Locales 2022 : vers les étapes les plus périlleuses

Ouverte par décret présidentiel n°2021-976, depuis le 31 juillet dernier, la révision exceptionnelle des listes électorales en vue des élections départementales et municipales du 23 janvier 2022, a pris fin hier, mardi 14 septembre. Après cette ouverture/révision exceptionnelle des listes électorales tant soit peu mouvementée, les acteurs en compétition s’acheminent vers les étapes les plus risquées, notamment la publication des listes électorales provisoires en fin septembre, mais surtout les investitures au début du mois de novembre.

Rythmée entre sorties et accusations de «fraudes», la révision exceptionnelle des listes électorales, vient d’être clôturée hier, mardi 14 septembre, après 45 jours. Cette révision a permis aux jeunes citoyens qui auront 18 ans révolus à la date du 23 janvier 2022, de pouvoir s’inscrire sur les listes électorales. Il en est de même pour les électeurs qui ont voulu changer de circonscription électorale ou d’adresse électorale.

Dans la même veine, cette révision exceptionnelle des listes électorales a aussi été le moment de faire le toilettage du fichier électoral, avec notamment la radiation des électeurs décédés, d’électeurs frappés d’incapacité du fait de la loi ou qui ne désirent plus figurer sur les listes électorales. Les militaires et paramilitaires redevenus civils ont aussi eu l’occasion de changer de statut. Mais, il faudrait dire que cette période de révision exceptionnelle n’a pas été de tout repos pour les acteurs en compétition.

En effet, depuis le jour de démarrage de ces opérations sur l’ensemble du territoire national, opposition et pouvoir se sont livrés à une véritable guerre d’opinion, sur fond d’accusations et de récriminations dans la délivrance des certificats de résidence, toute chose qui serait opérée de manière discriminatoire. Pas un jour ne s’est passé sans que la presse ne fasse écho de tensions autour de l’octroi de ce document exigé par le Code électoral à tout citoyen qui voudrait opérer des modifications sur son adresse électorale. Que dire des dénonciations de «fraudes», de «blocages», de «transfert d’électeurs » et de présence de Commissions administratives illégales chez des responsables de la mouvance présidentielle ? Après cette parenthèse, les chapelles politiques semblent se préparer pour des étapes encore plus dangereuses que périlleuses. En effet, les listes électorales provisoires seront publiées d’ici la fin du mois de septembre. C’est durant cette période que certains se verront éjecter des listes, alors que les présidents de commissions avaient accepté leur demande de figurer sur les listes électorales.

Le rejet de la demande de Karim Wade, aux motifs de l’article L31, en est un exemple. Certains partis ne verront pas leurs militants ou sympathisants figurer sur lesdites listes par erreur. Alors, ce sera la course contre la montre pour déposer des recours à la Cour d’Appel, dans le but de rectifier ces anomalies. L’autre défi de taille restera les investitures au sein des coalitions et autres états-majors. Aucune entité n’échappe à ce risque de problèmes internes et/ou implosion dus aux querelles de positionnement sur les listes de candidature. De la coalition présidentielle où les déclarations de candidature fusent de partout, à celle de Yewwi Askan Wi, en passant par celle en gestation du Parti démocratique sénégalais (Pds) et ses alliés, ou encore la «grande» coalition Gueum Sa Bopp, toutes pourraient être exposées à des tensions le moment venu. L’implosion de Mankoo Taxawu Sénégal, la grande coalition de l’opposition, à la veille des élections législatives de 2017, en dit long.

CLOTURE DELA REVISION EXCEPTIONNELLE DESLISTESELECTORALES : Bilan mitigé des acteurs politiques
La révision exceptionnelle des listes électorales qui a pris fin hier, mardi 14 septembre, est différemment appréciée par les acteurs politiques. Si du côté du Chargé des élections au Pastef, Aldiouma Sow, c’est la «mauvaise attitude» de certains représentants de l’État et/ou des réserves sur la neutralité de la CENA, qui ont été déplorées, du côté de la mouvance présidentielle, Moussa Sarr porte-parole de la Ld s’est dit «satisfait» d’un « franc succès » de cette révision, en dépit des «agitations fébriles» de l’opposition. Pour sa part, le Chargé des élections à Bokk Gis Gis attend la remontée de toutes les informations au niveau interne avant de se prononcer. Toutefois, presque tous semblent conscients de la colossale épreuve des investitures qui leur attend.

ALDIOUMA SOW CHARGE DES ELECTIONS AU PASTEF : «Nous déplorons le comportement du commandement territorial qui, par endroit, a laissé faire le transfert d’électeurs»

«Au niveau de notre parti (Pastef) nous l’avons réalisé avec beaucoup de professionnalisme, de présence et d’engagement. Nous avons pu couvrir toutes les préfectures et sous-préfectures du pays en y désignant nos plénipotentiaires pour faire le suivi de l’opération auprès des représentants de l’Etat. Notre Parti a été représenté dans l’essentiel des commissions administratives qui ont été installées au niveau des mairies. L’engagement de nos militants et la pro-activité de nos responsables à la base nous ont permis de détecter, à temps, les cas de fraudes et de réagir au bon moment avec les bons outils.

Au niveau central, nous avons tenu des sessions d’information et de partage de bonnes pratiques qui ont permis de bien capaciter notre staff électoral de base et lui doter d’outils pour signaler les cas de fraudes, remonter les statistiques des opérations d’inscription et de modification Nous avons par exemple mis sur pied une Taskforce assistance juridique qui nous a permis d’apporter une assistance juridique permanente aux effectifs électoraux du parti et de recueillir les irrégularités constatées dans le déroulement des opérations électorales. Ce qu’il y a à déplorer, c’est plutôt la mauvaise attitude de certains représentants de l’État qui, par moment, ont aidé ou laissé faire des maires qui ont refusé de délivrer les certificats de résidences aux citoyens qui en faisaient la demande, soit en corsant de façon illégale les conditions d’obtention de ce sésame, soit en fermant tout simplement les sévices d’état civil chargés d’établir ladite pièce. Nous déplorons le comportement du commandement territorial qui, par endroit, a laissé faire le transfert d’électeurs sans piper mot. Que ça soit à Ziguinchor, à Kaffrine ou à Tambacounda, il a été observé un mouvement massif d’électeurs convoyés, soit des communes environnantes vers les communes chef-lieu de département, comme à Kaffrine et à Tamba, soit de régions vers d’autres régions comme à Ziguinchor.

La même léthargie a été observée à niveau de la CENA qui n’a pas instruit ses démembrements départementaux à savoir les CÉDA à faire cesser ces irrégularités constitutives de fraude aux certificats. Nous nous attendions de la CENA qu’elle fasse appliquer ses compétences de superviseur du processus électoral comme le lui confère le code électoral. Mais, nous n’avons constaté nulle part où elle a exercé cette prérogative. Ce qui nous pousse à émettre de sérieuses réserves quant à sa neutralité et son indépendance à assumer son rôle d’arbitre et de gardienne des règles électorales pour le reste du processus. À chaque fois, que nous avons constaté des irrégularités nous avons demandé à nos responsables dans les zones où des irrégularités ont été constatées de saisir les autorités départementales de la CENA pour dénoncer et protester contre l’autorité politique locale ou administrative déconcentrée coupable de tels faits. C’est le cas par exemple dans la Commune de Tassette. Il est même arrivé à ce qu’on initie une procédure judiciaire contre des maires coupables de manquement dans la fourniture des certificats de résidence comme ce fut le cas à Thiès contre le maire Talla Sylla. Il est arrivé aussi que l’on saisisse les préfets pour dénoncer l’installation frauduleuse d’une commission administrative comme ce fut le cas dans les Communes de Linguère et de Joal-Fadjouth.

Les saisines judiciaires n’ont pas été trop de mise dans cette première étape du processus mais nous avons envisagé de les augmenter contre les responsables politiques et administratives que nous jugerons coupables de violation du code électoral. Nous n’avons pas enregistré de recours lors de la phase contentieuse qui s’est ouverte récemment. Nous en attendons toutefois dans la période comprise entre le 1er et le 5 octobre après que les listes provisoires ont été publiées, le 30 septembre prochain. Notre taskforce s’assurera que nos militants et responsables ont disposé un canevas de recours devant le président du Tribunal d’instance et connaissent les délais de recours en cas d’erreur ou de rejet de leur inscription sur les listes électorales. La prochaine phase la plus importante et périlleuse ce sont les investitures sur les listes électorales. Elles se déroulent dans un délai réduit (du 1er au 12 novembre) et comportent des écueils juridiques qui peuvent entraîner le rejet d’une liste de candidatures. Sur ça également, nous travaillons pour que notre personnel électoral et nos potentiels mandataires de listes disposent à temps de l’information pertinente et les outils pour éviter ces écueils».

MOUSSA SARR, PORTE-PAROLE DE LA LD : «Au-delà de l’agitation fébrile d’une certaine opposition… il n’y a pas eu de contestation juridiquement fondée»

«Permettez-moi de rappeler d’abord le but de la révision exceptionnelle des listes électorales. Ce qui est recherché, c’est essentiellement de permettre aux citoyens qui viennent d’avoir l’âge électoral de s’inscrire sur les listes, d’enlever de celles-ci les personnes décédées et celles qui sont déchues de leurs droits civiques, de permettre les changements d’adresse et de statut. Dans ce pays où nous avons une longue tradition électorale, cet exercice est devenu familier. Il se pratique à la veille de chaque année électorale. Cette révision exceptionnelle des listes électorales qui vient de s’achever a connu globalement un franc succès. Au-delà de l’agitation fébrile d’une certaine opposition qui prépare déjà l’opinion à sa propre défaite, il n’y a pas eu de contestation juridiquement fondée. Même le débat sur le transfert d’électeurs par-ci par-là reste à prouver conformément aux dispositions légales.

En effet, tout citoyen qui en éprouve le besoin peut demander un changement d’adresse électorale. Ce qui est exigé c’est la présence physique. Et partout sur le territoire national les citoyens intéressés par cette révision se sont déplacés pour s’inscrire par eux-mêmes. Il est révolu le temps où les responsables politiques inscrivaient leurs potentiels électeurs à leur insu. Au total, cette révision exceptionnelle est globalement satisfaisante. La Ligue Démocratique (Ld) n’a pas déposé de recours. Et je n’ai pas, non plus, connaissance de recours déposé par Benno Bokk Yakaar. Mais là, je ne peux pas être catégorique car n’étant pas un plénipotentiaire de notre Coalition. Dans tous les cas, j’espère que s’il y a recours leurs auteurs ont des raisons valables de les déposer. Dans ce processus électoral, la prochaine étape sera les concertations en vue de constituer les listes électorales. Sur ce sujet, la position de notre parti, la Ld, est sans équivoque. Nous avons demandé à tous nos militants de rechercher au sein de Bennoo Bokk Yakaar le consensus dans la confection des listes. En effet, seules des listes consensuelles pourront mobiliser tout le potentiel de notre coalition et nous permettre une large victoire. J’en appelle donc à l’esprit de responsabilité de tous les partenaires de Benno. Nous devons aller à ces concertations avec suffisamment d’ouverture et de solidarité. C’est le gage d’une victoire massive de Benno».

ABDOU SALAM BASSE CHARGE DES ELECTIONS A BOKK GIS-GIS : «Nous attendons la remontée pour faire la situation globale»

«Jusqu’à la dernière semaine, concernant les rapports journaliers que nous recevons, nous n’avons pas encore reçu de récriminations par rapport à d’éventuels recours et aucun responsable ne nous a signalé des recours à faire. Pour faire la situation globale de cette révision exceptionnelle, nous attendons la remontée, puis qu’elle vient de se terminer aujourd’hui (Ndlr : hier). Pour ce qui est de la coalition annoncée avec le PDS et d’autres partis de l’opposition, c’est en construction. Les différentes structures ne sont pas encore mises en place, donc officiellement, je ne peux pas parler au niveau de cette coalition».

PAR JEAN MICHEL DIATTA