Fermeture des frontières :le mali et le Sénégal, tous perdants

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68,2% des marchandises maliennes transitent par le port de Dakar. À l’autre sens, le Mali est le premier client du Sénégal. Ces chiffres montrent combien les deux économies sont imbriquées. Autant dire, les sanctions infligées par la Cedeao au Mali auront des conséquences néfastes pour les deux pays. Dans cet entretien, le Directeur des entrepôts maliens au Sénégal livre son analyse de la situation, notamment les contrecoups pour les opérateurs maliens.

 

Quelle a été votre réaction après les sanctions infligées par la Cedeao au Mali ?

 

Ma réaction va dans le sens de celle des autorités maliennes. C’est une décision regrettable, vu la position du Mali qui se trouve confrontée à une crise sécuritaire multidimensionnelle, à laquelle s’ajoute une crise sanitaire et économique depuis un certain moment.

 

Entre le Sénégal et le Mali, qui est le plus grand perdant dans cette affaire ?

 

Nous sommes tous perdants dans cette affaire, étant donné que nous avons fait le choix de faire du port de Dakar le port naturel du Mali. Avant la crise ivoirienne de 2000, plus de 65.000 tonnes de marchandises maliennes passaient par le corridor du Sénégal. Aujourd’hui, nous sommes à quatre millions de tonnes, soit 68,2% de notre trafic. Ce n’est pas négligeable. L’enjeu est de taille aussi bien pour le Mali qui subit les conséquences, que le Sénégal, parce qu’au-delà du transit portuaire, le Mali importe du Sénégal du ciment, des produits pétroliers, etc. Côté malien, avec la pénurie, les prix vont grimper. Donc, ce sont les économies des deux pays qui vont en pâtir.

 

Les mesures sont à effet immédiat. Est-ce à dire qu’il n’y a plus de camions maliens qui quittent le port de Dakar, excepté ceux transportant les produits non visés par les sanctions ?

 

Effectivement, nous constatons depuis hier (lundi), qu’il n’y a plus de mouvement au niveau portuaire et sur le corridor. Même les véhicules chargés qui étaient pratiquement à la frontière ont été bloqués. Je profite de cette occasion pour préciser que même les produits non visés par les sanctions, à l’exception des produits pharmaceutiques, sont bloqués à la frontière. Des produits de première nécessité, comme le riz, ne sont pas autorisés à passer.

 

Quelles sont les justifications données par les autorités sénégalaises ?

 

À ce stade, on ne connaît pas encore les raisons.

 

Peut-on quantifier le manque à gagner par jour pour les opérateurs économiques maliens ?

 

Ce n’est pas moins de 300 millions de FCfa par jour. C’est aussi un manque à gagner pour le Sénégal, parce que même si les produits en transit sont exemptés de droits de douane, on paie des droits de passage. Pareil pour le Sénégal en ce qui concerne les produits maliens destinés à l’exportation.

 

Quels sont les produits maliens qui transitent par le port de Dakar ?

 

Les produits d’hydrocarbures dominent. En 2021, à peu près 1.650.000 tonnes de carburant ont transité par le port de Dakar. Ce qui est un record. Pour le ciment, on est à peu près à un million de tonnes, viennent ensuite l’engrais et les autres produits. Dans le sens inverse, environ 60% du coton, deuxième produit d’exportation du Mali après l’or, transitent par le port de Dakar.

 

Combien de camions maliens empruntent par jour le corridor Dakar-Bamako ?

 

Environ 1 000 camions dans les deux sens, sur les deux corridors (Kidira et Moussala). L’importateur malien a choisi le port de Dakar parce que le Sénégal offre beaucoup de facilités. Malheureusement, cette situation va négativement impacter l’économie des deux pays.

 

Quelles solutions préconisez-vous pour éviter le genre de drame qui s’est produit à Kaolack en août dernier avec l’accident ayant occasionné cinq victimes sénégalaises ?

 

La crise a été gérée avec responsabilité par les deux pays. Mais je crois qu’il y a un travail de fond à faire. En effet, c’est un corridor de 1 350 km, sans parkings, ni d’aires de repos, en dehors de celle de Sandiara. Donc, il faut prévoir des aires de stationnement pour que les conducteurs puissent se reposer. Il faut aussi des voies de contournement des grandes villes et la création d’une autorité de gestion du corridor. Je crois que les réflexions sont en cours au niveau de la Communauté des acteurs portuaires (Cap-Sénégal) pour trouver une solution globale.

 

Quelles sont les alternatives qui s’offrent aujourd’hui au Mali pour continuer à s’approvisionner ?

 

On n’est marié à personne. Si dans un pays ça ne va pas, on va se rabattre sur d’autres. À titre d’exemple, à l’instar du Sénégal, il y a les entrepôts maliens en Mauritanie. Cette situation malheureuse va nous pousser à scruter d’autres horizons, parce que nous n’avons pas le choix.

 

Qu’est-ce qui est prévu pour les marchandises déjà arrivées au port de Dakar et qui sont frappées par les sanctions ?

 

Cela va poser énormément de problèmes, parce qu’un port, ce n’est pas une zone de stockage. Il y aura forcément des frais supplémentaires, notamment à cause des pénalités des armateurs. Les conteneurs qui sont déjà au Mali et qui devaient normalement rentrer à Dakar ne pourront pas franchir la frontière. Il y aura là aussi des frais de détention. Bref, nous n’avons pas de solution visible, parce que mêmes les procédures douanières (l’enlèvement) sont bloquées. Cela va créer une situation de congestion au port de Dakar.

 

Quel est le rôle des Entrepôts maliens au Sénégal ?

 

Nous sommes une structure d’appui qui a deux missions essentielles : la coordination des activités de transport et de transit et le conseil aux opérateurs maliens. Nous veillons aussi au suivi de l’application des conventions qui nous lient au Sénégal. Par exemple, pour tout le fret en transit maritime, les deux-tiers doivent être transportés par les camions maliens et le tiers par les camions sénégalais ? Et pour ce qui concerne le fret local généré au Sénégal, c’est 50-50. Ce document définit aussi l’itinéraire douanier sur les deux axes. Nous gérons aussi les installations que l’Etat du Sénégal a bien voulu mettre à notre disposition.

Ramatoulaye

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