La Miss et les méchants

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L’année dernière, après son sacre, Ndèye Fatoumata Dione fut victime d’un virulent lynchage médiatique de gens qui ne la trouvaient pas assez belle pour être digne du titre de miss Sénégal.

Comme l’a bien souligné le sociologue Ibrahima Niang Xalil, ce bashing a pu entraîner une perte d’estime chez elle et j’ajoute que cela a sans doute contribué à la rendre vulnérable et fragile face à des prédateurs à la recherche de proie facile.

Touché par ces critiques bêtes et méchantes, j’avais fait une chronique dans Le Soleil pour la défendre.

El hadji Ibrahima THIAM

La Miss et les méchants

Ndèye Fatoumata Dione, la nouvelle reine de beauté du Sénégal doit se sentir très mal dans sa peau. Elue Miss Sénégal samedi dernier, alors que le halo de lumière qui entourait sa scintillante couronne ne s’est pas encore dissipé, elle dut faire face aux moqueries sur les réseaux sociaux. Un célèbre « revueur » de presse, grand bateleur, a même profité de son temps d’antenne à la radio pour y est allé de son sarcasme, à une heure de grande écoute.

En décidant de se présenter à ce concours, donc à s’exposer médiatiquement, la native de Fatick savait ce qui l’attendrait. Je ne la crois pas assez naïve pour penser qu’elle échapperait aux critiques, mais elle ne devait pas s’attendre à cette bordée de railleries violentes. J’imagine sa douleur et celle de ses proches. Ça doit être difficile à supporter, ce lynchage sur les réseaux sociaux. « Moche », « laide », « trop malingre », tutti quanti, la jeune demoiselle est, en effet, en train de faire l’objet de jacasseries des plus malsaines enrobées de traits d’humours bêtes et méchants. Pour paraphraser Emmanuel Kant, le beau ne se trouve pas dans l’objet regardé mais dans le regard de l’œil qui regarde. Pour dire que le beau n’est pas objectif, mais subjectif.

On ne le dira jamais assez, les réseaux sociaux sont devenus un lieu de déshumanisation, un tribunal virtuel où d’un coup de clavier, certaines personnes se permettent de prononcer des sentences assassines sur des gens qu’elles ne connaissent ni d’Adam ni d’Eve. Certes Internet est capable du pire comme du meilleur, mais pour le cas de Ndèye Fatoumata Dione, c’est dans le meilleur du pire que se sont illustrés ses détracteurs. Tels des chirurgiens des premiers temps de la médecine, ils ont passé à la loupe sa frimousse « trop émaciée », ses jambes « filiformes », ses omoplates trop « saillantes », et mêmes ses aisselles qui seraient « mal rasées ». Rien que ça. Il ne leur restait plus qu’à lui enlever ses dessous.

Sans le savoir, ces inquisiteurs sont en train de tuer toute confiance en cette jeune fille qui doit représenter le Sénégal à l’élection de Miss Cedeao et peut-être à d’autres élections du même genre à l’international. N’importe quelle femme, fut-elle la plus belle au monde, si elle est prise en photo sous un angle qui n’est pas à son avantage, deviendrait moche. C’est exactement ce qui est arrivée à Ndèye Fatoumata Dione. Certains ont publié des photos d’elles où elle n’était pas très avantagée, l’exposant ainsi aux quolibets. Heureusement que d’autres photos où on la voit toute gracieuse, sourire éclatant, teint d’ébène, circulent aussi. Personne ne dit qu’elle est la plus belle femme du Sénégal, mais elle est la plus belle parmi celles qui se sont présentées.

Ceux qui estiment qu’elle n’est pas représentative de la beauté de la femme sénégalaise puisent leurs arguments dans l’imaginaire populaire. Celui-ci veut que la femme sénégalaise soit  charnue, ronde, toute de bourrelets faite. Sauf que Ndèye Fatoumata Dione ne se présentait pour l’élection « Miss » Jongoma. L’élection Miss Sénégal, comme toute autre élection du même genre à travers le monde, ça répond à des canons de beauté précis. Et ils sont à peu près les mêmes partout. D’ailleurs, le critère de la beauté physique n’est plus considéré comme le facteur le plus important dans l’élection d’une Miss. Le temps de la « belle et idiote » est révolue.

Une Miss est une ambassadrice, elle est appelée à faire des sorties, à prendre la parole, à défendre des causes. La seule beauté ne suffit pas remplir cette mission. Il faut aussi un peu de jugeote. Le jury a estimé que la native de Fatick entrait dans le moule. On peut ne pas être d’accord avec leur choix, mais ce n’est pas une raison pour blesser cette jeune fille dans son amour-propre.