Edito-L’indiscipline routière : la face immergée d’un laxisme dans les transports

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L’actualité récente des accidents de la circulation qui ont coûté la vie à beaucoup parmi nos concitoyens n’est en rien un phénomène nouveau. Presque chaque jour, l’on enregistre sur les routes du Sénégal un ou des accidents d’une rare violence, avec des pertes énormes en vies humaines. Conducteurs et populations s’accusent mutuellement sur les causes de ces multiples chocs, au moment où les autorités compétentes signeraient des deux mains pour solutionner cette véritable énigme. En effet, cette recrudescence des accidents mortels sur les routes et autoroutes nationales dérange au plus haut niveau les autorités étatiques ainsi que les organisations de la Société civile.

L’indiscipline routière sur fond d’irrespect total de la réglementation et de la sacralité de la personne humaine.

« La personne humaine est sacrée. Même l’Etat a l’obligation de la respecter et de la protéger », enseigne-t-on aux étudiants de 1ère année dans le cours de droit des personnes et de leurs biens. En est-il ainsi sur les routes ? Les manquements ne sont-ils pas à chercher du côté des usagers – clients, conducteurs ou simples particuliers – plutôt que d’indexer l’Etat ? Aux heures de pointe, aux environs de 18 heures, c’est la débandade générale ! Après une journée de travail, aux fortunes diverses, tout le monde se précipite pour regagner la maison. L’instant se vit dans la fatigue. Mais ici, les automobilistes ont très souvent du pain sur la planche, car la circulation est dense, très dense à pareille heure. C’est la porte à de très dangereuses manœuvres dans le dédale des routes auxquelles s’adonnent insouciamment les chauffeurs pour se frayer un passage, abstraction faite de tout respect du Code de la route. Parfois coincé dans un embouteillage monstre, rythmé d’un concert de klaxons, aucune règle de conduite n’est respectée et le sens de la priorité n’anime quasiment personne. Entre menaces, insultes, accrochages et accusations mutuelles, tous les moyens sont bons pour s’extirper de ce bouchon. Le tout est ainsi caractérisé : l’indiscipline sur les routes au Sénégal. Aux dires de cette gargotière non loin du pont de la Foire, D.S, ces embouteillages interminables proviennent du non-respect du Code de la route. S’activant dans la préparation du repas de midi avant l’arrivée des clients, la trentenaire s’est empressée de livrer son point de vue à notre reporter qui l’a interrogée sur les accidents de circulation qui se multiplient de jour en jour et les embouteillages. « Il ne faut pas aller chercher loin pour déterminer les causes de ces nombreux accidents. Ils sont essentiellement le fait de conducteurs indisciplinés », a-t-elle asséné.

Usages des passerelles…

Aux abords de la gargote de D.S, notre reporter a recueilli l’avis de D.D, vendeur de fruits.

« Si les accidents sont aussi nombreux, c’est parce que les conducteurs ne respectent pas le Code de la route », décrète-t-il. Quoiqu’il en soit, le constat paraît unanime sur les principaux axes, que ce soit à Dakar ou à l’intérieur du Sénégal. Ainsi, chaque jour que Dieu fait, beaucoup trop d’accidents sont constatés, avec leur lot de morts ou de blessés graves. Selon F.S, cela n’est dû qu’au manque de scrupules des chauffeurs sur la route. « En oscillant entre l’excès de vitesse et l’utilisation du téléphone au volant, les conducteurs sont les racines du mal », affirme notre interlocutrice.

Toutefois, apprentis et conducteurs, ne l’entendant pas de cette oreille, nient ces accusations qui leur sont portées et désignent, à leur tour, les piétons et les passagers comme étant « ceux par qui le malheur arrive toujours ». Au volant d’un car-rapide, M.M, prêt à desservir l’axe Ecole Dior/Sandaga, indexe, « les piétons qui ne respectent pas le Code de passage sur la route ». De son point de vue, en dépit de la campagne de sensibilisation sur l’utilisation des passage-piétons et des passerelles, les gens s’obstinent à traverser, à leurs risques et périls, les autoroutes et routes nationales au Sénégal.

Même son de cloche chez cet apprenti-chauffeur du nom d’I.N, qui confirme, « Cette campagne de sensibilisation autour de l’utilisation des passerelles est même un échec, car on n’a pas vu de changement de comportement chez les piétons », fait-il remarquer. Dans la mesure où la nature a horreur du vide, ces passerelles non-empruntées servent à des vendeurs, qui les ont transformées en des lieux de petit commerce. Tout compte fait, les transporteurs recommandent des sanctions à l’encontre de tout piéton pris en tain de traverser les voies de circulation à grande affluence, dès lors que des passerelles ont été prévues pour la sécurité de tout le monde.

L’absence de sanctions face à l’indiscipline sur les routes : la base des accidents.

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C’est quasiment un secret de polichinelle. La recrudescence des pertes en vies humaines liées aux accidents de la circulation ne cesse d’inquiéter les populations et naturellement les autorités étatiques. De l’avis de cet officier de la Gendarmerie nationale à la retraite, général Mansour Niang, l’absence de sanctions conjuguée à l’indiscipline sur les routes sont assez déplorables. « L’indiscipline est à la base de tous ces accidents, aucune réglementation n’est respectée. La voiture est un outil extrêmement dangereux, extrêmement rapide et lourd. Son utilisation est assujettie à une réglementation très précise, très sérieuse et très stricte qui est le Code de la route. Ici au Sénégal, personne ne respecte le Code de la route », s’est offusqué le général. Ayant une portée largement dissuasive, les sanctions pourraient contribuer à la garantie irréfragable de l’assagissement de nombre d’usagers, qui seraient ainsi contraints de se tenir à carreaux. Abordant les sanctions, le général Niang dira : « il faut voir le nombre d’infractions sur les routes simplement, si elles étaient sanctionnées, il y aurait moins d’accidents. Le Code de la route interdit le dépassement sur les passage-piétons, les motos dépassent sur les passage-piétons et c’est une infraction très grave. C’est réservé exclusivement aux piétons et elles s’y engouffrent à tout moment. Et surtout éviter de dépasser un véhicule qui laisse passer des piétons, ça peut créer des accidents mortels. Et j’ai demandé aux gendarmes et aux policiers s’ils en relèvent, mais personne ne relève ça », s’est désolé le général.

De l’urgence de la prohibition des charrettes, des pousse-pousse et une réglementation de la circulation des motos.

Concernant les motos qui pullulent ces dernières années et qui ont récemment fait l’objet d’interdiction dans les transports par l’autorité compétente, le général Mansour Niang semble avoir vu juste lorsqu’il préconisait le retrait de ces engins pour ensuite aller dans le sens d’une nouvelle réglementation.

« On voit des motos qui empruntent des passerelles, qui font des queues de poisson sur la route, qui dépassent même les feux rouges et personne ne les réprime. Et le charretier, il sort de son village avec sa charrette, il roule, on ne lui demande rien ; alors que nous, on nous exige de faire le Code, la conduite et la visite technique. C’est inconcevable ! Les charretiers, tout comme les pousse-pousse ne doivent être acceptés que dans des espaces fermés comme le port, la gare, les marchés ; ils ne peuvent rouler sur la chaussée, c’est interdit ! Il faut réprimer ! Si on ne réprime pas, les accidents vont continuer. Sensibiliser des gens qui sont indisciplinés, c’est perdre son temps, il faut les sanctionner. A Dakar, on a des lignes continues qui ne servent à rien, les gens marchent dessus. Pédagogiquement, on ne peut pas mettre des lignes continues et accepter que les gens les franchissent. C’est comme le stop, en ville. C’est une aberration », s’est indigné le général Niang.

Pour 16 millions d’habitants, plus de 600 morts par an dans des accidents, cela fait froid dans le dos !

La membre de Laser International, Awa Sarr, recommande comme solution, « le respect du Code de la route. La 2e solution, c’est l’application de toutes les dispositions et les dispositifs réglementaires. Que tout le monde aille changer son permis et tous les autres titres de transport et pouvoir respecter le dispositif du véhicule, qu’il soit en état de rouler, mais également de respecter les dispositions qui font que la route se partage. C’est un devoir de citoyen de respecter les dispositifs mis en place par l’Etat pour la sécurité routière », a-t-elle confié. Et de poursuivre à propos de l’hécatombe sur les routes, en rappelant que « la moyenne sur les trois dernières années est de 550 morts sur les routes. Nous sommes vers 600 morts par année et c’est excessif […] Nous lançons un appel à tous les citoyens pour leur dire que la route n’est pas un espace de violence, mais un espace de partage ». A l’intention des Forces de défense, elle proposera une étroite collaboration avec les populations, afin que la stricte application de la loi sur les routes soit de mise.

 

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