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Retenues sur les salaires des enseignants : «Si l’Etat ne veut pas encore de conflits…» – Chrono-actu

Retenues sur les salaires des enseignants : «Si l’Etat ne veut pas encore de conflits…»

Le système éducatif risque encore d’être paralysé. Les retenues effectuées sur les salaires des enseignants grévistes ont fait sortir les syndicalistes de leurs gonds. Dénonçant des ponctions sauvages et illégales, ils mettent en garde l’État. 

Les mois de grève observés par les enseignants ne seront pas sans conséquences. Les jours non travaillés ne seront pas payés. L’Etat a déjà commencé à opérer des ponctions sur les salaires des grévistes. Ce qui n’est pas du goût de ces derniers et risque de raviver la tension. «Ce qui est constant et qu’il faut dire, c’est que si l’Etat ne veut pas encore de conflits, il n’a qu’à arrêter ces ponctions sauvages qui sont opérées sur les salaires des enseignants», prévient Saourou Sène, Secrétaire général du Syndicat autonome des enseignants du moyen secondaire (Saems). Avant d’ajouter : «C’est une forme de provocation. Si on se dit que puisque l’autre m’avait donné un coup pendant la bagarre, je vais riposter, alors qu’on vous a déjà séparé, c’est pour reprendre la bataille.» Les syndicalistes dénoncent le modus operandi de l’Etat pour ponctionner les salaires. «De tradition, le gouvernement ponctionne les salaires pour ne pas payer les jours non travaillés, mais en général, cela se passe au moment où les gens sont en grève, explique Saourou Sène. Mais nous constatons que c’est après la grève qu’ils commencent à couper, et cela n’a pas de sens pour la bonne et simple raison que quand on est en conflit, chacun utilise ses moyens pour contraindre l’autre à arrêter. Autant la grève c’est pour pousser le gouvernement à agir par rapport à nos accords, autant les ponctions de salaires c’est pour décourager les syndicalistes à continuer la grève. Maintenant ce que nous n’avons pas compris, c’est que non seulement les ponctions sont faites après la grève, mais l’Etat semble vouloir les prolonger au-delà de la fin de ce mois, alors que la grève est terminée depuis le 26 février.»

«Des ponctions sauvages et illégales »
Amer, Saourou Sène dénonce des ponctions sauvages. «L’autre constat c’est que les contractuels étaient beaucoup plus ponctionnés que les fonctionnaires, alors que les gens ont observé les mêmes mots d’ordre de grève. Ce qui fait que lorsqu’on a vu les ponctions sauvages qui ont été opérées le mois passé sur le salaire des contractuels, j’ai saisi le ministère de l’Education, et ils avaient dit qu’ils allaient attendre de voir ce que le ministère des Finances allait faire par rapport aux fonctionnaires.» Le leader du Saems signale en outre que les ponctions effectuées sont illégales. «Ce sont des ponctions qui ne répondent pas aux normes, parce que si un enseignant est en grève pendant, par exemple 10 jours dans le mois, on doit le lui notifier et lui faire signer la fiche qui récapitule ces heures non travaillées. Et dans ce cas, l’Etat sera dans ses droits d’effectuer la ponction. Mais là, l’enseignant arrive à la fin du mois et voit qu’on lui a coupé 10 ou 15 jours, cela n’a pas de sens. Il se peut même qu’il n’ait observé que 5 ou 6 jours de grève, et qu’on lui coupe 10 ou 15 jours, c’est pourquoi c’est illégal.» A en croire Saourou Sène, l’Etat peut certes ne pas payer les heures non travaillées, mais lorsqu’un chef d’établissement relève qu’un enseignant n’a pas fait cours pendant un certain nombre d’heures pour faits de grève, il doit le notifier sur une fiche et le lui faire signer. «De ce fait, le gréviste saura à quoi s’attendre en termes de ponctions. Mais ce n’est pas ce qui a été fait», dit-il.

«Le gouvernement est en train de provoquer les enseignants»
Abdoulaye Ndoye est le secrétaire général du Cadre unitaire des syndicats du moyen secondaire (Cusems). Selon lui, ces ponctions sont «illégales, abusives et arbitraires». «Ces ponctions sont opérées sur les salaires des enseignants après la signature du protocole d’accords avec le gouvernement et la suspension du mot d’ordre de grève, regrette-t-il. Donc de part et d’autre, des efforts doivent être faits pour consolider l’apaisement du système éducatif. Mais apparemment, il y a des gens tapis dans l’ombre, tenaillés par la haine et la vengeance, qui ne veulent pas d’une stabilité du système éducatif. Ce qui est en train de se passer, c’est de la provocation, le gouvernement est en train de provoquer les enseignants. On a l’impression qu’ils veulent créer une situation chaotique au moment où les enseignants ont repris les enseignements et apprentissages sur l’étendue du territoire national.» Suivant Abdoulaye Ndoye, les enseignants ont accepté de faire des sacrifices, d’organiser des cours de rattrapage, les vacances ont été écourtées, et c’est dans ce contexte d’après crise que le gouvernement ponctionne illégalement les salaires. «Parce que l’autorité doit informer les concernés du nombre d’heures qui n’ont pas été effectuées et des montants ponctionnés. Mais dès lors qu’on a suspendu le mot d’ordre, on doit tout suspendre. On ne peut pas chercher à se venger et à jouer les prolongations, cela risque de compromettre tous les efforts consentis et de casser l’élan des enseignants ainsi que la dynamique de rattrapage des cours enclenchée dans tous les lycées et collèges du pays. Et le gouvernement sera tenu pour responsable.» Le Sg du Cusems signale que même s’ils ont suspendu la grève, les enseignants ne sont pas totalement satisfaits.
«Le combat que nous avons mené et que nous continuons de mener, c’est pour la correction des iniquités révélées par l’étude sur le système de rémunération des agents de l’Etat, et il reste beaucoup à faire sur ce plan. Dans ce contexte, on ne peut pas continuer à ponctionner les salaires, c’est inadmissible et nous n’allons pas l’accepter.» Les syndicalistes exigent l’arrêt immédiat et la restitution de toutes les ponctions effectuées, au risque de renouer avec la crise. «Ils cherchent à discréditer et à jeter l’anathème sur les enseignants, mais ça ne passera pas. C’est une forfaiture, des coups bas, et cela ne marche pas, il faut arrêter. Cette haine viscérale à l’endroit des enseignants est incompréhensible et inacceptable. Le gouvernement assumera les conséquences et sera tenu pour responsable de toute perturbation qui découlera de cette situation.»

Les vérités du ministère de l’Education nationale
Les syndicalistes râlent, mais suivant le ministère de l’Éducation nationale, les ponctions sont tout ce qu’il y a de légal et ont commencé durant la grève. «Les ponctions ont déjà été opérées, indique Mouhamed Moustapha Diagne, Directeur de la formation et de la communication du ministère de l’Éducation nationale. Le fait est qu’au niveau du ministère, nous avons deux catégories d’enseignants, à savoir les contractuels que nous payons, et les fonctionnaires qui sont payés par le ministère des Finances. Durant la grève, à deux reprises, nous avons effectué des retenues sur les salaires des contractuels. Mais le ministère des Finances a tardé à faire pareil, et les fonctionnaires n’ont été ponctionnés qu’une seule fois, le mois dernier. Donc pour une question de justice et d’équité, il fallait ponctionner une deuxième fois les fonctionnaires.» Et pour M. Diagne, il ne devrait même pas y avoir de problème sur ce sujet. «En vérité, ce problème ne devrait même pas se poser, la même loi qui garantit le droit de grève, permet à l’Etat de ne pas payer les jours qui ne sont pas travaillés, parce que l’Etat paie après un service effectué. Et c’est ce qui justifie d’ailleurs les check-off (cotisations) des adhérents aux syndicats, c’est pour permettre à ce syndicat, en cas de grève et de ponctions sur salaire, de pouvoir appuyer les grévistes.» M. Diagne rappelle que les ponctions ont été étalées sur trois mois, en fonction des jours de grève, pour justement éviter d’effectuer des ponctions sauvages. Mais il est fort probable que la troisième tranche soit annulée. «Il reste une troisième ponction à faire, mais l’Etat est en train de voir comment y surseoir, puisque les enseignants ont arrêté la grève, et que nous allons vers un règlement définitif de cette crise. L’Etat va certainement surseoir à cette troisième ponction. Mais les ponctions sont tout à fait légales, les syndicalistes le savent.»

Avec Igfm