Madiambal Diagne : « Si Dakar brûle le 10 novembre… »

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Diouf Sarr, la récompense d’une ambition osée…Par Madiambal Diagne

Ils n’étaient sans doute pas très nombreux, qui pensaient que Abdoulaye Diouf Sarr, maire de Yoff, pourrait réussir son pari ou le challenge de se faire investir par la coalition Benno bokk yaakaar (Bby), comme son candidat à la mairie de la Ville de Dakar. L’actuel ministre de la Santé peut sans doute se targuer d’un bilan appréciable à la tête de la mairie d’arrondissement de Yoff, mais la candidature d’un certain Amadou Ba apparaissait pour beaucoup comme étant plus évidente.

L’ancien ministre des Finances et par la suite ministre des Affaires étrangères, jusqu’au 1er novembre 2020, responsable politique dans le populeux quartier des Parcelles Assainies, semblait avoir plus d’étoffe et devait pouvoir rassembler plus facilement la famille politique de Bby, dirigée par le Président Macky Sall. On voudrait également croire qu’Amadou Ba pourrait ratisser plus large, jusque dans les rangs de responsables politiques de l’opposition et de certains autres milieux sociaux. Mais Abdoulaye Diouf Sarr a su déclarer sa candidature et s’est investi personnellement pour finir par convaincre son monde de sa pertinence.

diouf sarr

Il a multiplié les visites, les rencontres publiques et de proximité et ne s’est jamais retenu d’afficher son ambition à travers les médias. Si Abdoulaye Diouf Sarr n’a pas encore dit ce qu’il compte faire à la tête de la mairie de Dakar, il n’a pas été moins prolixe pour dire qu’il veut l’écharpe de maire de Dakar. Il a pour ce faire, mobilisé les siens pour aller à sa conquête, après avoir structuré des équipes qui ont occupé le terrain. Il a certes pu commettre quelques maladresses, comme quand il avait tenté d’engager la communauté des Lébous (autochtones de Dakar) pour revendiquer un droit de préemption sur la mairie de Dakar ; un droit que la réalité démographique et sociale dans la capitale du Sénégal ne saurait plus autoriser.

Seulement, à force de ténacité et de volontarisme, la candidature d’Abdoulaye Diouf Sarr a fini par se faire accepter, pour finir par devenir naturelle. L’ancienne Première ministre, Aminata Touré, candidate malheureuse de Bby lors des élections locales de 2014 à Dakar, a migré à Kaolack depuis lors, alors que Amadou Ba ne s’est pas déclaré intéresser. L’autre candidature déclarée d’un responsable politique membre de Bby, en l’occurrence celle de Mame Mbaye Niang, a été rapidement perçue comme une candidature de diversion, pour ne pas dire de provocation, sans grande conséquence.

D’ailleurs, les proches du Président Macky Sall ont assez tôt fait de prendre leurs distances de Mame Mbaye Niang. Il restait cependant que d’aucuns persistaient encore à croire que Abdoulaye Diouf Sarr déclarait prématurément (!?) sa candidature pour espérer, au cas où un autre lui serait préféré, pouvoir recevoir un lot de consolation. Mais à la fin de la course qu’il a réalisée pratiquement en solo, il a fini comme l’incontesté porte-étendard de Bby à la mairie de Dakar.

Amadou Ba: laissé dire et faire les autres pour soi

Amadou Ba s’est révélé être un candidat putatif à la mairie de Dakar. Personne ne l’a jamais entendu dire publiquement être intéressé par la mairie de Dakar. Certains de ses proches parlaient et faisaient pour lui, mais Amadou Ba n’a jamais accepté une interview ou une sortie médiatique quelconque pour exprimer publiquement, à haute et intelligible voix, que le fauteuil de maire de Dakar l’intéressait. Pour autant, il ne manquait pas de proches pour «forcer» une telle ambition.

Sans doute que Amadou Ba a préféré attendre sagement que Macky Sall daigne le charger de la mission de chercher à conquérir la ville de Dakar. Mais Amadou Ba a peut-être oublié qu’en devenant maire de Dakar, il le serait d’abord pour lui-même. Aussi, peut-on se demander ce que le Président Sall aurait pu gagner à pousser au combat un candidat qui se garde bien de lui montrer qu’il est intéressé par le challenge et serait disposé à prendre des risques et à recevoir des coups ?

ministre amadou ba

Engagé dans la compétition dans ces conditions, par une décision discrétionnaire du Président Macky Sall, Amadou Ba pourrait, en cas de défaite, avoir le beau rôle de dire qu’il a été amené de force à l’autel. Il n’a donc manifestement pas voulu prendre le risque de demander la candidature à Dakar et est resté on ne peut plus ambigu sur ses intentions. Il y a une maxime de Jean François Paul de Gondi, Cardinal de Retz, qu’on pourrait lui rétorquer : «On ne sort de l’ambiguïté qu’à ses dépens.» En effet, dans une éventuelle compétition future pour des positions aux côtés du Président Macky Sall ou pour sa succession, Amadou Ba partirait quelque peu désavantagé par rapport à des concurrents nantis d’une base électorale qui leur conférerait une certaine légitimité politique. Il se peut aussi que Amadou Ba se voie le destin d’un Abdou Diouf, qui avait réussi à accéder à la tête de l’Etat du Sénégal à force de décrets.

L’amateurisme coupable de l’opposition

On ne dira jamais assez que l’opposition fait tout pour ne faire que de la figuration aux prochaines élections locales. Les leaders continuent de se déchirer pour s’accuser mutuellement de tous les mauvais coups et toute perspective de rassemblement majeur est devenue caduque. Les listes ont fini d’être déposées pour aller au scrutin. Mais l’opération de dépôt des listes aura montré les graves limites et lacunes de cette opposition politique au régime du Président Macky Sall. Ces gens ne sont même pas capables de confectionner des listes conformément aux prescriptions des règles électorales ! On est sidéré de constater que des listes ont pu être rejetées parce que les mandataires n’ont pas pu présenter des listes complètes ou avec des dossiers administratifs rigoureusement conformes

Plus grave, on découvre que des personnes ont été désignées mandataires de listes de l’opposition sans avoir le moindre lien ou une relation politique ou organique avec les listes qu’elles étaient censées représenter. Ainsi, tel ou tel mandataire s’est barré avec telle ou telle liste. C’est comme cela qu’on voit que l’opposition a été rattrapée par ses propres turpitudes ou par sa démagogie. Des promoteurs de listes ont payé des cautions pour se mettre à l’affût pour proposer à d’éventuels frustrés, de porter leurs couleurs. Le but de la manœuvre est de présenter des listes presque partout au Sénégal et d’engranger des voix ou d’obtenir quelques sièges municipaux pour pouvoir s’en prévaloir comme gage d’une représentativité politique. Devraient-ils alors se plaindre de leur propre turpitude ?

On reprend les mêmes et on recommence…
Un avocat aura allumé la mèche

Les prochaines élections portent les germes de graves violences politiques. On a observé dans la ville de Ziguinchor des bagarres sanglantes entre partisans d’Ousmane Sonko et ceux d’un de ses rivaux de Bby, Doudou Ka. Tout porte à croire que les deux camps ne se sont pas encore résolus à une accalmie. Mais les risques de déflagration seront surtout à craindre à Dakar. Barthélemy Dias, candidat de la Coalition Yewwi askan wi (Yaw) à la mairie de Dakar, est en proie à des démêlés judiciaires suite à une procédure ouverte depuis 2011 pour le meurtre par balles d’un nervi du nom de Ndiaga Diouf.

Barthélemy Dias avait été jugé et reconnu coupable en première instance et l’appel qu’il avait interjeté en 2017 est en passe d’être examiné par la Cour d’appel de Dakar. En effet, après plus de cinq renvois, à la demande notamment de Barthélemy Dias et de ses avocats, la Cour d’appel de Dakar, à une audience correctionnelle du 7 juillet 2021, avait renvoyé, d’accord parties, l’affaire pour qu’elle soit jugée le 10 novembre 2021.

Mais avec une outrecuidance déconcertante pour ne pas dire une mauvaise foi, l’un des avocats de Barthélemy Dias, Me Cheikh Khoureychi Ba, a voulu lancer une alerte dans les médias, pour dire que le calendrier de la Cour d’appel a été programmé pour tenter de barrer la candidature de son client. Alors que lui-même avait participé avec son client à choisir la date du 10 novembre 2021 ! Justement parce que Barthélemy Dias disait avoir prévu de voyager et que la période des vacances judiciaires ne permettait pas de retenir une date plus proche. Qu’à cela ne tienne, Me Ba a énoncé avec véhémence, une supposée manœuvre judiciaire pour écarter de la course électorale un candidat. C’était suffisant pour jeter de l’huile sur le feu.

C’est alors le branle-bas de combat dans les rangs de la coalition Yaw. Ousmane Sonko, figure de proue de cette coalition, prenant sans doute sa situation personnelle en exemple, engage les jeunes militants à refuser tout jugement de Barthélemy Dias, au risque d’en découdre, une nouvelle fois, avec les Forces de l’ordre. Un mot d’ordre a été donné à des groupes de jeunes pour accompagner Barthélemy Dias au Palais de justice, pour se rendre à l’audience du 10 novembre 2021.

Il est légitime de craindre de revivre le scénario de mars 2021 quand des bandes organisées avaient semé le désordre et la mort à travers les rues de nombreuses villes du Sénégal, pour empêcher la comparution d’Ousmane Sonko devant la Justice pour répondre d’accusations de viol portées par la demoiselle Adja Sarr. Les risques de troubles à l’ordre public sont bien réels et l’Etat devra prendre ses dispositions.
Il reste qu’il ne saurait être tolérable qu’un auxiliaire de Justice, un avocat, porte ainsi impunément le discrédit sur l’institution judiciaire et la jette en pâture à des hordes de manifestants qui ont déjà fait montre de leur degré de violence. Force est de dire que si Dakar brûle le 10 novembre 2021, Me Ba aura été le principal pyromane.

Madiambal Diagne

Ainsi, peut-il se montrer désormais bien optimiste pour remplacer Soham El Wardini, au fauteuil d’édile de la capitale. On peut affirmer sans trop de risques qu’Abdoulaye Diouf Sarr pourra être élu sur un fauteuil, au soir du 23 janvier 2022. Les profondes divisons de l’opposition, avec des candidats concurrents qui risquent de disperser leurs votes, seront à l’avantage du candidat de Bby, s’il arrive à créer une dynamique qui mobilise l’électorat de son propre camp.

Il s’y ajoute que ce scrutin est parti pour être celui qui sera le moins disputé à Dakar. En effet, un fort taux d’abstention est à prévoir du fait du manque d’attrait des différents candidats et de l’enjeu relativement faible des élections locales qui, traditionnellement, ne mobilisent pas grand monde au Sénégal. Qui ne se rappelle pas qu’en 2014, 63% des électeurs de Dakar avaient choisi de ne pas aller voter, alors que la compétition électorale était âpre, particulièrement entre Khalifa Sall, maire sortant, et Aminata Touré, alors Première ministre ? On peut augurer une plus grande désaffection des urnes par les électeurs, vu la qualité peu attrayante de l’offre politique faite par l’opposition en termes de programmes de gouvernance locale, qui ne se résume paradoxalement qu’à un «dégagisme» au sommet de l’Etat ; encore que nombre de candidats proposés par l’opposition sur ses listes ne pourraient pas véritablement représenter un certain changement, ni en termes de qualités intrinsèques ou de vision ou même de probité morale et intellectuelle.

Madiambal diagne

Abdoulaye Diouf Sarr pourra être maire sans trop souffrir d’un bilan mitigé de la gestion des ressources financières dégagées pour juguler la pandémie du Covid-19. Les électeurs ne lui tiendraient pas non plus rigueur de ses relations parfois heurtées avec les techniciens du ministère de la Santé. Abdoulaye Diouf Sarr a continué à assumer sa candidature, bien que, c’est un secret de Polichinelle, à un moment le Président Macky Sall a laissé voir une certaine préférence pour la personne d’Amadou Ba à la candidature à la Ville de Dakar. C’est aussi une marque d’audace et de ténacité et de courage. Il a donc osé.

Il reste que l’implication trop visible du Président Macky Sall pourrait être le seul facteur de mobilisation d’un électorat qui pourrait lui être hostile et qui était déjà blasé par des élections locales dans la capitale. C’est dire que pour donner les meilleures chances à son poulain, Macky Sall devrait le moins apparaître dans la prochaine campagne électorale. Il devrait se limiter à reléguer les prochaines élections à un enjeu Si la coalition  « Yewwi askan wi » (YAW) a des difficultés dans beaucoup de localités du Pays avec le rejet ou la forclusion de ses listes, elle ne connaît pas ce genre de problèmes dans le département de Bignona, sauf à Coubalan où la liste est forclose.

Ici, la coalition qui doit avoir des difficultés est Benno Bokk Yaakar (BBY). En effet, dans certaines communes, on a noté des listes parallèles. C’est le cas à Bignona commune, Niamone, Coubalan, Tenghori, Mlomp, Sindian pour ne citer que celles-là.

C’est une première pour une coalition au pouvoir d’avoir autant de contestations dans le département de Bignona, le choc des ambitions a été plus fort que les médiations entreprises.

Dans certains cas ou dans quasi-totalité, les dissidents ne sont pas d’accord sur la tête de liste choisie ou estiment tout simplement que la personne choisie ne le mérite ou qu’elle ne peut pas faire gagner la coalition. Mais il y’en a qui estiment que les maires sortant contestés ont montré leurs limites et qu’ils doivent laisser la place à d’autres plus en mesures de conduire les destinées de la collectivité.

Cette division de BBY est un couteau à double tranchant. Elle peut servir ou desservir benno. L’avantage est que la pluralité des listes permet de disperser les voix contre et comme on est dans un mode d’élection où celui qui a plus de voix, même sans la majorité, prend le maximum de sièges, BBY peut se contenter d’avoir plus de voix que les autres et le tour est jouer.

Cependant, il faut rappeler que la coalition présidentielle n’est pas en situation de favori dans le département de Bignona où Ousmane Sonko avait gagné dans toutes les communes lors de la présidentielle de 2019. Donc si on se réfère à cette élection, une division des forces de BBY peut l’affaiblir davantage.

Mais ici, nous parlons d’élections locales or, la quasi-totalité des communes sont dirigées  par des maires de BBY ce qui rééquilibre un peu les choses mais cela dépend de ce que ces maires ont fait pendant ces sept ans d’exercice. En plus de cela, il faut ajouter dans l’analyse le choix des têtes de liste et des hommes et femmes qui composent chaque liste. C’est un facteur déterminant qui peser sur le choix des électeurs strictement local et surtout, éviter d’engager sa propre personne. Autrement il pourrait donner des motifs de mobilisation d’un éventuel électorat défavorable. Au demeurant, dans une chronique en date du 7 septembre 2021, nous indiquions que «l’opposition va rater son référendum du 23 janvier 2022».

 

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