Changement climatique : « Entre 3,3 et 3,6 milliards d’humains vivent dans un environnement très vulnérable », alerte le Giec
- Le Giec publie ce lundi le deuxième volet de son rapport d’évaluation, à voir comme la synthèse, à l’instant T, à partir de dizaines de milliers d’études, de l’état des connaissances scientifiques sur le changement climatique.
- Ce deuxième volet porte sur les impacts du changement climatique et la façon de s’y préparer.
- Autrement dit, ce nouveau rapport s’est penché sur les questions de l’adaptation au changement climatique.
Sur les 7,8 milliards d’humains présents sur Terre, « entre 3,3 et 3,6 milliards vivent dans un environnement très vulnérable au changement climatique », évalue, avec « un haut niveau de confiance », le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec). Une forte proportion des espèces animales et végétales l’est aussi, ajoute-t-il.C’est l’un des multiples constats du deuxième volet de son sixième rapport d’évaluation sur le climat que publie ce lundi le groupe d’experts. Depuis sa création en 1988 par l’ONU, c’est la sixième fois – et la première depuis 2014 – que le Giec s’attelle à ce travail titanesque qui consiste à faire la synthèse à l’instant T des connaissances scientifiques mondiales sur le changement climatique. Un premier volet, élaboré par le groupe 1 et publié le 9 août dernier,s’est intéressé aux aspects scientifiques du système climatique et du changement climatique et dressait le constat d’une crise climatique qui s’aggrave partout et à des niveaux sans précédent.
- Deux cent trente-quatre auteurs de 66 pays avaient participé à son élaboration, faite à partir de 14.000 études. C’est plus encore pour ce nouveau rapport avec 270 auteurs impliqués et 34.000 études scientifiques cités. Cette fois-ci, le Giec s’est penché sur les conséquences du changement climatique et les façons de s’y préparer.
Un rapport qui ne s’écrit pas qu’au futur
Les conclusions que le groupe 2 du Giec dresse dans les 35 pages du « résumé pour décideurs » ne s’écrivent pas toutes au futur. « Depuis le cinquième rapport d’évaluation de 2015, un plus large éventail d’impacts peut être attribué au changement climatique, précisent ainsi les auteurs. En d’autres termes, il existe de nouvelles connaissances permettant d’affirmer que le changement climatique les [ces impacts] a provoqué ou les a rendus plus probables. » « De nombreuses espèces atteignent leurs limites dans leur capacité à s’adapter au changement climatique, et ceux qui ne peuvent ni s’adapter, ni se déplacer assez rapidement sont menacés d’extinction », pointe le Giec. Résultat : « la répartition des plantes et des animaux à travers le globe est en train de changer, de même que la survenue d’événements biologiques clés comme la reproduction et la floraison », poursuit le rapport.
Dans de nombreux cas, ces changements réduisent la capacité de la nature à fournir les services essentiels dont nous dépendons pour survivre. Le Giec cite, parmi ces services, la protection des côtes, l’approvisionnement alimentaire, mais aussi la régulation du climat, via le rôle de puits de carbone, les océans, les forêts, les terres captant une grande partie du CO2 que nous émettons.
Parmi les autres conséquences déjà constatées par le Giec, figurent l’augmentation de la fréquence et de la propagation des maladies dans la faune sauvage, l’agriculture et chez les humains. La pandémie de Covid-19 en est le dernier exemple en date. Le rapport rappelle aussi que les saisons des feux de forêts s’allongent et que les superficies brûlées augmentent, ou encore qu’« à peu près la moitié de la population mondiale connaît actuellement de graves pénuries d’eau à un moment donné de l’année, en partie à cause du changement climatique et à des événements climatiques extrêmes tels que les inondations et sécheresse ».
Loin d’être tous égaux face aux risques ?
Nous ne sommes pas tous exposés de la même façon à ces aléas climatiques. C’est un autre message clé de ce rapport : « La vulnérabilité des écosystèmes et des populations au changement climatique diffère considérablement entre et au sein de ces régions, en fonction des schémas de développement socio-économique des sociétés », indique le Giec.
Cette vulnérabilité est plus élevée dans les endroits où la pauvreté, les défis de gouvernance, l’accès aux services et aux ressources de base, les conflits violents sont importants, poursuivent les auteurs du rapport. « Entre 2010 et 2020, les taux de mortalité due aux inondations, aux sécheresses et aux tempêtes étaient quinze fois plus élevés dans les régions très vulnérables aux impacts du changement climatique comparés à celles qui sont le moins », poursuit le Giec. Le groupe d’experts identifie ces « hotspots » de vulnérabilité en Afrique subsaharienne (Ouest, Centrale et Est), dans le Sud de l’Asie, en Amérique centrale et du Sud, mais aussi dans les petits Etats insulaires, particulièrement exposés à l’élévation du niveau de la mer ou encore l’Arctique. Soit des régions qui contribuent peu au réchauffement climatique.
127 risques clés identifiés aux impacts décuplés plus le réchauffement s’aggrave
On pourrait continuer longtemps ce noir tableau dépeint par le Giec. Juste un début ? Même en limitant le réchauffement climatique à 1,5 °C [par rapport à l’ère préindustrielle], « le monde s’expose à de multiples aléas climatiques inévitables dans les deux décennies à venir », insiste le Giec. Et cette trajectoire de +1,5 °C – la plus ambitieuse de l’Accord de Paris sur le climat – est loin d’être encore celle vers laquelle nous nous dirigeons, alerte à de multiples reprises l’ONU. C’est alors un autre constat que dresse le groupe 2 du Giec avec un haut niveau de confiance : « pour 127 risques clés identifiés, les impacts évalués à moyen et à long terme sont jusqu’à plusieurs fois plus élevés que ceux actuellement observés ».
C’est le cas notamment pour les pertes de biodiversité. Sur Terre, « 3 à 14 % des espèces évaluées seront probablement confrontées à des risques élevés d’extinction à un niveau de réchauffement global de +1,5 °C », rappelle le Giec. La fourchette passe de 3 à 18 % à un réchauffement global de +2 °C, de 3 à 29 % à +3 °C, de 3 à 39 % à +4 °C et de 3 à 48 % à +5 °C, liste le rapport.
Autre exemple : l’augmentation des crues et de leurs dommages. Ces derniers seront de 1,4 à 2 fois plus élevés dans un monde à + 2 °C par rapport à un monde resté à +1,5 °C et qui n’aurait rien fait pour s’adapter à ces risques, anticipe le Giec avec, toutefois, un niveau de confiance moyen dans cette projection. On passe de 2,5 à 3,9 fois plus dans un monde à +3 °C. Et à +4 °C, « environ 10 % des terres émergées devraient faire face à des augmentations des débits fluviaux extrêmes, à la fois élevés et faibles au même endroit, ce qui compliquera la planification de l’utilisation de la ressource en eau », avance le Giec, toujours avec un niveau moyen de confiance.
« Un terrible avertissement sur les conséquences de l’inaction »
Le Giec évoque encore les pressions sur la production agricole et l’accès à la nourriture, l’affaiblissement des sols, l’augmentation des indices de mauvaise santé et de décès prématurés dans la liste de ces impacts du changement climatique qui se décupleront plus le réchauffement s’intensifie. Le groupe d’experts met aussi l’accent sur les risques qu’encourent les populations vivant en zone côtière, alors que 60 % de la population mondiale habitent aujourd’hui à moins de 100 km du littoral. « La population côtière exposée à une inondation côtière centennale devrait augmenter de 20 % si le niveau moyen mondial de la mer augmente de 0,15 m par rapport au niveau de 2020, estime le Giec. Cette part double si l’élévation est de 0,75 m et triple si elle est de 1,4 m. »
Bref, c’est un tableau tout aussi noir qu’en août dernier que dresse le Giec dans ce deuxième volet de son sixième rapport d’évaluation. « Ce rapport est un terrible avertissement sur les conséquences de l’inaction, insiste l’économiste sud-coréen Hoesung Lee, président du Giec. Nos actions aujourd’hui façonneront la façon dont les humains et la nature pourront s’adapter au réchauffement climatique et à l’augmentation des aléas climatiques dont il s’accompagne. » Ce nouveau rapport ne se limite pas seulement à ces inquiétantes projections mais consacre aussi une large part à l’adaptation. Soit les solutions à mettre en œuvre, dès à présent, pour s’adapter au changement climatique. Ce sera l’objet d’un second article à venir ce lundi.
NKN