Focus sur la fièvre hémorragique de Crimée-Congo, une infection rare !

Le Sénégal a enregistré, ce ,dimanche son premier cas de décès lié à la fièvre hémorragique de Crimée-Congo. Le défunt était hospitalisé à l’hôpital “Dalal Jamm“, dans la banlieue dakaroise. Voici tout ce qui caractérise cette infection à symptômes peu connus !

La fièvre hémorragique de Crimée-Congo (FHCC) est une maladie courante provoquée par un virus (Nairovirus) de la famille des Bunyaviridés, transmis par les tiques. Il provoque des flambées de fièvre hémorragique virale sévère, avec un taux de létalité de 10 à 40%.

Elle est endémique en Afrique, dans les Balkans, au Moyen-Orient et en Asie, dans les pays en deçà du 50ème degré de latitude nord, limite géographique de la principale espèce vectorielle, une tique.

 

Le virus de la fièvre hémorragique de Crimée-Congo chez les animaux et les tiques

Les hôtes de la FHCC comprennent un grand nombre d’animaux sauvages et domestiques, parmi lesquels les bovins, les moutons et les chèvres. De nombreux oiseaux sont résistants à l’infection, mais pas les autruches, chez lesquelles il arrive d’observer une forte prévalence de l’infection dans les zones d’endémie, où elles ont été à l’origine de cas humains. Par exemple, une flambée s’est produite dans le passé dans un abattoir d’autruches en Afrique du Sud. L’infection est asymptomatique chez cet animal.

La contamination des animaux survient lorsqu’ils sont piqués par des tiques infectées. Le virus se maintient ensuite pendant une semaine environ dans la circulation sanguine, permettant la poursuite du cycle tique-animal-tique lorsqu’une autre tique vient piquer l’animal. Bien que, parmi les tiques, un certain nombre de genres puissent être infectés par le virus de la FHCC, le genre Hyalomma est le vecteur principal.

Transmission

Le virus de la FHCC se transmet à l’être humain soit par les piqûres de tiques, soit par contact avec du sang ou des tissus d’animaux infectés, pendant ou immédiatement après l’abattage. Les cas se sont produits en majorité chez des personnes travaillant dans le secteur de l’élevage, comme les exploitants agricoles, les employés des abattoirs ou les vétérinaires.

La transmission interhumaine peut survenir à la suite d’un contact direct avec du sang, des sécrétions, des organes ou des liquides biologiques de sujets infectés. Des infections nosocomiales peuvent aussi se produire à cause d’une mauvaise stérilisation du matériel médical, de la réutilisation des aiguilles et de la contamination des fournitures.

 

Signes et symptômes

La durée d’incubation dépend du mode de contamination. Après une piqûre de tique, elle est en général d’un à trois jours, avec un maximum de neuf jours. Après contact avec du sang ou des tissus infectés, elle est en général de 5 à 6 jours, avec un maximum documenté de 13 jours.

L’apparition des symptômes est brutale, avec de la fièvre, des myalgies (douleurs musculaires), des vertiges, une raideur et des douleurs de la nuque, des douleurs dorsales, des céphalées, une sensibilité des yeux et une photophobie (sensation de gêne provoquée par la lumière). On observe parfois au début des nausées, des vomissements, de la diarrhée, des douleurs abdominales et un mal de gorge, puis de brutales sautes d’humeur et de la confusion. Au bout de deux à quatre jours, l’agitation peut laisser la place à une somnolence, une dépression, une lassitude; les douleurs abdominales viennent se localiser dans le quadrant supérieur droit avec, à la palpation, une hépatomégalie (augmentation du volume du foie).

Il y a d’autres signes cliniques, la tachycardie (accélération du rythme cardiaque), les adénopathies (tuméfaction des ganglions), l’éruption pétéchiale (éruption provoquée par des saignements intracutanés) sur les faces internes des muqueuses, comme dans la bouche ou dans la gorge, et sur la peau. Les pétéchies peuvent aboutir à la formation d’éruptions plus importantes, appelées ecchymoses et d’autres phénomènes hémorragiques.

Il y a en général des signes d’hépatite et les sujets les plus gravement atteints peuvent développer une dégradation rapide de la fonction rénale, une insuffisance hépatique ou pulmonaire soudaine à partir du cinquième jour de maladie.

Le taux de létalité de la FHCC s’établit à 30% environ, la mort survenant au cours de la deuxième semaine de la maladie. Pour ceux qui se rétablissent, l’état général commence à s’améliorer de neuf à dix jours après l’apparition des symptômes.

 

Diagnostic

Les laboratoires peuvent diagnostiquer l’infection par le virus de la FHCC au moyen de plusieurs méthodes :
-immuno-enzymologie (ELISA) ;
-détection de l’antigène ;
-neutralisation sérique ;
-transcription inverse couplée à l’amplification génique (RT-PCR) ;
-isolement du virus sur culture cellulaire.

Dans les cas mortels comme pour les patients dans les premiers jours de la maladie, la réaction immunitaire ne parvient pas à produire des titres mesurables d’anticorps; le diagnostic repose alors sur la détection du virus ou de l’ARN dans les échantillons de sang ou de tissus.

Les analyses des échantillons de patients s’accompagnent d’un risque biologique extrême et ne doivent être faites que dans des conditions de confinement biologique maximum. En revanche, si les échantillons ont été inactivés (par exemple avec des produits virucides, aux rayons gamma, au formol, à la chaleur), ils peuvent être manipulés dans des conditions de sécurité biologique de base.

Traitement

Chez l’homme, la prise en charge de la fièvre hémorragique de Crimée-Congo repose principalement sur le traitement symptomatique de soutien à visée générale.

On a utilisé la ribavirine (un antiviral) avec apparemment de bons résultats. Son administration semble efficace que ce soit par voie orale ou intraveineuse.

 

Prévention et lutte

Lutte contre la FHCC chez l’animal et les tiques

La prévention et la lutte au niveau des animaux et des tiques sont difficiles: le cycle tique-animal-tique reste en général inapparent, car l’infection est habituellement asymptomatique chez l’animal domestique. De plus, les vecteurs sont nombreux et répandus, de sorte que la lutte contre les tiques au moyen d’acaricides (produits chimiques conçus pour les détruire) est la seule option réaliste dans des exploitations d’élevage bien gérées.

Par exemple, à la suite d’une flambée dans un abattoir d’autruches en Afrique du Sud (dont nous avons parlé plus haut), des mesures ont été prises pour mettre les oiseaux en quarantaine à l’abri des tiques pendant 14 jours avant de les abattre. On a ainsi diminué le risque que les animaux soient infectés au moment de l’abattage et évité l’infection humaine pour ceux en contact avec les animaux.

Il n’existe pas de vaccins utilisables chez l’animal.

 

Réduction du risque infectieux pour l’homme

Bien qu’un vaccin inactivé, produit à partir de cervelle de souris, ait été mis au point contre la FHCC et utilisé à petite échelle en Europe orientale, il n’existe actuellement pas de vaccin à usage humain, sûr, efficace et disponible à grande échelle.

En l’absence de vaccin, le seul moyen de réduire le risque infectieux chez l’homme consiste à sensibiliser les populations aux facteurs de risque et à les instruire des mesures pouvant être prises pour diminuer l’exposition au virus.

Lutte contre l’infection en milieu médical

Les agents de santé qui soignent des patients pour une FHCC présumée ou confirmée ou manipulent des échantillons prélevés sur eux doivent appliquer les précautions d’usage contre l’infection, parmi lesquelles les règles de base pour l’hygiène des mains, le port d’un équipement de protection individuel, la sécurité des injections et les enterrements sans risque.

À titre de précaution, les agents de santé s’occupant de patients à proximité immédiate d’une zone de flambée de FHCC devraient aussi appliquer les mêmes mesures.

Les échantillons prélevés sur des cas présumés de FHCC doivent être manipulés par du personnel formé travaillant dans des laboratoires suffisamment équipés.

Les recommandations pour la lutte contre l’infection lors des soins dispensés aux patients ayant une fièvre hémorragique de Crimée-Congo présumée ou confirmée doivent suivre celles qui ont été élaborées par l’OMS pour les fièvres hémorragiques à virus Ebola et Marburg.