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Test d’ADN : « La science ne ment pas. Elle peut se tromper. Mais de bonne foi et non de mauvaise foi » (Par Dr Saliou M’BAYE) – Chrono-actu

Test d’ADN : « La science ne ment pas. Elle peut se tromper. Mais de bonne foi et non de mauvaise foi » (Par Dr Saliou M’BAYE)

Au moment où les supputations vont bon train à propos du refus catégorique d’Ousmane SONKO de se prêter à l’exercice d’un test d’ADN, en acceptant un prélèvement dans le cadre de l’affaire “Sweet Beauty Spa“, alors que le certificat médical du gynécologue, le Docteur Alphousseyni GAYE de l’HOGGY (Hôpital Général de Grand–Yoff), est sans appel, un autre expert de la Santé est monté au créneau.

En effet, établi au Canada, Dr Saliou M’BAYE a clairement expliqué dans quel cas de figure le test d’ADN est nécessaire. Quid d’un cas de supposé “viol“ ?

Voici, in extenso, son éclairage !

« Un test d’ADN pour viol ne s’improvise pas… Pour rappel, l’acide désoxyribonucléique (ADN) est une macromolécule biologique présente dans presque toutes les cellules humaines et il contient toute l’information du matériel génétique. De ce fait, la Justice utilise de plus en plus le repérage de l’ADN pour incriminer ou discriminer un suspect de meurtre, de viol ou tout autre crime.

Ainsi, dans les pays développés où une Justice équitable est un Droit universel, un laboratoire médico–judiciaire réglementé, qui fonctionne selon une loi et un décret d’application de cette loi, représente un acquis fondamental incontournable.
Ainsi, tout le personnel d’experts qui travaille dans ce laboratoire est constitué d’ agents assermentés et ces derniers sont soumis à un Code de déontologie et de secret professionnel préétablis.

D’après mes 12 ans d’expérience d’exercice de la Médecine au Canada dans un hôpital où le nombre de victimes de viol est l’un des plus élevés au Québec, voici mon expérience par rapport au processus et aux protocoles établis pour qu’un test d’ADN puisse être fait en cas de viol, afin de protéger les droits de la victime et du suspect :

1- La victime est amenée et escortée par la Police à l’hôpital afin de bénéficier d’une prise en charge médicale et, avec son consentement, d’une trousse médico–légale pour viol.

2- L’agent–policier remet au médecin une réquisition du Procureur identifiant le dossier criminel de la victime avec un numéro de dossier.

3- Après un examen clinique minutieux accompagné de prise de photos sur les lésions constatées et d’écouvillonnages sur les zones de contacts sexuels, le médecin dispose d’un kit de trousse de viol du laboratoire de Sciences judiciaires et de Médecine légale (kits fournis et disponibles à l’ensemble des hôpitaux du pays). Ces kits comprennent, entre autres, les écouvillons, les tubes et autocollants numérotés avec un code–barre pour identifier tous les prélèvements de la victime.

3- Tous les prélèvements, les vêtements et sous-vêtements de la victime sont scellés et identifiés juste par un numéro et des codes–barres sans le nom de la victime.

– Seul le Procureur (le Directeur des poursuites pénales et criminelles) peut relier l’identité de la victime aux prélèvements donnés au Laboratoire de Sciences judiciaires, afin de garantir la confidentialité et l’impartialité des biologistes du laboratoire qui vont faire les tests d’ADN.

4- Quand le laboratoire de Sciences judiciaires reçoit le colis d’une trousse de viol, il doit s’assurer que le colis est resté bien scellé et à défaut il devient caduc et non analysable.

5- Après l’identification d’un ADN sur un prélèvement différent de celle de la victime, ce résultat devrait préciser le type de liquide biologique ou de cellule d’où l’ADN provient et ce résultat est constaté par un 2ème coéquipier avant d’être entériné par leur supérieur hiérarchique. Ensuite, l’ADN décelé est versé dans la base de données nationale des ADN recensés par les autorités judiciaires.

6- Si un présumé coupable de viol est testé par son ADN aux fins de comparaison dans la base de données nationale, ce prélèvement est aussi acheminé au laboratoire de Sciences judiciaires dans les mêmes conditions que celles de la victime : ce qui garantit l’anonymat et la confidentialité ainsi que l’absence de biais au niveau des tests effectués.

Les avocats de l’accusé devraient avoir en main le numéro de requête de tout prélèvement de la victime sous l’autorisation du Procureur. Ce qui permet de pouvoir demander au laboratoire de Sciences judiciaires un échantillon des prélèvements de la victime en cas de contre–expertise.

Ainsi, en ce qui concerne le Sénégal on devrait s’interroger sur bien des préalables avant de soumettre un accusé à un test d’ADN :

1- La loi criminalisant le viol est–elle bien encadrée pour faire des tests d’ADN contribuant à incriminer ou à discriminer un suspect ?

2- Existe–t–il un décret d’application de la loi qui établit sans ambiguïté une procédure impartiale et sécuritaire sur la confidentialité et le respect des droits du suspect et de la victime ?

3- Est-ce qu’il existe un laboratoire médico–légal qui fait les tests d’ADN de façon autonome et anonyme par des biologistes assermentés ?

4- Est-ce que les avocats de M. Ousmane SONKO avaient dès sa mise en accusation reçu un récépissé provenant du Juge d’instruction, M. Samba SALL, mentionnant le ou les prélèvements numérotés faits sur la victime afin de pouvoir contre–expertiser ultérieurement, le cas échéant. Aussi, ce récépissé devrait certifier le laboratoire judiciaire désigné où les spécimens sont envoyés et conservés.

Voilà autant de questionnements qui devraient tous nous interpeller sur la pertinence du test d’ADN dans ce dossier.

N. B. : À toutes fins utiles, un test d’ADN concordant dans une accusation de viol n’est pas égal à un viol ».

Dr Saliou M’BAYE
Médecin, Omnipraticien, Canada
Chargé d’enseignements à l’Université McGill, Montréal