Le Sénégal a l’épreuve des élections de 2022 : quels enjeux pour la fiscalité locale ?

La réflexion  sur la  fiscalité  ne peut  s’empêcher  aujourd’hui  d’évoquer  la  fiscalité des collectivités  locales.  Cette assertion  se fonde au moins sur deux faits :

  • les  impôts  les  plus controversés appartiennent à la  famille  de la  fiscalité  locale, il s’agit de la patente  pour les entreprises  et des contributions foncières pour  le ménages; d’importants  moyens  financiers  et techniques  ont été mis en œuvre  pour rendre plus  performante  la  fiscalité  locale  à  travers  le volet cadastre  fiscal  du  projet urbain  :
  • la régionalisation, troisième  phase  de la politique de décentralisation, entre  en vigueur  avec notamment  la  superposition territoriale   de plusieurs   collectivités décentralisées  (la  commune   et  les  communautés  rurale  sont  dans   le  ressort d’une  région).

On peut résumer la situation de la fiscalité  locale  en  distinguant  d’abord  ses principales  forces et faiblesses.
Les principales forces :
•         Une fiscalité basée sur la taxation des valeurs foncières locatives et des valeurs vénales est déjà opérationnelle ;
•         Les recettes fiscales locales représentent près de 50% des recettes totales des collectivités locales ;
•         Les recettes fiscales locales couvrent environ les deux tiers des dépenses de fonctionnement ;
•         Les recettes non fiscales sont bien maîtrisées par les collectivités locales et en croissance ;
•         Des contribuables se disent prêts à payer plus sur les services sont de meilleure qualité.
•         Des    relations    Etat- collectivités    locales    relativement   bien    rodées permettant, par l’unicité de caisse, de répondre aux  besoins  financiers d’un grand nombre de collectivités    locales  ;
•         Les recettes Perception Municipale   (RPM)  en opération  dans  certaines localités ont permis d’améliorer le recouvrement.
Les principales faiblesses :
•         Des difficultés importantes existent au niveau de l’établissement d’un recensement annuel complet des contribuables ;
•   Un faible taux de recouvrement ;
•         Des critiques sévères   sont émises   sur la qualité   des services   locaux offerts, comme l’enlèvement des ordures ménagères ;
•         L’absence d’application effective de sanctions contre des contribuables qui peuvent mais refusent de payer ;
•         Une faible capacité de payer face de nombreuses taxes forfaitaires inévitables et souvent sans lien avec le bénéfice reçu ;
•         Une perception négative   de la   gestion   des finances locales, ce qui n’encourage pas   une   adhésion   spontanée   au   paiement    des   impôts locaux ;
•         Des processus de recrutement manquant de transparence et conduisant à une fonction publique locale qui pourrait, dans l’ensemble, être mieux qualifiée ;
•         Un partenariat difficile avec le secteur privé qui dénonce fréquemment les lenteurs des collectivités    locales à payer leurs comptes ;
•   Des taux d’imposition relativement élevés expliqués par :
•  un faible nombre   de contribuables réels par rapport au nombre   de contribuables potentiels ;
•  une assiette des valeurs locatives et vénales nettement   sous-évaluée par rapport au marché.
A ce propos, les contributions foncières, comme la patente, méritent une réflexion.
A- Les contributions Foncières
Trois   contributions   foncières, perçues   au   Sénégal, sont   levées   au   profit   des collectivités    locales :

  1. La contribution foncière des propriétés bâties (CFPB) :      elle est due sur les propriétés bâties telles que les maisons, fabriques, manufactures, usines et en général tous les immeubles construits en maçonnerie, fer et bois fixés au sol à demeure.   Sont également soumis à cette contribution les terrains non cultivés employés à un usage commercial ou industriel et l’outillage des établissements industriels   attaché    au   fonds   à perpétuelle   demeure   ou   reposant sur   des fondations    spéciales    faisant   corps     avec    l’immeuble, ainsi     que    toutes installations commerciales ou industrielles assimilées à des constructions.
  2. La contribution foncière des propriétés non bâties :     elle est due à raison des terrains immatriculées et des terrains où sont édifiées des constructions non adhérentes au sol, situées dans le périmètre des communes, des groupements d’urbanisme, des centre   lotis, etc.  Les terrains en cours de construction sont également imposables si l’achèvement des travaux n’intervient pas la troisième année suivant celle du début  des travaux ;
  3. La surtaxe   sur les terrains   non bâtis ou insuffisamment bâtis :  elle  est perçue  dans  la communauté urbaine  de Dakar et dans  les  communes  chefs-lieux de région.  Est considéré comme terrain insuffisamment bâti, celui  pour  lequel la valeur vénale  des  constructions qui  y  sont  édifiées   est  inférieure  à  sa  propre valeur  vénale.   Les  règles  d’assiette de  ces  trois  contributions font l’objet d’un débat    actuel.   Principalement    axées    sur    la   CFPB,    les   critiques   portent essentiellement sur le champ  d’application, la base et le taux.

a)  Le champ d’application
Les   exemptions   permanentes   et   temporaires   ont   été   identifiées   comme    des «facteurs  de  non  intégrité  de  l’assiette fiscale ».[[1]]url:#_ftn1    Pour  l’essentiel,   les  objectifs poursuivis dans ce cadre  sont :

  • la  relance et  la  délocalisation  de  l’activité  économique par  l’octroi  de  régimes de faveur;
  • l’incitation on à l’investissement industriel ;
  • la promotion  de l’habitat social ;
  • la création d’emplois.

Les  exemptions  temporaires  sont  constituées  par  des  exonérations à  la  CFPB   de dix ans pour  les  immeubles  à usage  d’habitation  et de cinq  ans pour  les  immeubles à usage  autre  que d’habitation,  ou de seize  ans lorsque ces derniers sont  situés hors de Dakar.
Sans remettre en cause  le principe même  de l’exonération,  il nous  semble opportun d’en  réviser la  durée  en  combinant une  telle  mesure   avec   l’utilisation  des  autres possibilités  d’incitation  offertes  par  la  législation  de  droit  commun .
Toutes  ces  constations ne  sont  pas spécifiques  à la  législation  sénégalaise.  Gérard CHAMBAS,  analysant  globalement  le  problème des  contributions  foncières  fait remarquer que « la quasi-exemption fiscale de fait des actifs immobiliers résulte  en partie    de   certaines    mesures    d’exonérations.    Dans   de   nombreux    pays,    les propriétaires  occupants  sont  exonérés   d’impôt foncier:  cette  disposition  légale réduit  d’autant plus  le champ  d’application  de 1 ‘impôt qu’une acception extensive de  la  notion de propriétaire  occupant  prévaut.  Dans  un pays  sahélien,  seul  un impôt  sur  les  revenus  fonciers   est  prévu   tandis  que  dans  un  autre  pays   où  les estimations  de  valeur  ne sont pas  contrôlées,  les  immeubles  d’une  valeur  vénale inférieure   à une  limite  réglementaire  sont  exonérés.[[2]]url:#_ftn2    La  complexité des  textes concernant la fiscalité foncière,  le caractère excessif de certains  taux d’imposition théoriques  expliquent en partie  la désuétude de ces impôts».
Le cas de la Côte  d’Ivoire mérite à ce propos une attention particulière :    les taxes  et redevances grevant les actifs  fonciers sont  la contribution foncière des  propriétés bâties,  la  contribution  nationale,  les taxes  sur  les  revenus  nets  des propriétés bâties, le  FNIB  ( supprimé  en  1991 ), la  contribution  foncière  des  propriétés  non  bâties,  la taxe  sur  la  valeur   vénale   des   propriétés  non  bâties,   la  surtaxe   foncière   sur  les propriétés insuffisamment bâties, la taxe  des  biens  de main-morte, les taxes  pour services rendus  (taxe  d’assainissement, taxe  de voirie  et d’hygiène), l’impôt sur les mutations  de jouissance et  enfin  l’impôt général   sur  le  revenu   foncier.  Au  total, onze  catégories d’impôt d’un rendement marginal sont donc  distinguées !
b) La  base  imposable.
Les  problèmes  soulevés  par  la  base  sont  relatifs  aux  abattements  et  à  la  valeur locative.

  •   Les abattements.

L’impôt  est calculé sur le  revenu net des  immeubles ;   celui-ci  étant à une  fraction de la valeur locative.  La déduction sur la valeur  locative  de 40 % pour  les  maisons ou   de   50   %   pour    les   usines,    permet    de   tenir    compte    du   dépérissement (amortissement),  des  frais d’entretien et de réparation.
En  réalité,  les  abattements  de   40  %  et  50  %  constituent  des   survivances  de l’ancienne  CFPB   qui  était  un   impôt  d’Etat  représentatif  à   la  fois  d’un  impôt indiciaire  (basé   sur  un  indice  de  richesse  tel  que  la  propriété  foncière)  et  d’un impôt  sur   le   revenu.    A   cette  époque,    les   abattements  avaient  pour   objet   la constatation des  frais  d’entretien et des amortissements en vue  de la  détermination du revenu  net imposable.
Or,  depuis   la réforme de  1980  qui  a  institué  l’impôt  sur  les  revenus   fonciers,  la CFPB  a cessé  d’avoir  le  caractère  d’impôt  sur  le  revenu.  Dès  lors,  rien  ne justifie les  abattements  ayant   pour   objet  la  dépréciation  ou  les  frais  d’entretien,  toutes choses   désormais  prises   en   compte   pour   la  détermination   du   revenu    foncier imposable à l’impôt sur le  revenu.
Au surplus, la proposition de  remplacer la valeur  locative par  la valeur  marchande induit   la   suppression   de   ces  abattements.  En  effet,   l’évaluation   de   la   valeur marchande utilise  déjà  un coefficient  de vétusté qui  ferait  double   imposition  avec les abattements.

  •  La valeur  locative

L’impôt est assis sur la valeur locative sur laquelle est appliquée au préalable, l’abattement.  L’article 222 du CGI définit la valeur  locative comme  le« prix  que le propriétaire retire de ses  immeubles lorsqu’il  les donne  à bail ou,  s’il  les occupe lui-même,  celui qu’il pourrait en tirer en cas de location  ».
Le  même   article   précise par  ailleurs   que  « la  valeur  locative  est déterminée  au moyen  de baux authentiques ou de locations  verbales passées dans  les conditions normales.   En    l’absence   d’actes   de   l’espèce,    l’évaluation   est   établie   par comparaison avec des locaux dont le loyer aura été régulièrement constaté ou sera notoirement connu ou déterminé par  la méthode cadastrale.
Si aucun  de ces procédés ne peut  être  appliqué,  la valeur  locative  est  déterminée par  voie d’appréciation directe  :  évaluation  de la valeur  vénale,  détermination du taux d’intérêt des placements  immobiliers dans  la région  considérée  pour chaque nature de propriété,  application du taux d’intérêt à la valeur  vénale.
La valeur  locative  des terrains  à usage  industriel et commercial est déterminée par le loyer payé  pour  l’occupation du terrain  augmenté  de la valeur  locative  du sol obtenue par  la méthode  d’appréciation directe  ».
L ‘application  de  ces  méthodes sur  le  terrain   est  fortement  décriée,   souvent jugée arbitraire et constitue  finalement une source  d’un contentieux volumineux.

  •  Le taux

Toutes ces  complexités  d’assiette  font  certainement penser   à  Jacqueline  FERRIE que finalement,  la CFPB  est un impôt sur les revenus  fonciers.
Reproduisons en effet, un passage  de son ouvrage précité :
« Nous   faisons   remarquer  que  par   ailleurs,   la  contribution  foncière  sur   les propriétés bâties  se situe à la limite  des principes généraux du droit puisque nous constatons :
a)  une double imposition du revenu foncier dans  le cas où la contribution foncière sur les propriétés bâties  concerne un immeuble donné  en location:

  • une première fois  sous  le terme  « revenu  net » au taux  de  15  % (le  revenu  net étant égal  selon  les cas  à 60  % ou 50  % de la valeur  locative,  ceci  équivaut à une imposition du revenu  net foncier ou bénéfice  brut foncier);
  • une deuxième fois sous  le terme I.R.P.P.  :

•  à un droit proportionnel de 20  % qui en réalité  est de  17  % puisque les 15  % de la contribution foncière sont déduits de la base  de l ‘JRPP,  car 20% de (100-15) =  17% ;
• majoré d’un droit progressif allant de  18  % à 50  %.  Soit  en  toute une imposition des revenus nets fonciers allant,  selon  les cas  de 32  % à 47 ;
• 9 %,  voire 65 % contre  74,5  % en 1998  (institution  d’un  butoir de 50 % en matière d’JRPP).
b)  une  imposition  de revenus fictifs  dans  le cas  où  l’immeuble  imposé  est occupé par  le propriétaire,  ce qui équivaut:

  • non  seulement  à  une  imposition   du  capital   immobilier  ne  générant pas  de revenu
  • mais encore  à l’inégalité fiscale  (possibilités d’évaluation variables,  d’abus,  de  désabus,   etc.   Le tout généré par   le texte même, prévoyant une   évaluation fictive d’un revenu qui n’existe pas) ».

Il est vrai que le terme « revenu net » qui est une survivance   de la législation antérieure à 1980, n’est plus approprié. En réalité depuis-cette  réforme,  il  ne s’agit plus  d’un  revenu  foncier  mais  tout  simplement  d’une  valeur  exprimant  la  base taxable.  Il  serait  donc  souhaitable  de lui  substituer  un concept  qui rendrait  compte plus  clairement  de  cette  base   exprimée   en  valeur   monétaire;  en  l’absence  de l’existence ou de la référence à un quelconque revenu.
Cela étant, sans trop jouer  sur les mots,  il  est vrai que la situation  des propriétaires ayant  des  revenus  fonciers  (c’est à  dire  ayant  mis en  location leurs propriétés   et donc à ce titre sont assujettis  à l’impôt sur le revenu)  au regard des règles  actuelles de détermination de la CFPB apparaît  comme  quelque  peu dérangeant.  Le concept « revenu net» manipulé  dans les deux impôts (l’impôt sur le revenu  et la CFPB)  en théorie  comme  en pratique,  ne milite  pas en faveur  d’une  équité fiscale,  même  si par ailleurs,  depuis  1980, en matière  de contribution  foncière, c’est moins le revenu que la possession  elle-même qui est taxé …
Dans  le contexte   plus   général    des   pays   d’Afrique    sub-saharienne,    selon CHAMBAS, « le faible produit de  la fiscalité foncière  apparait préjudiciable  au développement  économique et  à l’équité.  Compte tenu  de  l’ampleur de  l’assiette fiscale  constituée par   la  valeur  des  actifs   immobiliers  et  de  l’importance  des revenus fonciers,  il serait possible d’organiser  un système d’imposition  créant peu de  distorsions  économiques  tout  en  mobilisant  des  ressources  substantielles.  A défaut de   mobiliser de   tels prélèvements, les pays   africains sont conduits à prélever  des   impôts   (douaniers   notamment)   exerçant  des   effets   économiques néfastes  ».
2 – La contribution des patentes  et ses effets pénalisant sur l’investissement
Perçue  au  profit  des  collectivités  locales,  la  contribution  des patentes  est due  par toute personne  qui  exerce  au  Sénégal  un commerce,  une industrie  ou une activité non  exonérée.   Elle  comprend   un  droit fixe  ( déterminé  par  une   professions)  et  un  droit  proportionnel  assis   sur  la  valeur   locative  des  bureaux, magasins,   usines,    hangars,   installations   fixes,   terrains … ,     majorés   d’une   taxe complémentaire   assise    sur   le   montant  de   la  patente  ainsi   déterminé.   Il   est également prévu une patente  forfaitaire pour  certaines catégories de contribuables.
Deux  griefs principaux sont retenus  aujourd’hui à l’encontre de la patente :
Son   caractère  anti-économique,  parce   que  grevant  les  coûts   de  facteurs  de production des entreprises ;
une  exagération  des  valeurs locatives  retenues pour  le  calcul  de  la  patente   due par  les  établissements industriels.  Il  est  reproché à  l’administration  fiscale  de privilégier  la  méthode de  l’appréciation  directe  (un  taux  d’intérêt  déterminé à partir  des  placements immobiliers  de  la  région  est  appliqué à la  valeur  vénale du terrain ;   la valeur  ainsi  obtenue vient  majorer le loyer payé  pour  l’occupation du terrain  à usage  industriel et commercial).
En France,   la  taxe  professionnelle  a succédé  ,  en  1976,  à la  patente dans  l’arsenal fiscal  des  collectivités locales. Lisons  ce que  Didier  MAILLARD écrit après  avoir qualifié la taxe professionnelle d’impôt sur les  facteurs de production :
«La   taxe  professionnelle   est  sans   doute   l’un   des   impôts  faisant   l’objet   des critiques les plus vives  et les plus permanentes …
Le passage  de  la patente à  la  taxe  professionnelle  a  entraîné  des  transferts  de charges importantes  entre les entreprises et entre  les secteurs  d’activités.  L’image de  la  taxe  professionnelle a  sans  doute  été  durablement affectée à cause  de  ses débuts    difficiles.   Pour   répondre  aux   difficultés  les  plus  criantes  liées   à  la transformation  de  la patente  en  taxe  professionnelle,   l’Etat  a  dû  par   ailleurs mettre en place des mécanismes d’étalement, d’abattement et de plafonnement, engrenages  générateurs  d’effets  pervers  dont  il  n’a  pas pu  se  sortir   vingt  ans après.
Au  total,  la  création de  la  taxe professionnelle est  consensuellement considérée comme  un traumatisme qui  a sans  doute  contribué  par  la suite  à comprimer les velléités  de  réforme fiscale dans  d’autres  domaines  et à faire perdre  à la France une décennie  ou deux  dans  l’application  d’un  système fiscal plus  simple  et moins distordant ».[[3]]url:#_ftn3
Une autre  critique  qui lui est adressée  est que les taux  sont éminemment variables d’une  commune  à une  autre.  Est-il  convenable  que  le  système  sénégalais  évolue vers  la variabilité ? Une telle  perspective n’est peut-être pas à écarter  lorsque l’on considère  les processus de décentralisation  aujourd’hui très  avancé.  Pour  l’instant, il  reste  que  les  collectivités locales  pour  lesquelles  la  patente  est perçue  n’ont pas les moyens  humains,   matériels   et techniques   nécessaires   à la gestion  d’une telle compétence.    Retenons     toujours    en   perspective     cette    réflexion     de    Didier MAILLARD:  « Au  total,  si la présence d’un  impôt sur les facteurs de production, telle que  l’est en principe la taxe professionnelle,  dans un arsenal fiscal moderne, est  sujet  à  débat,   la  taxation  qu’elle  pratique  des  équipements  et  des  actifs industriels est certainement excessive  et la variabilité  locale trop grande ».
3.   Quelle réforme pour la fiscalité  locale ?
La réforme de  la fiscalité locale a constitué,   après   celle   de   la   TVA,   le   deuxième  chantier  le   plus important auquel  les pouvoirs publics  ont dû faire face.
La problématique financière des collectivités locales est liée au processus de décentralisation  aujourd’hui  très   avancée   au  Sénégal.   Ce  mouvement  a  donné naissance   à   de   nombreuses  nouvelles  collectivités   locales   qui   n’ont   pas   les ressources nécessaires à l’accomplissement de leurs missions.
Ainsi,  la  fiscalité  locale reste  le levier prioritaire pour financer ces missions.
Aussi,  une  étude sur  la fiscalité locale a été menée  pour  répondre rapidement à ce besoin.
–  Philosophie générale de la réforme
1 °  La démarche
Le  Gouvernement  avait  entrepris  une  Etude   sur  la  fiscalité  locale  réalisée  par  des experts   sénégalais  avec   l’appui  d’experts  canadiens.   L’Etude  dresse   en  quatre modules  un  bilan   quantitatif et  qualitatif  de  l’état  et  du  fonctionnement  de  la fiscalité et des  finances  locales:

  • Les  finances des collectivités  locales ;
  • La fiscalité  locale et son rendement;
  • Les  relations financières  Etat-Collectivités  locales ;
  • La fiscalité  locale du point  de vue du contribuable.

Cet  examen en  profondeur et  sans  complaisance de  la réalité a  fait l’objet d’une synthèse technique et d’une  synthèse  de grande  diffusion,  qui ont  servi  à alimenter la discussion lors d’une consultation publique.
Dans  le cadre  d’une vaste campagne de communication, du 3  au  16 mars  1999, le Comité de pilotage a tenu  des consultations pour  valider  ces constats et associer les populations à sa réflexion. Il a organisé des tables  de concertation à Dakar,  Joal  et Kaolack à l’occasion  desquelles il a recueilli des avis,   répondu aux  interrogations et recueilli des pistes de réforme.
Ces  consultations  ont   réuni   des  ONG,  des  présidents  de  Conseils  ruraux,   des maires des villes  de l’intérieur et des présidents de région,  des professionnels de la fiscalité  locale,  des  maires   de  la  Région   de  Dakar,   des  représentants  du  secteur privé, des  membres de la Commission des Finances de l’Assemblée Nationale, des mouvements associatifs et communautaires et des groupements de femmes.
Le Comité a en outre  bénéficié d’un  dialogue constructif avec  l’Administration et de   l’éclairage   d’experts  sénégalais   et   canadiens  pour   élaborer  une   politique intégrée de financement des collectivités  locales.
2°  Les buts  et principes  de  la  réforme
Les propositions de réformes ont  cherché à  atteindre plusieurs objectifs :    accroître la capacité de financer les services, renforcer la gouvernance locale, protéger la compétitivité  •des  entreprises  du  secteur  moderne   et favoriser  r acceptation  par  les populations.  Cette   réforme   vise  aussi  le  respect  des  principes  d’équité,  de  vérité des prix  et d’équivalence fiscale. La réforme doit avant  tout fortifier les finances  des collectivités décentralisées afin qu’elles puissent livrer les services demandés par  la population.  Ensuite, elle  doit donner  vie à  la  décentralisation  par un renforcement  de  la  gouvernance locale.  En effet,  le  citoyen  doit   pouvoir  établir  un  lien  entre  le  paiement  de  l’impôt  et  la fourniture  de services  locaux  grâce  à une  plus  grande  transparence  dans  la  gestion des  affaires  locales.
La  réforme  doit   également  améliorer  la  compétitivité  des entreprises du secteur moderne qui sont  plus taxées  que celles  du secteur informel. Enfin,  la réforme sélectionne des  impôts locaux distincts  des  impôts étatiques afin qu’ils  soient mieux  acceptés par  les populations
Un  Etat moderne assume  trois  principales fonctions dans  le développement d’une économie   de   marché :        une   fonction   de   stabilisation   macro-économique,   une fonction de  redistribution de  la richesse et une  fonction d’allocation des  services publics.  On   considère  généralement  que   les   fonctions   de   stabilisation   et   de redistribution  sont   du  ressort   du  gouvernement  central.   Par  contre,   la  fonction d’allocation est habituellement assumée plus  efficacement par  les autorités locales, parce  que plus  proches du consommateur des services.
Pour    accomplir   leur   mission   d’allocation,   les   collectivités   locales   doivent privilégier un  mode  de  financement basé  sur le principe  de  l’équité  fiscale  de  la taxation selon  le bénéfice reçu,  plutôt  que de la taxation selon  la  capacité  de payer. En  effet,  il  n’est  pas  souhaitable  pour les  municipalités  de  faire directement  ou indirectement de la redistribution de richesses, une  fonction mieux  assumée par  le gouvernement central,  qui rejoint  les plus  pauvres et les plus  riches  sur l’ensemble du  territoire  national.  La taxation  selon  le  bénéfice   reçu  cherche   plutôt,  quant   à elle, la correspondance la plus directe possible entre les bénéfices reçus  de la consommation  d’un  service  local  et les taxes  perçues.
La  transparence  est  fondamentale  pour   les  services   qui  seront   financés  par  une tarification  directe à  l’usager.  Elle  signifie   que  les  contribuables  doivent pouvoir connaître  le  coût  de  revient d’un  service  pour  être en  mesure  d’apprécier  la  juste part  qu’il  paient pour  ce service.  Si le  prix  chargé  par la collectivité locale  est sans rapport avec  coût,  la  critique  sera  facile  et  les  contribuables  perdront  confiance dans  le  système  fiscal,  avec  toutes  les conséquences prévisibles.
3°  Les choix stratégiques
Il  est  proposé  une  démarche  intégrée  et  graduelle  dans  le  temps   et  l’espace  le succès   de   la  réforme  exige   de  nombreux  changements   formant  un   ensemble logique.
Compte tenu  de l’ampleur des changements proposés et des ressources disponibles, il  est  suggéré  de  procéder  à  une  implantation  graduelle.  D’une  part,   certaines étapes  sont  plus  urgentes  que  d’autres  ou  les  précédent  dans  le  fonctionnement logique  de  la  chaîne   fiscale.   D’autre  part,   le  déploiement  de  la  réforme  sur  le territoire ne  peut  pas  être uniforme,  ni  simultané.  Certaines  communes possèdent des  structures  (Recettes-Perceptions  municipales)  et  des  ressources  que  d’autre n’ont  pas.   En   outre,   il  faut  tenir  compte   des  régimes   juridiques  distincts   qui s’appliquent à la propriété du sol dans  les communes et les  communautés rurales.
La réforme proposée s’articule en cinq volets :

  • Premièrement,  il  faut  restaurer  l’intégrité  de  l’assiette  sans  accroître le  fardeau de  ceux  qui  déjà paient toutes   leurs  taxes.  L’étude  a démontré qu’une  grande partie  de  l’assiette échappe à l’imposition.  En taxant  un  plus  grand  nombre  de propriétés.  il  deviendra possible   de  taxer  moins   lourdement  les  contribuables actuels,    sans   pour  autant   réduire  les  revenus   des  collectivités.  Pour  élargir l’assiette,   il   est   proposé    de   supprimer   les   abattements   et   les   exemptions permanentes  et  de  gérer   les  dégrèvements  de  manière  transparente. L’élargissement de l’assiette  permettra de réduire  le taux d’imposition.

 

  • Deuxièmement,  il  faut  simplifier  le  système  de  taxation  locale  en  faisant  de l’impôt  foncier  sa pierre  angulaire.  On éliminera  un nombre  important  de taxes qui   rapportent   peu   et   qui   sont   complexes   à   administrer.   Cependant,   on conservera   les   taxes   qui.   à   la   manière  d’un   tarif,   peuvent  être  directement associées  à un bénéfice  reçu par les  populations.

 

  • Troisièmement,   il  faut  graduellement  instaurer  un   cadastre.  Cet   inventaire détaillé  de  la  propriété  foncière est l’instrument  idéal   pour   établir  l’assiette fiscale.   Moins   détaillé,   le  registre   foncier  urbain   apparaît  comme   une  étape intermédiaire utile pour  certaines  collectivités locales.

 

  • Quatrièmement,   il   est  opportun  de  décentraliser  la  chaîne   fiscale.   Certaines communes   sont   capables   d’assumer   l’essentiel   des   fonctions,    comme    le démontrer expérience des Recettes-Perceptions municipales. Toutefois,  lorsque les  ressources sont  insuffisantes,  les  collectivités locales  peuvent se donner  des services  communs  au  niveau   du  département.  La  formule  proposée  comporte des  éléments  d’une  déconcentration accrue  de l’administration  centrale dans  les départements   et   des   éléments   de   décentralisation,   où   les   fonctions   sont assumées  par   les   collectivités   elles-mêmes   ou   par   des   organismes  qui   en émanent.

 

  • Cinquièmement,  il   est  proposé   d’opérer  au  bénéfice  des  collectivités   moins riches  un régime  de péréquation horizontale financé  par les  collectivités  les plus riches.   Il   est  aussi   proposé   une  péréquation  verticale  financée  par   l’Etat   à travers   des  dotations  budgétaires.  En outre,  il  est proposé que  l’Etat  compense les   collectivités   locales   pour   le   paiement   de  la  Taxe   sur   la   valeur   ajoutée (TVA),  les  exonérations  et  les  exemptions.  Les  deux   modes   de  péréquation réduiront  la  disparité  des  revenus  et les  collectivités  locales  seront  compensées pour  les  pertes de revenus  qu’entraînent certaines politiques gouvernementales.

Les  développements  suivants   présentent   une  synthèse  critique  des  propositions finales,  autour  des trois  grands  points  :      la décentralisation de la  chaîne  fiscale,  le remplacement  de  la  valeur  vénale  par  la  valeur  locative,  l’intégrité  de  l’assiette fiscale.
B –  Faut-il décentraliser la  chaine fiscale ?
La  décentralisation  de  la  chaîne   fiscale   signifie  un  transfert  de  l’assiette,  de  la liquidation  et  du  recouvrement  des  impôts  locaux  aux  collectivités  locales.  En effet,  aujourd’hui  ces  opérations sont  réalisées par  l’Administration  de  l’Etat  au profit      des     collectivités     locales.     Actuellement,     les     collectivités    locales n’interviennent  que  pour  le  recouvrement,  notamment par  le  biais  des  Recettes- Perceptions  Municipales.
Une  enquête a été diligentée pour  conduire les tâches  suivantes :

  • l’identification des contribuables ;
  • l’évaluation de l’assiette; l’émission de l’impôt ;
  • le recouvrement de l’impôt.

L’enquête devait, entre  autres, déterminer les contraintes liées à l’exécution de ces différentes     tâches     ainsi    que     les    mesures     d’accompagnement    nécessaires. 1ER  approche    stratégique    retenue    était    de   constituer   deux    échantillons : l’un représentatif des  communes,  l’autre  des  communautés  rurales,   mais   privilégiant toutes  deux   les  collectivités  locales  les  plus  à  même  de  réussir  une  expérience pilote de décentralisation  de la  chaîne  fiscale.
L’échantillon   des   collectivités   locales,   initialement   retenu,    a   été   entièrement respecté.    En  complément  de  cet  échantillon,  les  quatre   villes   de   Dakar   et   la commune  de  Bargny   ont été  enquêtées en vue  d’apprécier  leur  capacité  à  prendre en  charge   la  décentralisation  de  la  chaîne  fiscale  au  cas  où  les  moyens  humains, matériels  et  financiers  des  communes  d’arrondissement  ne  le  permettraient  pas  à ces  dernières.  Cette  enquête  s’est  déroulée dans  la  période  du  17  février au 9 mars 1999.
Le   projet  de   décentralisation  de   la  chaîne  fiscale  soulève  plusieurs  problèmes d’ordre  juridique,   administratif  et  financier.   D’un   point  de  vue   juridique   et administratif,  la  décentralisation  de  la  chaîne  fiscale pose  surtout  la  question  du niveau de  décentralisation qu’il  convient de  retenir, en  définitive.
Un  deuxième problème  consiste dans les  modalités de  la  décentralisation sera-t-elle totale et uniforme  dès  le départ ou  faut-il procéder par étapes ?
1 °  Le niveau  de décentralisation
A  priori   lorsqu’on  évoque  l’idée  de  décentraliser   la  chaîne   fiscale,   on   devrait penser à rendre  autonome  chaque  collectivité  pour la  gestion  de  ses  ressources fiscales,  en  conformité  avec l’objectif de  décentralisation.  Cependant, compte  tenu de  la situation financière de certaines collectivités, il faut examiner la possibilité de choisir un  autre niveau de décentralisation  qui  soit  compatible  avec l’objectif visé.
L’idée  de  base consiste  à  se demander  si  la  décentralisation  de la  chaîne  fiscale doit suivre  la  décentralisation  administrative  et induire  la  création,  au  niveau  de chaque  collectivité  locale,  d’une  structure  de   gestion  des   finances  locales.   Au regard  des   objectifs   politiques   de   décentralisation.  Cette   solution   semble   être  la seule  acceptable.  Toutefois,  au  regard  des  critères  financiers de l’appréciation  de  la faisabilité,  il  n’est  pas  évident d’accepter  une  décentralisation  de la  chaîne  fiscale qui accroît le  déficit  ou  crée un  besoin de financement  de  la  collectivité  locale.
Ainsi, à  chaque  fois qu’une  décentralisation achevée  (au  niveau de  la  collectivité locale)      ne     sera      pas     possible     financièrement   il  faudrait   recourir   a I’ intercommunalité  pour procéder à la décentralisation  de la  chaîne  fiscale.
Dans   ce  dernier  cas,   il  paraît judicieux  d’explorer  l’idée  d’un  regroupement  de collectivités  locales, en  vue   de  la  gestion  commune  de  leurs  fiscalités.  Si  cette hypothèse  est  retenue, il  conviendra de déterminer le  niveau  de  regroupement.
Le   consultant  fait  remarquer  que   « le  choix   d’un  niveau   de  décentralisation prédéterminé,  bien  qu’il semble  relever  d’une  approche   dirigiste contraire  à la décentralisation, procède d’une logique de péréquation horizontale au sein  d’une circonscription administrative donnée.  En  ce sens,  il participe à la logique  d’une politique d’aménagement du territoire, au moyen d’une mise en commun  des potentialités financières   des   collectivités    d’une  circonscription  administrative donnée, en vue d’optimaliser la gestion d’un service  d’intérêt commun  ».
Avec  la liberté d’association, les collectivités locales les plus  pauvres pourraient se retrouver dans   l’incapacité  de  prendre en  charge  la  décentralisation  de  la  chaîne fiscale.
Pour éviter cette situation,  il  convient de  fixer un  niveau de  décentralisation  pour toutes les  collectivités  locales  actuellement  incapables  de prendre individuellement en charge la décentralisation  de  la chaîne.
Dans   cette perspective, examinons les différents niveaux de  décentralisation de  la chaîne  fiscale  possibles, à savoir :

  • Le niveau régional ;
  • Le niveau départemental ;
  • Le  niveau  arrondissement ;
  • Le  niveau  collectivité  locale.

a)  Le niveau  régional
La région,   dans  le cadre  du  schéma de  décentralisation sénégalais,  semble être  le niveau  de  mise  en  cohérence des politiques de développement à  travers    » l’Agence Régionale   de  Développement.   Dès  lors,  il   est  tentant  d’y   rattacher  un  service d’intérêt  commun  aux  collectivités  locales  de  la  région.  En  outre, il  ne  devrait  pas y avoir beaucoup de difficultés  à prendre en charge les  coûts de  décentralisation  de la chaîne à ce niveau compte tenu  de la synergie  qui pourrait s’y développer.
Mais  selon    le   consultant,  « toutefois,   ce  choix   ne   comporterait  pas  que   des avantages.  En  effet,  il faut  éviter,  dans  le cadre  de la décentralisation,  toute  idée pouvant faire  croire  que  la  région   est  une  collectivité  mère   des  communes  et communautés  rurales,  d’autant plus  que  ces  dernières  sont géographiquement dans  son  territoire.  Au surplus,  la région participe d’une nature juridique hybride, étant une  collectivité locale  mais  aussi une circonscription administrative déconcentrée.  Ce qui n’est pas le cas de                         l’arrondissement et du département.
Au-delà de  l’autonomie financière  des  collectivités locales,  la décentralisation de la  chaîne fiscale participe d’une réforme fiscale dans  laquelle le  rapprochement du  gestionnaire  de  l’impôt,  de  la  matière imposable  et des  contribuables  est  un objectif.  De  ce  point de  vue,   le  niveau   régional  est éloigné  des  campagnes  où l ‘amélioration  de  la gestion  de  la fiscalité  est  très  souhaitée. Du  reste,  dans  la situation actuelle  tant  décriée dans  le  diagnostic  et les  consultations publiques, l’assiette  des  impôts  locaux  est faite  dans  un cadre de  déconcentration au niveau régional.  Il  convient d’ajouter que  dans  le cadre de  déconcentration actuelle,  le recouvrement des  impôts  locaux  est fait au niveau  des départements par  le réseau des comptables du  Trésor. A cet égard  le niveau  régional constituerait un recul».
b) Le niveau départemental
Contrairement à la région, le département est simplement une circonscription administrative    déconcentrée. Il n’y   a   aucune   confusion   possible   avec    les collectivités  décentralisées  qu’on  y  retrouve.   Il   n’a  donc   pas   les  faiblesses  du niveau   régional.   Ainsi,  tout  regroupement  de   collectivités   locales   à           ce  niveau apparaît  sans   ambiguïté,  comme   le   fruit  d’une   coopération   inter – collectivités locales  où  il  est possible  de créer  un service  d’intérêt  commun dont le  financement peut être  assuré au moyen d’une  péréquation.
Hors   de   la  région   de   Dakar,   le  niveau   départemental  offre  la  possibilité  de regrouper des  communes relativement  anciennes (les  chefs  lieu  de  département), des communes toutes nouvelles et des communautés rurales.  L’objectif est de créer une  synergie permettant une  décentralisation optimale de la chaîne  fiscale  pour  un ensemble de  collectivités qui,  prises  isolément,  n’ont pas  une  situation financière adéquate.  Ce  niveau  départemental soulève  moins  de difficultés politiques que  le niveau   régional  et  offre  des   hypothèses  de  rentabilité  financière.  Toutefois,  il demeure moins rapproché que l’arrondissement.
c) Le niveau  d’arrondissement
Le niveau  d’arrondissement  est le plus  rapproché des contribuables si on se réfère aux  circonscriptions administratives et permet  ainsi  une gestion de proximité de la matière  imposable.  De la même  manière que  le  département, ce niveau  ne soulève pas   des   difficultés   politiques  au   regard   d’une  coopération   inter-collectivités locales.
« Toutefois,    l’arrondissement   ne   regroupe    généralement   que   de   nouvelles communes   et  collectivités  rurales,  c’est-à-dire  les collectivités   locales  les  moins préparées  à  une  prise   en  charge  de  la  chaîne.  En  effet,  elles  sont pauvres   et manquent d’expérience même dans la gestion actuelle. On  peut  craindre  qu’à   ce   niveau   les   contraintes   financières  et   le  manque d’expérience  soient des obstacles majeurs  dans  un premier temps.  L’Etat  n ‘a pas encore   envisagé   une  déconcentration  de  ses  services  fiscaux  et  comptables   au niveau   de  l’arrondissement :     il  est  donc  plus  prudent de  ne  pas  y  tenter   une décentralisation de la chaine fiscale ».
d) Le niveau  collectivité   locale
Une  décentralisation  achevée  de  la  chaîne  fiscale  devrait  se  situer  à ce  niveau. Toutefois,  compte  tenu du  faible potentiel  fiscal  de certaines  collectivités  locales, elle ne sera  pas toujours  viable  financièrement.  Aussi,  chaque  fois que la  viabilité financière sera  assurée, il  convient de  décentraliser la chaîne  fiscale  en  suivant la décentralisation administrative.
Compte tenu  de toutes  ces  données,   le  consultant recommande de  « décentraliser la  chaine fiscale  au  niveau   départemental  lorsqu’une  collectivité  locale  prise isolément ne peut pas assurer  la décentralisation de la chaîne fiscale».
2°  Les modalités d’une éventuelle  décentralisation  de la  chaine fiscale
Les   incertitudes  liées  à  l’identification  d’un  niveau   adéquat  de  décentralisation ainsi que  l’ampleur des moyens  à mettre  en œuvre  montrent bien  la  difficulté  qu’il y  a  aujourd’hui  à  décentraliser  la  chaîne   fiscale.   En  effet,  en  dehors  même   du niveau  de décentralisation, se posent  d’autres problèmes :

  • insuffisances des moyens  matériels et humains  des collectivités  locales;
  • déficit  de formation de leurs agents ;
  • insuffisance des moyens  financiers nécessaires à la gestion  de la chaîne  fiscale ;
  • risque  potentiel d’un contentieux volumineux, etc.

Compte tenu  de  toutes   ces  difficultés,  il  faut  bien  reconnaître  que  dans  le  court terme,  la  décentralisation  de la chaîne  fiscale n’est pas envisageable.
En réalité, en termes stratégiques, il serait plus convenable, si le principe de la décentralisation  était  retenu,   de  bâtir  un  « plan   de  décentralisation »,  sur   un horizon  raisonnable (exemple :    7 ans).
Les composantes majeures du plan stratégique pourraient être les  suivantes :

  • association progressive des collectivités  locales  à la gestion de la chaîne ;
  • développement    de   modules   de   formation    adaptés,    pour   le    compte    des personnels locaux ;
  • négociation d’un plan  de financement du projet avec  les bailleurs de fonds, déjà impliqués dans  le processus ;
  • au  stade  final,  une  présence effective transitoire des  services   fiscaux   de  l’Etat pour  accompagner les deux  premières années  de gestion fiscale  des collectivités locales.

Un  tel  schéma nous  semble   plus  adapté  pour  conduire efficacement  le  projet  de décentralisation de la chaîne  fiscale.
C –  Le remplacement de la  valeur locative par la valeur vénale.
1 °  Les  raisons d’un choix de la  valeur vénale
La  valeur vénale  ou valeur  foncière d’une propriété est la valeur  marchande ou  la valeur  d’échange.  Elle  est  en  fait  la  valeur   à  laquelle   aurait  acheté   un  agent économique, qui n’a aucun  intérêt particulier à acheter,  sur un marché  libre et concurrentiel.
Le choix  de substituer la valeur  foncière  (vénale)  tient à trois éléments :

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  • la valeur  marchande est plus  stable  que la valeur  locative ;
  • la  valeur  marchande  est visible   contrairement  à  la  valeur  locative  qui  résulte d’une   convention  entre   le   bailleur  et   le   preneur;   cette   visibilité  diminue notoirement  la   fraude   et  l’évasion,   et   par   suite   réduit   le   contentieux   de l’assiette;
  • la valeur vénale  est plus  importante que  la valeur locative         ce qui entraînera un accroissement   des   bases    imposables.    Pour    éviter   que    cet   accroissement n’augmente la pression fiscale,  on  devra  baisser  les taux  de taxation.   Les  taux faibles     sont    plus    faciles    à     gérer   politiquement.    Puisque     les    plafonds d’exonération   sont   dépassés  par   l’essentiel   des   propriétés,   tout   le   monde participe  à  l’effort collectif de financement des biens et services  collectifs.

Il existe  trois  méthodes pour  établir  la valeur  vénale :

  • la méthode des  coûts  :     la propriété est  considérée comme   une  entité physique composée    de    deux     éléments    qui    doivent     être     évalués    séparément : l’emplacement  d’une  part,   les  bâtiments  et  autres   améliorations  au  terrain d’autre part.  Cette  méthode est peu compatible avec  le secteur informel ;
  • la méthode du revenu est un procédé qui assimile  la valeur  au flux  anticipé des revenus nets de l’immeuble. Elle  utilise  la notion  de valeur  de rendement et les techniques   d’accumulation   des    valeurs    futures.    Cette    méthode   est   peu transparente  car   très   complexe,   sans   compter  qu’elle  exige   des   prévisions facilement contestables ;
  • la méthode par comparaison consiste à évaluer  la valeur  réelle  d’une propriété à partir des  prix  récents  des  propriétés  semblables,  situées  dans  des  unités  des voisinages comparables.

2°  Les conditions  du  choix de la  valeur vénale
a) Le Cadastre
Le  cadastre  est  un  inventaire  de  la  propriété   foncière qui  donne   une  description plus  ou moins  détaillée de chaque  parcelle. Le cadastre  est destiné à  répondre aux besoins    individuels   et /ou   collectifs   en   matière    foncière   (juridique,   fiscale, économique et sociale).
Il  est composé de deux  (2) entités distinctes :

  • un document graphique  (le plan cadastral) ;
  • un document  littéraire  (registres  fonciers,  fichiers)  qui compile  dans  des bases de   données    les    informations   descriptives   de   chaque    parcelle    (propriété, référence  géographique, évaluation …).

Les outils  de la géographie permettent de relier  le plan cadastral (fichiers numériques, graphiques) aux registres (fichiers numériques, littéraires) pour  servir dans  différentes applications.
Un  cadastre  complet est une  condition première du  choix  de  la  valeur  vénale.  En effet,  sans  la maîtrise de l’information  foncière,  les  services fiscaux  ne seraient pas en mesure d’asseoir des bases  d’imposition fiables.
b) Un palliatif :   le  registre foncier  urbain
Il ne sera possible d’avoir immédiatement un cadastre achevé  comme  décrit  ci-haut pour  l’ensemble du territoire.  En attendant la mise  en place du cadastre, il  convient de   rechercher  des   solutions   alternatives,   moins    lourdes   qu’un   cadastre  mais permettant d’atteindre  les mêmes  objectifs, tel un registre  foncier urbain.
Dans   un  premier  temps,   il  serait  effectué  le  bilan  du  mode   de  fonctionnement actuel,  l’inventaire et  la compilation des  informations et des  disponibilités locales (plans,   cartographies,  registres fonciers,  plans  cadastraux,  historiques  des  droits  , ressources   matérielles,   ressources   humaines) ;        ensuite,   il    serait   évalué     le complément nécessaire à la confection  du plan  cadastral et du registre  foncier.
Pour les  communes, l’adressage et les  registres  fiscaux  réunis  aboutissent à ce qu’il est  communément  convenu   de  désigner  par  le  vocal   de  registre   foncier  urbain (RFU)  qui n’est autre qu’un cadastre  simplifié.  Un registre  foncier urbain a été déjà mis   en  œuvre  au  Bénin   dans   les  villes   de  Parakou,  Cotonou,  Porto  Novo   et Djougou.  Les  résultats  obtenus   sont  éloquents  et  encourageants.  Il  convient  de préciser que  la  solution  du  RFU ne  doit être  qu’un  palliatif durant  la  période   de mise  en place  progressive d’un  cadastre  véritable. Ainsi,  en milieu  urbain,  là  où  il n’y  a pas encore  un cadastre  véritable,  la mise en place d’un  RF l’est intéressante.
Il  faut noter  qu’en  milieu  urbain  certaines transactions  ne portent  que sur  les  peines et  soins   ( constructions  et  aménagements),  les  terrains  étant des  dépendances  du domaine   privé    de   l’Etat.    Cette    situation    influera   fortement   sur   la   méthode d’évaluation  à retenir,  le  propriétaire  des  constructions  n’ayant  pas   toujours  un droit réel  sur  le terrain.
La confection des  registres fiscaux permet d’améliorer  le processus d’identification de la matière imposable. Elle inclut la conception des registres, les enquêtes et recensements  correspondants,   Il   s’agit   d’établir   et   de   générer  des    listes   de contribuables  fonciers  et de patentes à un niveau déconcentré.
Finalement, les  recommandations suivantes  ont été formulées :

  • « Mettre  en place un  registre foncier  urbain dans   les  lieux   où  il  n’  a pas de cadastre ;
  • Achever dans  le  moyen terme la mise en place d’un  cadastre  dans  les  villes  où il existe partiellement;

Utiliser les  ressources humaines dont dispose  le secteur privé :

  • Acquérir des  droits d’auteur ou simplement le droit d’usage de  la cartographie existante sur le marché ;
  • Obliger  de  porter  au   registre foncier  tout  transfert  de   droits ;   
  • obliger  les officiers publics de délivrer des  titres libres de  toute charge  incluant les  taxes foncières   aux   acquéreurs  et  de   confirmer  fa  préséance  des   titres  dûment enregistres  ou  inscrits  :

Lier  les  taxes foncières  à la propriété plutôt qu’au propriétaire  et autoriser les collectivités  locales  à  inscrire  des  sûretés   réelles   sur  les  propriétés pour  le recouvrement des  taxes  impayées.  Cette procédure permettrait le recouvrement de la presque totalité des taxes foncières  ».
c)  Le marché foncier et immobilier
Le remplacement de la valeur locative par la valeur vénale suppose l’existence d’informations permettant l’actualisation des valeurs en fonction de l’évolution du marché.  Auprès de l’administration des Domaines chargée de la délivrance des autorisations de transactions dont la valeur   est  au  moins   égale   à  10  millions  de FCF A, les données suivantes ont pu être collectées :

  • en  1995 ;  531  représentant la somme  de 23,4 milliards FCF A;
  • en  1996 ;  417  représentant la somme  de 27 ,5  milliards FCF A ;
  • en  1997 ;  494 représentant la somme  de 27 ,9 milliards FCF A ;
  • en  1998 ;  666 représentant la somme  de 49,6 milliards FCF A.

Ces chiffres bien  que nettement inférieurs à la réalité des transactions en quantité et en valeur,  permettent une révision des valeurs  locatives.
D’autre part,  l’Etat continue de réglementer les transactions immobilières. En effet, c’est  le  décret n° 81-683  du 7 juillet 1981  qui  fixe  les  éléments de calcul  du loyer des  locaux  à  usage  d’habitation.  Auparavant,  les  règles  y afférentes  étaient  fixées par un décret n° 77-527  du 23 juin 1977. Cette  réglementation à été modifiée par le décret  n°8 l -683  du  17 juin 1981.
Aux  termes  de  l’article  1er  du  décret   81-683  précité,  chaque   local  d’habitation donné  à  bail  fait  l’objet d’une  évaluation séparée   tendant à déterminer sa valeur réelle   puis   sa  valeur  locative.  Cette   évaluation  comprend  celle   de  la  valeur   du terrain  et celle  de la valeur  de la construction. La valeur du  mètre  carré  de terrain  nu  et des  terrains  bâtis  est  fixée  par  le  décret 11°88- 74 du  18 janvier   1988.  La valeur du sol des terrains  bâtis est égale à la moitié de celle des terrains  nus.
Quant  à  la  valeur   locative  des  locaux,  elle  est  égale  au  produit  de  la  surface corrigée  par le prix de base au mètre carré de chacune  des catégories  de logements. Or,  il  résulte  des  dispositions  de  ce décret que  le  montant  du  loyer  est  égal  au maximum  à  14% de la valeur vénale réelle de chaque  immeuble.
Malgré   l’existence    de    cette    réglementation,    les    valeurs   locatives    restent difficilement maîtrisables dans  la mesure  où le marché  de la location existant laisse à désirer.  Ce  phénomène est  accentué  par  cette  réglementation du  coût des  loyers qui  ne tient  pas  compte de  l’évolution du marché  foncier. Elle  n’est pas, en  effet, adaptée à la  réalité de ce marché du fait  des variations existant au niveau  des prix et  des  valeurs.   Ce  qui  constitue un  obstacle   de  taille  à l’actualisation  des  bases imposables des impôts  fonciers.
En   réalité,   en   l’état   actuel    de   la  réglementation,   il   est   d’abord   procédé  à l’évaluation de  la valeur vénale   à  partir de  laquelle on  calcule   la valeur locative. Toutefois,  ce  dispositif appliqué  pour  la  réglementation  des  loyers  n’est retenu pour  la liquidation des  impôts  fonciers que  lorsqu’il n’y a pas  de  bail  portant sur l’unité  d’évaluation  ou s’il  est impossible  d’utiliser  la  comparaison avec  une  autre unité d’évaluation semblable faisant l’objet d’un bail.
Pourtant,  le transfert aux  services du cadastre des  impôts  fonciers avait  pour  but d’asseoir  l’impôt selon  le procédé plus objectif de la valeur  cadastrale qui passe par une détermination de la valeur vénale.
Une  revue  globale des  situations  s’impose.  Elle  devra tenir  compte de  l’évolution des  revenus fonciers immobiliers.  A cet  effet, elle s’appuiera sur  les informations existantes  et relevées  plus  haut,  pour  aboutir  à une adaptation  de la  réglementation à  la  réalité  du  marché foncier.   Seulement,  cette  adaptation passera nécessairement par la révision  des valeurs locatives.
Sous  ce  rapport,   les  impôts  fonciers   seront  liquidés  sur  la  base  de  la  valeur cadastrale   seulement  mais  annulant  une  séquence  inutile  dans  l’opération  :      celle qui consiste  à calculer  la valeur locative.  Dans ce cas, l’impôt étant un pourcentage de la  base, il  faut simplement baisser en conséquence  le pourcentage.
Toutefois;  il  convient  de noter que  le marché foncier tel qu’il  existe aujourd’hui n’est pas transparent.
Dans  tous  les cas, le remplacement de la valeur  locative par la valeur vénale posera le problème du renchérissement de l’impôt. La position de l’administration fiscale  est claire à ce propos :
« Si   nous    devons    aujourd’hui,    avec    les   dispositions   législatives   actuelles, déterminer les  impositions à partir de  la valeur  vénale  des  immeubles  cela  nous conduirait  à  multiplier  les  impositions  au  moins   par  six.   Ce  qui   serait   sans commune mesure avec  la capacité contributive actuelle des contribuables. Par  ailleurs,   il faut  signaler l’inexistence  d’un  marché   immobilier  véritable  au Sénégal.  Les  conditions de détermination de la valeur  vénale  des  immeubles par  le marché ne sont pas réunies »[[4]]url:#_ftn4 .
En  définitive,  il  s’agit bien  là d’une  question à approfondir.  Si  le remplacement devait se faire,  elle  s’accompagnerait  nécessairement d’une  importante  baisse  des taux en vigueur, compte tenu  du grossissement des bases.
D – L’intégrité de l’assiette fiscale
L’objectif général est d’augmenter le nombre de contribuables locaux, grâce  à une meilleure   intégrité   de    l’assiette   fiscale,    une    baisse    consécutive    des    taux d’imposition   et   une   restriction   des   exonérations   pour   diminuer  d’autant   les incitations à l’évasion fiscale.
1 °  La révision des règles d’exception
a) Le réaménagement des exemptions  permanentes
Le diagnostic a soulevé la question de l’opportunité du maintien de l’exonération en faveur des immeubles occupés par le propriétaire lui-même à titre de résidence principale   lorsque   la valeur   locative   est inférieure   à 1 500 000 FCFA.  Cette exonération édictée  suite à la  demande  pressante  des retraités  pour une exonération de  leur résidence du  fait de  la baisse de  leur revenu lors de  la mise à la retraite est applicable à d’autres catégories sociales.
Dans   la  pratique, cette  disposition soulève  des  difficultés  liées  à la  détermination des   immeubles   devant bénéficier  de  l’exonération  dans   les  cas  où  la  résidence principale du  contribuable n’est  pas  identifiée  de  manière précise.  Tel est le cas chaque, fois   que    le   contribuable   est polygame   et dispose   donc    de   plusieurs résidences réputées égales en application du droit de la famille. La détermination de  la résidence principale devient plus  complexe, voire impossible,  si l’on  sait  que le  nombre d’épouses  peut aller jusqu’à quatre  et qu’elles  peuvent résider dans  des villes  différentes.
Il convient donc   de supprimer l’exonération de 1 500 000 FCFA de la résidence principale, compte tenu du caractère discutable de la mesure au regard de l’équité et du détournement dont elle fait l’objet.
b)  La suppression des exemptions temporaires
Les exemptions concernent les constructions nouvelles et varient de  5  à  16  ans  (cf. chapitre  2). Elles   encouragent la construction en  général. Cet objectif économique et social  demeure  encore aujourd’hui.
Toutefois,   il   semble   que    le   recours   à   une   autre  technique   financière   serait souhaitable.  Il  serait en  effet,  plus  indiqué que  ces  incitations  financières  qui  ont plutôt  un  caractère redistributif, soient  assurées par  l’Etat.  Celui-ci  dispose  à  cet égard d’une  gamme très  variée.
Il s’agit :

  • de   la   réduction   d’impôt   pour  investissement  de  revenu  dont  bénéficient   les personnes  qui  investissent dans  l’immobilier;
  • de la  réduction  de  15  à 5  pour cent du droit d’enregistrement sur  les  acquisitions
  • de logement  dont  la valeur n’excède  pas 25 millions de FCFA;
  • de  l’exonération de  la taxe  sur  les opérations  bancaires des  prêts  destinés à  la construction  de  l’habitation  principale  lorsque  la  valeur   des  constructions  ne dépasse pas  15  millions de FCF A ;
  • de  l’exonération  de  la  TVA  des  livraisons  à  soi-même  ou  pour  le  compte   de personnes  physiques,  de  travaux   immobiliers  dont  la  valeur   n’excède  pas   15 millions.

Au  regard  de ces  multiples instruments fiscaux  destinés à  encourager le logement social,  auquel   il  faut  ajouter  les  instruments  financiers tels  que  la  bonification des taux  d’intérêt  de  la  Banque  de  l’Habitat  du  Sénégal   financée   par  une  donation budgétaire    initialement    mise    en    place   par    l’Etat    au    moyen     du    Fonds d ‘Amélioration   de  l’Habitat  Urbain,   il   devient  difficile  de  continuer  à  pousser l’épargne  nationale  vers  un  investissement  qui  ne  participe  que  faiblement  à  la formation des ressources publiques locales du moins  en rapport  avec  son potentiel.
Une  telle  mesure fiscale  tendrait donc  à augmenter le  rendement  de  la  CFPB  de 1,367   milliards  FCF A.  Cette   variation   positive   est  enregistrée   dans   toutes   les régions.   Dakar  bénéficierait  largement de  cette  mesure aux  côtés  de  Saint-Louis, Louga  et Kaolack dans  une moindre mesure.
c) La suppression  des abattements
Comme nous  l’avons exposé  dans  le chapitre 2.  les abattements de 40%  pour  les maisons  et  50%  pour   les  usines  ne  se justifient  plus  depuis   que  l’impôt  sur  les revenus  fonciers a été institué en  1980.
Au  surplus, la proposition de remplacer la valeur locative par  la valeur marchande induit   la   suppression   desdits   abattements.   En   effet,  l’évaluation   de   la  valeur marchande utilise  déjà  un coefficient  de  vétuste qui  ferait  double  emploi  avec  les abattements.
C’est  l’assiette  actuelle de la  CFPB  qui  est prise  en compte  dans  la  détermination du  rendement  additionnel  suite  à  une  suppression  des  abattements.  Cette   même assiette   est répartie en « habitation » et « non habitation  »  suivant  les  coefficients de répartition de la CFPB. La  suppression  des  abattements  a  plus  d’impact  que  celui  des  exonérations,  le rendement additionnel est de 2,02 milliards FCFA  par an.
d) Une gestion  transparente des dégrèvements
Certains dégrèvements n’entraînent  pas  de remarque particulière,  notamment ceux qui  sont  accordés  pour erreur   ou  pour  circonstances  particulières  entraînant  des pertes   de  revenus  pour   les  propriétaires.  Par   exemple,  lorsqu’une  maison   est inoccupée  ou  que  des  établissements  industriels  ou  commerciaux  sont temporairement fermés,  ou que  l’immeuble est détruit, l’allocation de remise  ou de modération peut  alors  se justifier.
Le problème concerne  plutôt les dégrèvements accordés pour  gêne  ou  indigence. L’absence  d’information  officielle  ne  permet   pas  de  mesurer  leur  ampleur,  ni d’apprécier leur impact véritable et de comprendre la doctrine administrative en la matière.   Le  souci  d’un  traitement  équitable des  contribuables  devrait conduire  à une gestion  plus  transparente.
Il conviendrait peut-être de confier la compétence relative aux dégrèvements à une structure   collégiale   composée   des   représentants   des   services   d’assiette,   de recouvrement   et   de   la   collectivité   locale   concernée.   Les   décisions    de   la commission   feraient   systématiquement   l’objet   d’une   publicité,    la   plus   large possible.
2°  La simplification  du système de taxation
La simplification du système de taxation revient  à réaménager les bases  et les taux.
a)  La transformation de la taxe d’enlèvement des ordures  ménagères (TOM)
La TOM est assise sur la valeur locative de la propriété foncière. Elle  est l’unique source   de   financement  du  service  de  la  collecte  et  du  traitement  des   ordures ménagères. Le diagnostic a montré,  à Dakar,  que  le  coût  du service  est  supérieur à l’émission.  Ce  coût  est-il  un  coût  économique  réel,  correspondant  à  un  prix  de concurrence saine  ?
L’écart entre  l’assiette potentielle et actuelle  de la TOM  s’élève en valeur  absolue  à plus  de  60  milliards de FCF A, l’écart  de l’émission  potentielle est  à 2,6  milliards pour  l’ensemble du  Sénégal et à 2,2 milliards  pour la région  de Dakar.  Le taux  de recouvrement des  émissions actuelles est en moyenne de 36, 1 % pour  la  période de 1993-1996.  Si  on  se  réfère  aux  émissions  potentielles,  l’écart  de  recouvrement s’élève  à  798  millions à Dakar  et à 900  millions  pour  l’ensemble  du pays  pour  un taux  effectif d’imposition potentiel de  1,2%.
Pour  la transformation du  système  actuel  en  une  tarification,  il  est  nécessaire  de connaître le coût  du  service  depuis  la pré-collecte jusqu’au traitement des  ordures ménagères. La  connaissance de ce coût est aujourd’hui possible grâce  au Nouveau Système  de  Nettoiement de  la  Communauté  Urbaine  de  Dakar   (NSN).   Avec  ce système,   il  est   possible  d’avoir  des  données   statistiques  fiables  sur   la  qualité d’ordures  ménagères collectées grâce  à l’installation  d’un  pont  à  bascule  à  l’entrée du  dépotoir de  Mbeubeuss. Avec  ce pont, il  est  pesé  quotidiennement  la quantité d’ordures déversée à la décharge.
Une  évaluation du NSN  menée  en  1998 par l ‘Agence de l’Environnement et de  la Maîtrise de l’énergie (ADEME) révèle  que  829 tonnes  de  déchets   ménagers sont collectées   quotidiennement  dans   l’ensemble   du   territoire   de   la   CUD   soit,   en moyenne, 0,42 kg par habitant.
II ressort des  données statistiques de  l’étude que  13,7 kg d’ordures sont collectés par  habitant et par mois  pour un  coût moyen  de  76,54  FCFA.
Si l’on va dans  le  sens  de retenir un  tarif unique pour toutes les propriétés à usage d’habitation,  il  faudra  fixer  un  prix  par habitant  et par mois  qui  puisse couvrir  le coût moyen. Puisque le  coût  de  la collecte  par habitant et  par mois  varie selon les zones, il  est aussi  possible de  fixer  le  Prix du  tarif en  fonction  de  coût  moyen de  la collecte des  ordures de chaque zone.
A titre d’exemple,  si on  fixe  le  prix  de la  collecte par  habitant et par mois  à 76,54
FCF A  dans  tout le  territoire de  la CUD avec   une  moyenne de  7,82  habitants par ménage, chaque  ménage devra verser  mensuellement une  somme  égale   à  598,82
FCF A,  pour couvrir  les  charges  de  la  collecte.  Cette   somme cadre  bien   avec   le point de  vue  des  ménages recueilli  dans l’étude  de l ‘ADEME.  En  effet,  32, 7%  des ménages proposent moins de  1000 FCF A par mois.
Il serait plus souhaitable de renommer la TOM  en« taxe d’assainissement», ce qui contribuerait certainement à moderniser  la perception de sa fonction  véritable.
b)  La transformation  de la  patente ( avènement de la Contribution économique locale, CEL)
La contribution  des  patentes se  subdivise  en  deux  grandes catégories :    la patente de droit   commun   et  la   patente   forfaitaire.   La   patente   de   droit   commun   peut comprendre  selon   le  cas  un droit  fixe,   une taxe   déterminée, une  taxe  variable,  un  droit  proportionnel, une  taxe  complémentaire  et  une  taxe  sur  la  valeur  locative  des locaux  professionnels.  Elle   est  recouvrée  par  voie   de   rôle   contrairement  à   la patente forfaitaire.  Cette dernière  est en  principe  applicable aux  petits  commerçants qui  l’acquittent  par anticipation,  c’est  à  dire  sans  établissement de  rôle.   Le  droit proportionnel   et   la   taxe   sur   la   valeur   locative   des   locaux   professionnels   sont déterminés actuellement sur la  base du  foncier.
La transformation  de  la  contribution  des  patentes  devra-t-elle  concerner  la  patente forfaitaire   ou   seulement   la   patente   de   droit   commun?   Dans   l’hypothèse   d’un remplacement   de   toute   la   contribution   des   patentes    par   une   surtaxe    non- résidentielle,  toutes   les  collectivités  locales  continueront-elles  à  percevoir  des recettes  au moins  égales  à celles  qu’elles perçoivent  aujourd’hui? Quel  sort sera réservé  aux contribuables actuellement redevables  d’une patente  et qui n’ont pas de locaux professionnels ? Quel  sort  sera réservé  au paiement  par  anticipation de  la patente  forfaitaire ?
Le consultant recommande la transformation de la patente  en une surtaxe non résidentielle à taux unique  sur la valeur des propriétés  résidentielles.
Le remplacement de la contribution   des patentes  par une  surtaxe foncière sur les propriétés  non-résidentielles consiste  à substituer  aux multiples bases actuellement retenues  pour sa liquidation, une seule d’entre elles, à savoir  la valeur  foncière des locaux  à  usage  professionnel.  Cette  valeur  foncière  est  actuellement  la  base  du droit proportionnel  de la  patente.  On peut  penser  qu’une  telle  opération  conduit à une restriction de la base imposable et subséquemment à une perte de recettes.  Or, lorsqu’on  examine   l’écart  au  niveau   de  l’assiette  du  droit  proportionnel  de  la patente,   on  découvre   un   écart   important  entre   l’assiette  actuelle   et  l’assiette potentielle.
L’analyse  de  cet   écart  peut  être  faite  à  partir  des  statistiques  publiées   par  la Direction de la  Prévision  et de la  Statistique  (DPS ).  La DPS produit chaque  année des états  qui présentent les données  agrégées  des  entreprises au niveau  du Centre Unique   de   Collecte   de    l’Information   (CUCI).   Ces  données   contiennent   une rubrique  « loyers  à usage professionnel»  correspondant  aux services  consommés par les entreprises du secteur moderne.  Cette rubrique  ne comprend  pas les loyers d’habitation  pour  le  personnel,  ni les  locations  de matériel  et de main d’œuvre, ni les loyers de crédit-bail. Elle ne comprend pas non plus l’amortissement des immobilisations des entreprises.
Pour  les  1023  entreprises du secteur moderne comprises dans  l’enquête  menée  en 1992  dans   le  cadre   de  l’élaboration  des  comptes  nationaux,  on  relève   que   le compte             « Loyers à usage  professionnel »  s’élève  à un  montant de  102, 1     milliards FCF A.  Cette valeur  constitue une  base  minimale pour le  droit proportionnel  de  la patente.  Elle  ne  comprend pas  les  immobilisations  des  entreprises  au  demeurant imposables,  mais  simplement les  loyers payés  par ces dernières.
Sur la base des données de  1992, la transformation de la patente en une taxe  sur les propriétés non-résidentielles offre une base d’imposition au moins  égale  à l’assiette potentielle  du  droit  proportionnel  actuel   de  la  patente,  soit   102, 1      milliards  de FCFA.
Les  recettes  actuelles  de  toutes   les  patentes  sont  en  moyenne  de  6  milliards  de FCFA  par an  soit environ 6%  de  l’assiette potentielle du  droit proportionnel. En d’autres termes dans  l’hypothèse d’un taux  de recouvrement de  100%, le taux  de la surtaxe peut  être  fixé  autour  de  6%.  Toutefois, il  convient  de  souligner  qu’un  taux de  recouvrement de  100% est  probable même  si du  fait que  la patente   payée  par anticipation  est comprise  dans  les  recettes  et  non  dans  les  émissions,  les taux  de recouvrement actuels de la patente sont supérieurs à  100%. Pour  plus de réalisme  il semble  nécessaire  de porter  le  taux  de la  surtaxe  foncière  à  8%  sur une  assiette  de 102, 1  milliards  de   FCF A   soit   une   émission   de   9, l milliards   de   FCFA   en escomptant  un  recouvrement au  moins  égal  à  6 milliards de  FCFA,  de  sorte  que l’impact de la  réforme sur  les  recettes  soit neutre.
L’administration fiscale reste sceptique quant à  la transformation de  la patente en surtaxe   non    résidentielle   à   taux    unique   sur    la   valeur   des   propriétés   non résidentielles :
« Il faut signaler à ce niveau  que   l’essentiel des  recettes de  la patente provient de l’imposition de matériel d’exploitation des usines. La méthode proposée risque d’entraîner  une forte perte. Nous proposons d’accompagner la proposition de simulations  pour mesurer  son incidence  réelle sur les recettes. Nous sommes, par  contre, pour  la simplification du calcul sur la patente qui est,  il faut l’admettre,  très complexe».
Le second  volet qu’implique la réforme de la patente  est le sort réservé à la patente forfaitaire.  A  l’absolu,  dans  la logique de  la réforme préconisée, elle  devrait être supprimée pour  être refondue dans  la nouvelle  formule de patente.
Mais  les contribuables soumis  au régime  du forfait ne disposent pas  en principe de locaux professionnels  ou disposent de locaux dont  la valeur foncière ne correspond pas au volume de leurs activités (c’est une forme d’évasion fiscale  ou de fraude).
La  suppression  de  la  patente  forfaitaire  payée   par   anticipation  entraînera  une disparition  de  leur  imposition.  Une  telle  solution   consiste  à  déplacer  la  charge fiscale  des commerçants du secteur informel  vers les  industriels.
L’idée de base  est que  si on veut maintenir le niveau  des recettes  et supprimer une catégorie de personnes imposables, il faut nécessairement ajouter leur contribution correspondante à celle  des autres.  En d’autres termes,  une restriction des personnes imposables  aboutit.  si on ne veut pas de pertes  budgétaires, à un  élargissement  de la  base  imposable  pour  les  personnes qui demeurent assujetties  ou à une hausse  du taux  d’imposition,  toutes  choses   qui  accroissent  la charge fiscale.  Cela  n’est  pas souhaitable  pour  des raisons  de compétitivité.
Pour autant, il  ne faut pas  renoncer  à la  recherche de la  transparence au niveau  de la patente  forfaitaire. A cet égard,  il faut rappeler la nécessité d’émettre un rôle  de régulation  de  la  patente  forfaitaire payée  par  anticipation  et prévoir la  signature  du rôle par l’ordonnateur du budget  de la collectivité  locale et sa publication.
Finalement  le  consultant recommande deux  actions  principales :
« a- Modifier la base  de la patente de commun en prenant comme seule  assiette la valeur foncière des locaux professionnels et fixer un seul  taux  d’imposition,
b- Mettre  en place un rôle de régularisation des patentes forfaitaires payées par anticipation,   le  faire   signer   par  l’ordonnateur   et  le   représentant  de l’autorité de tutelle et le publier ».
D’une  manière  générale,  la réforme  de la patente  reste une action  inévitable.  Dans ses observations sur le rapport  du consultant, l’administration fiscale  esquisse  une série de cinq propositions qui méritent  une attention  sérieuse:
«      –  étudier la faisabilité  d’un  système d’imposition à la patente qui  comporte un seul droit  sans perte de recettes, étudier  les   moyens   d’améliorer   les  systèmes   de  paiement par   anticipation (P.P.A.) :

  • examiner la faisabilité de l’élargissement de la patente forfaitaire,
  • étudier les moyens de procéder au recensement exhaustif des propriétés dans  la perspective d’un  élargissement de  l’assiette du foncier,
  • étudier  la  faisabilité   d’un   système   d’évaluation   simple   et  fiable  des   bases foncières  ».

c) La contribution économique locale : une opportunité de renforcement de ressources financières des collectivités territoriales sénégalaises ?
Au Sénégal, depuis le 20 mars 2018, le système fiscal local a connu des modifications importantes qui sont considérées par le pouvoir public central comme des avancées majeures par rapport à l’objectif de mise en place de mécanismes rénovés de financement du développement territorial. En effet, un nouvel impôt dénommé « contribution économique locale (CEL) » est perçue au profit des collectivités territoriales en plus d’impôt foncier rénové. La CEL remplace ainsi la contribution des patentes, une vieille imposition héritée du système colonial français.
Rappelons que, par définition, l’impôt est considéré comme un prélèvement pécuniaire, de caractère obligatoire, effectué en vertu de prérogatives de puissance publique, à titre définitif, sans contrepartie déterminée, en vue d’assurer le financement des charges publiques de l’Etat, des collectivités territoriales et des établissements publics administratifs.
A ce titre, le législateur sénégalais cherche à renforcer les ressources financières des collectivités territoriales à travers une meilleure lisibilité et certainement une meilleure efficacité de cet impôt professionnel. En effet, la CEL est due par les acteurs territoriaux exerçant une activité économique.
Au regard du niveau de développement du tissu économique des collectivités territoriales, sommes-nous ainsi tentés de s’interroger sur le sens et la pertinence de la réforme introduite par la loi n°2018-10 du 20 mars 2018  modifiant le code général des impôts. Quelles sont les innovations introduites par ladite réforme ? Quelles sont les implications attendues sur la mobilisation des ressources fiscales locales ? Autant de questions qui invitent à une réflexion approfondie du système fiscal local en lien avec l’autonomie financière des collectivités territoriales. Il reste entendu que le phénomène fiscal ne peut être isolé d’autant que la neutralité de la fiscalité n’est plus admise par les économistes modernes.
Dans un contexte de développement économique territorial, l’intérêt de cette approche est certes de « démocratiser » le phénomène fiscal réservé aux seuls initiés et parfois inaccessible aux acteurs territoriaux, mais également de permettre aux exécutifs locaux d’en cerner la signification, en vue de mettre en œuvre des stratégies efficaces sur le terrain, afin de créer les conditions d’un rendement plus accru de cet nouvel impôt local.
La contribution des patentes, un impôt désuet et antiéconomique
La contribution des patentes, était prélevée sur toute activité commerciale ou professionnelle qui s’exerce sur l’espace de la collectivité territoriale. Elle était due par toute personne qui exerce sur le territoire un commerce, une industrie, une profession à l’exclusion des personnes exerçant des activités salariées au sens du code du travail.
Or, dans les économies modernes, la fiscalité n’est plus seulement une matière juridique, économique et sociale. Elle est devenue un enjeu politique majeur notamment des politiques publiques locales dans une approche de territorialisation des politiques publiques.
Sous ce rapport, faire payer un impôt à une entreprise sur la base simplement de son patrimoine productif peut être considéré comme un obstacle à l’investissement. Alors que nos territoires, tentent, tant bien que mal, d’attirer des investisseurs à même de créer de l’emploi en valorisant les ressources locales, il devenait incompréhensible de maintenir la contribution des patentes, du moins en son état. Autrement dit, comment les collectivités territoriales peuvent-elles inciter les opérateurs économiques à réaliser plus d’investissements productifs sur leur territoire et, en même temps, les faire payer davantage d’impôt parce qu’ils accumulent plus de patrimoine productif.
En effet, faudrait-il le rappeler, cet impôt remplacé en France, où il est né, par la taxe professionnelle, a été supprimé depuis 2010 dans le but de rétablir la compétitivité de leurs entreprises. Le caractère anti-économique de cet impôt avait fini de faire l’unanimité.
Notons que dans notre pays, les patentés contribuaient pour près de 60% des recettes fiscales communales. Cette contribution, entièrement versée aux collectivités territoriales, était à la fois assise sur le foncier et sur les activités industrielles et commerciales. En 2004, à la faveur de l’instauration de la contribution globale unique (CGU), la patente était devenue une composante de cet impôt synthétique réparti entre l’Etat et les collectivités territoriales.
Sont assujettis à la CGU les personnes physiques dont le chiffre d’affaires annuel, tous droits et taxes compris, n’excède le seuil de 50 millions de francs CFA lorsqu’il s’agit des opérations de livraison de biens et 25 millions francs CFA lorsque les opérations sont relatives à de la prestation de services.
Force est de constater que l’avènement de la CGU n’a pas permis un relèvement substantiel du niveau de recouvrement des ressources fiscales locales. La faible maîtrise de l’assiette, le déficit de collaboration entre acteurs (Trésor, service fiscal, Elus locaux et secteur privé), l’éloignement des services fiscaux régionaux par rapport à certaines communes et l’insuffisance de ressources humaines dédiées ont constitué des entraves majeures dans le processus d’émission et de recouvrement de la contribution à la patente. Par ailleurs, l’absence jusqu’alors d’indicateurs de performance liés au recouvrement des impôts locaux avait amené les services fiscaux à privilégier les impôts d’Etat beaucoup plus « rentables ».
Dans ce contexte et dans une perspective de développement économique territorial, la réforme de la contribution des patentes ainsi que la CGU s’imposait de l’avais de bon nombre d’acteurs territoriaux.
La CEL, un levier de développement économique territorial ?
La vision de développement axée sur l’émergence économique et la compétitivité de nos territoires sont deux options qui passent par une croissance économique inclusive et une territorialisation des politiques publiques.
A cet effet, les objectifs déclarés de renforcement des ressources financières des collectivités territoriales et de développement des économies locales vont de pair. C’est dans cet esprit que le législateur sénégalais s’est engagé dans la modification de certaines dispositions du code général des impôts. Entre autres innovations introduites, l’instauration de la CEL semble répondre à la double exigence de fournir aux collectivités territoriales des ressources financières additionnelles et de promouvoir la création de richesse sur nos territoires. L’entreprise étant au cœur de processus, l’amélioration de la compétitivité des entreprises locales va ainsi avec une fiscalité adaptée.
Rappelons que la CEL est due par ‘’toute personne qui exerce au Sénégal un commerce, une industrie, une profession et soumise, par ailleurs, á un régime d’imposition au bénéfice réel’’.
En effet, du point de vue de son champ d’application, la nouvelle contribution prend dorénavant la forme d’un « serpent à deux têtes » : une première contribution assise sur la valeur locative des locaux (CEL/VL0) servant à l’exercice des professions imposables et une seconde sur la valeur ajoutée (CEL/VA).
La contribution sur la valeur locative des locaux professionnels est due au titre des locaux imposables dont le redevable disposait pour les besoins de son activité au 1er janvier de l’année d’imposition. Elle est calculée sur les locaux, installations et agencements assimilables à des constructions ainsi que les terrains utilisés pour les besoins d’une activité imposable au taux de 15 % ou 20 % selon la matière imposable concernée. La totalité des recettes tirées sur les actifs locaux des imposables au titre de cette contribution est réservée à la collectivité territoriale qui abrite le site.
La seconde part est assise sur la valeur ajoutée générée par les entreprises exerçant au 1er janvier de l’année d’imposition une activité soumise à cet impôt liquidé au taux de 1 % de la valeur ajoutée dégagée au cours de l’exercice précédent sans être inférieure à 0,15 % du chiffre d’affaires ou 0,075 % pour les entreprises relevant des secteurs à faible marge. La déclaration est effectuée par le biais d’un formulaire spécifique déposé au fisc au plus tard le 30 avril de l’année d’imposition. Cette taxation collectée au niveau national est répartie aux différentes communes du pays suivant des critères déterminés par voie législative.
Un comité technique composé de représentants du département ministériel de la Gouvernance territoriale, de celui de l’Économie, des Finances et du Plan, des associations d’élus et des autres familles d’acteurs, se penche actuellement sur le projet de texte fixant les règles de répartition de la CEL-VA en privilégiant deux pistes : une allocation minimale á l’ensemble des communes, la stabilisation totale ou partielle pour atténuer des pertes importantes de recettes des communes bénéficiaires de l’ancienne patente et une allocation basée sur l’équité et la solidarité.
Du point de vue du législateur, ce nouveau dispositif de prélèvement tendrait à assurer d’une part, une grande simplicité et un meilleur rendement de l’impôt et, d’autre part, une bonne équité budgétaire entre les communes avec la répartition du produit national de la contribution sur la valeur ajoutée.
Du point de vue des collectivités territoriales, la réforme pourrait s’apprécier sur, au moins, deux angles : la territorialité et l’efficacité.
Concernant la territorialité de la CEL, la difficulté majeure serait de savoir la collectivité territoriale de rattachement, car la loi fait du lieu de déclaration, le lieu de paiement de cet impôt. Une entreprise pourrait ainsi avoir son siège dans les villes, proche des administrations centrales et des infrastructures de communication et de transport, et ses activités menées sur l’hinterland. Cette ressource ne va-t-elle pas alors bénéficier davantage aux grands centres urbains au détriment des ex-communautés rurales érigées en communes ?
Le recensement exhaustif des contribuables, l’évaluation régulière de l’assiette et le traitement des données, préalables à une efficacité de tout impôt, supposent une démarche conjointe et concertée des acteurs territoriaux et la mobilisation de ressources humaines, matérielles et logistiques à la hauteur des rendements escomptés. La mise en place prochaine des commissions locales sur la fiscalité permettrait –il d’assurer un recouvrement correct du potentiel fiscal des collectivités territoriales ?
Le premier défi est d’abord lié à l’opérationnalisation de ces instances nouvellement instituées. Aussi, faudrait –il que des tournées soient organisées de manière régulière et complète par les services des impôts et du trésor souvent confrontés sur le terrain à des problèmes de moyens humains et logistiques ainsi que de disponibilité. L’amélioration du niveau global de recouvrement des impôts locaux et l’unification des contributions sur la valeur ajoutée à la fois aux titres de la CEL et du Fonds d’équipement des collectivités territoriales (FECT) dans un système de financement rénové du développement territorial constituent également les défis majeurs de la politique de décentralisation et de la gouvernance territoriale.
Enfin, au regard des objectifs déclarés de l’Acte III de la politique de décentralisation, les enjeux de développement économique territorial et de territorialisation des politiques publiques devraient nécessairement nous conduire à une refondation du système fiscal local.

Dr Hamid FALL
Inspecteur principal des Impôts de Classe Exceptionnelle
Docteur en Droit
fallhamid@gmail.com


[[1]]url:#_ftnref1 « Rapport final de l’étude sur la réforme de la fiscalité locale » préparé par SADA CONSULTING. Sarl, avril 1999
[[2]]url:#_ftnref2 Au Sénégal, le propriétaire occupant n’est exonéré que lorsque la valeur locative annuelle est supérieure à I 500 000 francs.
[[3]]url:#_ftnref3 Didier Maillard, Directeur des Etudes économiques et financières Banque Paribas, impôt et activité économique~ : fiscalité de l’entreprise » cahiers français nº274.
[[4]]url:#_ftnref4 Observation de la DGID sur le rapport sur l’étude sur la réforme de la fiscalité locale. Octobre 1998
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