Décryptage : A quand la régulation des réseaux sociaux au Sénégal ?
Tel un Phenix, la question de la régulation des réseaux sociaux renait constamment de ses cendres. Sauf à décider volontairement de porter des œillères, il n’est plus possible de nier aujourd’hui, les nombreux dérapages et dérives notés dans ces espaces numériques au Sénégal. Dans un monde où Internet transmet nos plus infimes frémissements à des destinations et à destinataires inconnus, la nocivité des messages conflictogènes est, à bien des égards, démultipliée. Dès lors, loin d’évoquer une simple clause de style, la régulation des réseaux sociaux trouve tout son sens, dans un contexte où la moindre publication sur ces plateformes est souvent agitée par des commentaires acerbes allant même jusqu’à enfreindre la vie privée de l’individu.
Notre paix sociale et notre cohésion nationale n’ont jamais été aussi menacées à l’ère des réseaux sociaux…
L’ascension fulgurante de ces passerelles virtuelles, malgré leurs vertus avérées, est source d’une profonde inquiétude pour tous ceux qui portent un regard lucide, débarrassé de toute passion, sur ces outils révolutionnaires. Nous sommes tous sur le qui-vive, craignant le spectre d’une vidéo de soi tournée sans notre consentement, divulguée sur les réseaux sociaux. Au-delà des menaces sur l’intimité et l’honorabilité des citoyens pris individuellement, notre paix sociale et notre cohésion nationale n’ont jamais été aussi secouées.
Les réseaux sociaux sont très souvent les canaux de propagande de divers contenus qui peuvent d’une part être ludiques et d’autre part inciter à la haine, être sources de diffamation et parfois d’injures et attenter à la dignité des personnes. Avec des milliards d’utilisateurs, il est difficile de cerner les intentions de chacun. Un nid de discordes s’installe peu à peu dans une société où ces plateformes occupent une place importante dans le quotidien des sénégalais.
La régulation des réseaux sociaux s’impose face aux comportements peu responsables de certains internautes prompts à abuser de cette liberté d’expression qu’offrent ces plateformes numériques perçues à tort, comme un no ’man’s land où tout est permis. Or, à la vérité, ces dernières constituent tout simplement le prolongement, dans un monde virtuel, de notre vie en société. Elles ne sauraient alors, en aucun cas, échapper à l’exigence de régulation, gage de stabilité sociale.
Aux Etats-Unis, la suppression du compte Twitter de Donald Trump, à la suite de l’assaut du Capitole, en janvier 2021, est assez illustrative de l’impératif de ne pas sacrifier la stabilité nationale sur l’autel de la liberté d’expression. Le réseau social Twitter avait expliqué sa décision par le souci d’éviter des risques de nouvelles incitations à la violence de la part de Donald Trump, après des violences commises par des émeutiers acquis à la cause de ce dernier. S’inscrivant dans cette logique, Facebook et d’autres services, comme Snapchat ou Twitch, avaient suspendu le profil de l’ex locataire de la Maison Blanche, pour une durée indéterminée.
Quid de l’appel du Chef de l’Etat à réguler les réseaux sociaux ?
Au Sénégal, l’appel du chef l’Etat, Macky SALL à réguler les réseaux sociaux est perçue par certains comme une volonté de museler les citoyens. Pourtant, il n’est pas le seul à avoir porter ce projet salvateur. En effet, les tares de médias sociaux ont été au centre des sermons de tous les imams ou presque, lors de la prière de l’Aïd-al Fitr ou Korité 2022 et des évêques, notamment l’archevêque de Dakar, lors de la messe de Pâques quelques semaines plus tôt.
D’autres voix autorisées s’étaient déjà prononcé sur cette question lancinante que constitue la régulation des réseaux sociaux. On se rappelle encore de la sortie salutaire du khalife Général des mourides, en marge de la cérémonie officielle du grand Magal de Touba. L’autorité religieuse faisait notamment remarquer que ces nouveaux médias permettent et favorisent beaucoup de dérives depuis quelques années, dans la société africaine. Il mettait notamment l’accent sur la promotion du vice qui est remarquée sur ces différentes plateformes sociales.
Pour le Patriarche de Darou Miname, les réseaux sociaux sont parfois la cause de l’éloignement de certains jeunes de leurs études et de la religion. « A cause de l’Internet et des réseaux sociaux, beaucoup de jeunes ne suivent plus leurs études, ils ne respectent plus les recommandations de l’islam comme il se doit », déclarait-il à juste titre.
La responsabilité de tout un chacun est engagée
Face à ce qu’on peut considérer, aujourd’hui, comme un moyen incontournable de communication, le recours aux médias classiques n’est plus obligatoire pour toucher le grand public. En donnant la latitude à tout un chacun de publier et d’interagir dans le monde virtuel, les réseaux sociaux constituent une nouvelle forme d’expression directe et une nouvelle manière d’accéder à de nouvelles sources d’information.
Seulement, l’on remarque que les réseaux sociaux sont devenus un espace de règlement de compte pour beaucoup d’utilisateurs qui ne rechignent pas à publier des vidéos, images et audio compromettants, qui peuvent briser toute une carrière ou disloquer des familles. Malgré les efforts de la Commission Nationale de protection de données personnelles (CDP), le mal continue de prospérer, au grand désespoir des utilisateurs. Et quand des sites s’y mêlent, le mal devient plus profond. Au Sénégal, on dénombre plus de 400 sites d’informations en ligne. Des sites qui parfois ne suivent pas les règles d’éthique et de déontologie et semblent échapper à tout contrôle ou régulateur, avec des contenus parfois obscènes et diffamatoires.
La liberté d’expression est certes un droit humain fondamental consacré par l’article 19 de la Déclaration universelle des droits de l’homme. Cependant, il est important de préciser que toute liberté non encadrée peut être source de débordement. Dès lors, il est nécessaire, pour les pouvoirs publics, de trouver le juste milieu entre l’encadrement et liberté d’expression sur les réseaux sociaux. Faute de quoi, ces outils censés nous connecter les uns aux autres risquent sonner le glas de notre stabilité nationale.