondo aux jeux paralympiques de Tokyo 2020. Je suis revenu au Sénégal, et à ma grande surprise, je constate qu’on a sélectionné des valides à qui l’on a donné des bourses à notre place. Pour ce qui me concerne, je ne suis pas parti parce qu’on nous dit que le ministre n’a pas reconnu le para.
Qu’attendez-vous réellement de la tutelle maintenant après avoir manqué votre voyage en Turquie?
D’abord, je tiens à préciser que la compétition d’Istanbul n’est pas le seul acte que nous déplorons. Il y a non seulement le refus d’octroyer les mêmes privilèges qu’aux autres mais aussi un défaut d’accompagnement dans nos activités. C’est très difficile pour nous. Je ne dis pas que je vais arrêter de compétir pour le Sénégal, mais pour que je puisse continuer, il faut qu’il nous mette dans de bonnes conditions. Les paralympiques attendent de la tutelle plus de considération et de respect.