Samba Babou, psychologue : « la majorité des gens qui se suicident pense que le suicide est le seul moyen de se libérer. Alors que la mort ne libère pas… »

Devenu un fait récurrent au Sénégal, le suicide reste une cause importante de la mortalité avec un taux de 6,1% pour 100.000 habitants, selon un rapport de l’organisation mondiale de la santé (OMS), en 2019. À Dakar, les morts par suicide restent peu fréquentes au regard de la mortalité générale. Une collecte de données fait par Dakaractu a également permis de savoir que les hommes se suicident deux fois plus que les femmes et le suicide reste l’apanage de l’adulte jeune dont l’âge se situe entre 21 et 30 ans.  Le recueil des facteurs concourant au suicide permettrait une prévention de ce dernier. Ainsi, Samba Babou, psychologue de profession, explique en premier lieu les causes du suicide. Selon notre interlocuteur, les gens sont plus adossés à la renferme de soi, ils vivent avec des maux qui les rongent toute leur vie durant, et ils n’ont plus cette habitude de s’ouvrir à la société. S’ils se renferment, ils essaient de régler par eux-mêmes leurs problèmes et le psychologue a pour vocation d’aider une personne en détresse par le biais d’une discussion assez psychique. Et celui qui n’a pas recours à la psychologie essaie de trouver des solutions par soi. « Et nous savons que l’être humain ne prend pas toujours les bonnes décisions », explique-t-il.
Il soulève aussi le manque de confiance en la société et en soi qui s’explique par la perte de nos valeurs sociétales.
« Le manque de confiance en la société et le manque de confiance en soi sont des choses qui mènent au suicide. Nous êtres humains, nous avons besoin de partager en société, de nous aimer en société, d’être solidaires en société, de partager nos maux en société, mais dans la convivialité sociétale. On voit aujourd’hui que le respect est minime, la dignité de même et nous allons vers la perte de nos valeurs primordiales et sociétales. Nous allons vers la perte de ces valeurs qui unissent la société. Et avec ça les gens préfèrent marcher seul plutôt que de marcher en groupe ».

Une carence de l’industrialisation de la psychologie.

Selon notre interlocuteur, on note une carence de l’industrialisation de la psychologie au Sénégal et la majorité des personnes sont sensibles aux maux de la société.

« Il y a différents types de personnes. Il y a des gens assez sensibles, des gens fragiles, des gens forts, des gens qui sont dévoués et des gens qui ne ressentent pas de douleur. C’est-à-dire qu’ils peuvent avoir des maux et les dépassent à la seconde qui suit. Et la majorité des personnes sont sensibles aux maux comme la dépression, la déception, le stress… ce qui les poussent à se suicider », déclare le psychologue. Il ajoute que les gens n’ont pas tendance à consulter un psychologue parce que pas mal de sénégalais pensent que cela appartient à l’occident que c’est quelque chose que nous leurs avons emprunté. « Nous sommes tous des êtres qui subissons le stress, l’anxiété et toutes ces maladies qui vont avec le psychique. Mais l’occident a vite pris le train en main… »

Il explique cette habitude de la population sénégalaise par la force qu’avaient nos ancêtres de surmonter leurs soucis.

« Avant, les gens en Afrique avaient la force, la tête sur les épaules. Ils ne se laissaient pas abattre par certaines choses. Ils étaient vraiment robustes. Mais cette robustesse tend à disparaître donc la thérapie d’un psychologue dans la société dans laquelle nous vivons peut devenir une solution à ce phénomène de suicide », dira-t-il.

Samba Babou, sur le cas du docteur Paye qui s’est suicidé a Sacré-Cœur avec ses 3 enfants samedi passé, de préciser que les problèmes relationnels créent souvent la déception, la haine qui conduisent le plus souvent au suicide.

« Nous sommes tous des êtres humains avec des problèmes, mais la société sénégalaise n’a pas grandi avec un contexte où il y a une communication qui les incitent à aller voir un psychologue. Au contraire ce sont les psychologues ou les psychiatres ou même les psychanalystes qui se démarquent et qui essaient de repérer des personnes qui ont des problèmes et qui essaient de leur apporter un soulagement. La majorité des gens qui se suicident ne se trouvent pas dans un état normal. Ils se trouvent dans le subconscient. Quand la personne a trop de problèmes qui le dépassent, il vogue entre l’irréel et l’hallucination. C’est-à-dire qu’il se comporte de manière très bizarre. Et pense que le suicide est le seul moyen de se libérer. Alors que la mort ne libère pas », a conclu l’homme de l’art.

NKN