Economie : «Nous allons passer la Tabaski dans un contexte très difficile», Moubarack Lô

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Connu pour ses interventions appréciées sur la situation économique sénégalaise, Moubarack Lô, ingénieur–statisticien–économiste de formation, est le Directeur général du Bureau de Prospective économique du Sénégal. Il se livre, à travers «L’Observateur», à une analyse des difficultés des ménages pour passer d’agréables fêtes de Tabaski, dans une conjoncture très compliquée, marquée par une tension inflationniste. 

Aussi difficile qu’introuvable, nombre de familles sénégalaises sont confrontées à ce véritable casse–tête qu’est trouver un mouton pour procéder au sacrifice d’Abraham, recommandation importante faite au musulman à même de s’y conformer. De plus, il s’y ajoute que la cherté des denrées de première nécessité, qui ne cessent d’augmenter de prix et les difficultés à joindre les deux bouts des chefs de famille, du fait de la crise qui a fait suite au conflit russo–ukrainien. Tout cela ne semble pas militer pour une Tabaski 2022 des plus aisées au–dedans de nombre de ménages parmi nos concitoyens. Moubarack Lô a fait le point sur la situation assez délicate !

Tabaski de conjoncture

«Nous allons passer la Tabaski dans un contexte très difficile parce qu’on assiste à une augmentation des prix des produits alimentaires. Mais ce qu’on constate au niveau économique, c’est une inflation importée qui impacte les prix intérieurs. C’est–à–dire même les biens qui sont produits dans le pays sont impactés, soit directement à travers les consommations intermédiaires. Ou indirectement parce que celui qui vend le produit local y voit son pouvoir d’achat réduit, donc il augmente son prix pour pouvoir garder la même capacité d’achat. C’est cela qui fait que souvent l’inflation peut s’emballer très rapidement. Heureusement, au Sénégal, on n’a pas encore un emballement de l’inflation. Certes, il y a une hausse, mais ça n’a pas encore atteint les niveaux dans certains pays.

C’est d’ailleurs pour freiner les pressions inflationnistes que la Bceao avait décidé d’augmenter son taux d’intérêt pour refroidir un peu les velléités consommatrices des ménages ou au niveau des entreprises. Nous avons aussi l’augmentation des prix de l’aliment de bétail qui a impacté sur les prix du mouton. Cette année, on constate que les moutons sont nombreux, mais sont plus chers que d’habitude. On a noté une augmentation des prix du mouton de 15 à 20 %. La Tabaski va se fêter dans une situation de conjoncture, mais c’est cela qui va sauver certains ménages. Parce qu’aujourd’hui, si on faisait une enquête, on allait constater que les ménages ont sans doute dépensé moins que d’habitude. On va réduire tout ce qui est habillement et maintenir les dépenses d’alimentation. Mais globalement les dépenses seront réduites pour cette Tabaski».

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L’adaptation

«Face à cette tension, il y a deux possibilités qui s’offrent aux ménages pour passer la fête. D’abord les ménages vont montrer leurs capacités de résilience et d’adaptation. Ils ajustent ainsi leur consommation en réduisant les dépenses. Car il y a des dépenses qui sont compressibles et d’autres qui sont beaucoup plus flexibles comme l’habillement. Les ménages peuvent utiliser cette première stratégie pour s’adapter. Deuxièmement, le Gouvernement est en train de soutenir les ménages en accélérant la distribution des bourses familiales et les subventions exceptionnelles aux familles. Cela va permettre de renforcer les revenus disponibles des ménages à la veille de la fête. Ces appuis de l’Etat vont impacter le portefeuille des ménages et ils arrivent à point nommé».

Conséquences de l’inflation

«L’inflation n’est pas bonne pour la croissance parce qu’elle conduit à réduire les dépenses surtout au niveau des entreprises. Si tout ce qui est matière première, intrants de toutes catégories, voit ses prix augmenter, l’entreprise sera obligée de réduire sa demande pour ces produits. Et donc ça va impacter sa propre production. L’entreprise peut avoir des contraintes pour produire ce qu’elle faisait. Ce n’est donc jamais bon d’avoir une inflation importée pour les entreprises. Au niveau des ménages aussi, l’inflation importée réduit le revenu réel. Le ménage peut avoir des revenus supplémentaires, mais qui sont crevés par le supplément d’inflation. L’inflation importée génère aussi de la pauvreté. Parce que la pauvreté au Sénégal est mesurée par l’accès monétaire avec un seuil de consommation. Il y a beaucoup de personnes qui sont à la lisière de ce seuil et qui peuvent basculer facilement dans la catégorie des pauvres. Pour faire face à cette situation et sauver un peu les ménages des tensions sur les prix en cette veille de fête, l’autorité doit veiller sur la régulation pour juguler les tentations inflationnistes des spéculateurs».

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