Lettre ouverte au Président de la République Macky Sall (Par Bassirou Diomaye FAYE)

Monsieur le Président,

Le vendredi 26 novembre 2021, mademoiselle Téning Sène, candidate de la coalition BBY, a accueilli à Ndiaganiao, l’ambassadeur d’Israël au Sénégal, son excellence Ben Bourgel. Elle s’est chargée elle-même d’inviter le premier citoyen magistrat de notre commune qui a, à juste titre, boycotté la cérémonie. Je laisserai les sachants apprécier du respect des usages protocolaires minimaux.

La raison de cette visite, pour le moins, intrigante, serait l’unique promesse faite de planter 1.000 arbres. Bien évidemment, tous les esprits lucides, et Dieu sait que notre commune en regorge, sont restés incrédules. Car l’ambassadeur d’Israël ne fait pas 114 km (avec un tronçon de 14 km que vous avez promis de refaire et jusqu’ici nada !) pour ça.

Monsieur l’ambassadeur, dans son discours dira : ” Les manguiers, citronniers, papayers et autres essences qui, dans un avenir que je souhaite proche, couvriront ces terres, contribueront au développement économique local et limiteront l’exode rural, et donc au bien-être’’.

Monsieur le Président,

Cette déclaration est un manque de respect aux 60.000 âmes qui vivent dans cette belle, noble et digne contrée. Ce n’est pas avec 1.000 arbres que Ndiaganiao va se développer. Et ce n’est pas, non plus, cela qui va réduire l’exode rural. Au mois de septembre 2021, avec les jeunes de PASTEF – LES PATRIOTES et d’autres mouvements citoyens de notre commune et du département de Mbour, nous avons procédé à l’ensemencement de 2.600 graines de menthalys, en plus des 250 anacardiers que nous y avions plantés par le passé. Nous n’avons pourtant pas la prétention, par cette noble action, d’avoir réduit l’exode rural.

A Ndiaganiao, les jeunes creusent des puits et font des escaliers pour y descendre avec des arrosoirs et remonter sans cesse. Ainsi arrosent-ils leurs cultures de contre- saison. Nous aurions aimé entendre monsieur l’ambassadeur promettre un transfert de savoir-faire dans le domaine de l’irrigation où excelle son pays. Hélas !

Nous avons donc mené notre petite enquête dont nous vous livrons les résultats pour vous alerter. Mais avant, monsieur le Président, saviez-vous que les paysans spoliés de Ndengler n’ont pas cultivé cette année ? qu’ils n’ont rien récolté ? qu’avez-vous prévu pour les aider à survivre ? Et jusqu’à quand détournerez-vous le regard de ce malheur dont vous êtes le principal responsable ?

Monsieur le Président,

Le 04 décembre 2014, le prédécesseur de S.E. Ben Bourgel, S. E. M Dr Eli Ben TURA, a été accueilli dans l’un des 38 villages de Ndiaganiao, Kothiane, où il aurait promis, lors d’une cérémonie bien rythmée, la construction d’une école, une ambulance et de l’électricité pour le village. Sept (07) longues années après, rien de tout cela n’a été fait.

Mais, avant cette cérémonie, S.E M Dr Eli Ben TURA avait pris le soin de visiter les terres dans cette zone, avec l’adjoint au sous-préfet de Fissel en son temps, sans la présence du maire qui affirme avoir été mis devant le fait de la présence de ces autorités, alors qu’il était en voyage sur Dakar.

Monsieur le Président,

Le cas de Ndengler est une tragédie qui n’a pas encore livré son épilogue. Les populations de Ndiaganiao vivent toujours mal la cruauté avec laquelle cette prédation a été organisée au profit d’un homme sans cœur qui, non content de détenir 150 hectares, continue de se disputer 75 hectares à 40 familles pauvres. Voilà fondamentalement la raison de cette lettre d’alerte. Chat échaudé craint l’eau froide. Lors de la prospection faite dans les champs, l’itinéraire du convoi, de l’avis des paysans qui ont suivi le tracé des pneus, aurait couvert une distance de plus d’1.5 km.

Certains avancent une convoitise sur 5.000 hectares tandis que d’autres parlent de 06 hectares. Mais, une chose est sûre, l’investissement annoncé de 13 milliards n’est pas calibré pour 06 hectares. Voilà pourquoi nous alertons ! Nous vous le disons tout de suite, l’anxiété est au comble à Ndiaganiao. La crainte d’une spoliation par des intérêts étrangers d’un pays dont l’ambassadeur est venu achever le travail déjà entamé par son prédécesseur habite tout le monde. La détresse qui habite les paysans, dans cette zone, depuis qu’ils ont été informés de la visite de S.E M Ben Bourgel (qui a déposé ses lettres de créances, seulement le 08 février 2021), est réelle.

Monsieur le Président,

Ce sur quoi nous voulons anticiper, c’est une mise devant le fait accompli. C’est révéler un secret de polichinelle que de dire que le vieux Galgor Dione, chef de village de Ndengler, n’a jamais été informé du décret signé de votre main, immatriculant les terres de son village au profit d’un prédateur foncier. Si vous lui demandiez ce qu’est une enquête de commodo in commodo qui était censée lui permettre d’affirmer son désaccord fièrement prononcé, même devant 2 pauvres millions dégainés par un milliardaire pour qui l’argent règle tout, il répondrait très certainement « je ne sais pas ce dont vous parlez ». Parce que tout se fait en catimini en la matière.

Alors qu’il soit entendu hic & nunc, afin que nul n’en ignore, que les paysans des villages de kothiane, Ndiandiaye, Sanghaye, Sousssoung et Titine, à qui appartiennent ces terres, ne sont d’accord pour aucun projet qui leur tomberait sur la tête.

Je sais NE PAS pouvoir vous faire confiance, devant une convoitise d’une ressource nationale par un étranger. Mais, je vous aurais quand même alerté.

Avec mes sentiments patriotiques, je vous prie de croire, en mon profond attachement au combat contre l’injustice.

* Citoyen de la commune de Ndiaganiao
Candidat de YEWWI ASKAN WI pour les locales 2022