Salaires dérisoires, cherté de la vie et charges familiales de plus en plus élevées: Quand le «xarmatte» devient un impératif au Sénégal

Travailler le matin pour le premier boulot et le soir ou les temps libres enchaîner avec le second, vice-versa, voilà la routine qui rythme le quotidien de bons nombre de Sénégalais actifs, qui se décarcassent pour joindre les deux bouts. Difficilement !

Avec un salaire dérisoire, qui ne couvre plus la moitié des besoins et charges familiales, beaucoup de Sénégalais ont recours au «xarmatte» pour s’en sortir. Une preuve palpable de la précarité et des conditions de vie peu enviables de la population, notamment des salariés et autres travailleurs. C’est le sort qui s’impose à beaucoup de Sénégalais qui travaillent d’arrache-pied, en cumulant deux boulots, ou plus, à la fois. Une situation qui ne sent pas la rose, du fait qu’elle est difficile à supporter, malgré son côté positif.

Professeur de lycée, Monsieur Ndiaye mène cette vie depuis plus de trois ans, pour arrondir les fins du mois. «Je suis professeur en Maths. Le matin, je remplis mes obligations à l’école et, les soirs, je dispense des cours particuliers pour des élèves en Seconde et Première. Ainsi, j’ai deux salaires qui me permettent de gérer convenablement ma vie et celle de ma famille», explique le sieur Ndiaye. Avant de renchérir : «Avec un seul salaire, si tu y comptes enlever les dépenses quotidiennes, payer les factures d’eau et d’électricité et autres charges, qu’est-ce qui va t’en rester ? Absolument rien ! Donc je suis obligé de cumuler deux jobs, même si c’est difficile», lâche-t-il.

Du haut de ses 25 ans, le jeune Saliou cumule aussi deux boulots, pour assurer les charges qui pèsent sur ses épaules. Le matin, il mène son petit commerce de café Touba et le soir, il vend des chaussures. «J’ai toujours fonctionné ainsi, car la vente du café ne rapporte pas beaucoup et cela ne me suffit pas pour entretenir ma famille qui est au Baol. Donc, j’ai décidé de me lancer dans cette aventure, en faisant deux travaux, car je suis le seul soutien de ma famille», estime-t-il.

«Le ‘’xarmatte’’, seul moyen de sortir de la misere que nous inflige la mal gouvernance»

Pour beaucoup de personnes interrogées, c’est le même son de cloche. Et Antoinette Preira n’en est pas l’exception. Le matin, elle vend, au marché Castor, des produits pour femmes mariées et le soir, elle se consacre à la vente de pastelles à l’angle du quartier.

«Je suis obligée de faire ainsi pour que j’aie une double somme qui va me permettre de régler tous mes besoins car, je ne compte pas sur le fric des hommes pour m’entretenir et aider en même temps ma mère, qui compte sur moi», fait savoir Antoinette. Jambes biens calées sur une chaise qui tient à peine debout, Baye, de son vrai nom Ibrahima Dionne, boit tranquillement son thé. Interpelé sur la question, il fait mine de tousser, avant de se racler la gorge : « le pays est pauvre pour nous issus de la basse classe. Mais, les riches continuent de nager dans l’argent. Ils n’ont pas besoin de faire deux boulots, pauvre de nous», ironise-t-il.

Avant d’afficher un aire sérieux : «de 10h à 13h, je fais le jardinage à Mermoz. Et le soir est réservé au gardiennage à Liberté 5, dans un immeuble. Beaucoup de personnes font comme moi c’est-à-dire elles mènent un double travail pour pouvoir survivre et ne pas aller tendre la main», confie-t-il.

Dans la foulé, il dira : «cela témoigne à quel point le pays est mal gouverné. Un seul salaire ne suffit plus car, chaque jour, on tend vers une augmentation sans justification valable des prix, que ça soit le loyer, l’électricité et autres. Cumuler deux boulots, c’est le seul moyen de sortir de la misère que les autres nous infligent», soutient Ibrahima. Non sans évoquer la fatigue qui en découle : «c’est extrêmement fatiguant et tu n’as même pas une vie de famille car, le peu de temps libre que j’ai, je le passe au lit. Je vois rarement mes enfants», déplore-t-il.

Avec ces salaires jugés dérisoires et les besoins qui ne cessent de se multiplier, sans compter le coût de la vie, les gens ont trouvé une alternative. Pour survivre… aisément, le «xarmatte» est devenu une porte de secours pour de nombreux Sénégalais, malgré les difficultés que cela engendre.

Sud Quotidien

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