Election au suffrage universel direct du maire : les germes de l’instabilité

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 Après le dialogue politique, le Sénégal a changé le mode d’élection  pour les maires qui sont élus en suffrage direct qui  établit  le germe de l’instabilité.

C’est une situation rare, pour ne pas dire inédite. À Guédiawaye, le maire élu, Ahmed Aidara, va devoir composer avec les poulains de son prédécesseur et très farouche adversaire Aliou Sall, le frère du président de la République. Une situation qui aurait pourtant pu être évitée, si l’on en croit le coordonnateur des non-alignés Déthié Faye, acteur majeur du dialogue politique. Selon lui, cette était bien prévisible. En son temps, les non-alignés dont il était la tête de file au dialogue, avaient alerté : « en choisissant direct comme mode d’élection des maires, l’objectif était de lutter contre les achats de conscience et l’effet surprise. Nous avons dit qu’il faut retenir le mode de suffrage universel direct pour l’élection des adjoints au maire. Sinon, on ne règle le problème à moitié. Malgré nos arguments, les autres avaient estimé qu’il était prématuré de soulever de telles hypothèses. Aujourd’hui, ce qui se passe à Guédiawaye nous donne raison. On a eu raison trop tôt »

Première victime de cette difformité entre le mode d’élection des maires et celui des adjoints. Ahmed Aidara devra donc composer avec un bureau hors de contrôle. En principe, c’est un moindre mal. Expert en gouvernance territoriale, Ibra Dieng explique : « l’exécutif local, c’est le maire qui l’incarne, il est juste secondé par ses adjoints qui forment avec lui le bureau municipal. Ce bureau donne son avis toutes les fois que celui-ci est requis  par les lois et règlements ou demandé par le représentant de l’Etat. Mais même quand la consultation est obligatoire, l’avis ne lie pas le maire ». Avec ou sans l’aval du bureau, souligne-t-il, le maire peut convoquer son conseil municipal, après avoir réuni son bureau, quelles que soient les personnes présentes. Le problème, soutient-il, se situe au conseil municipal avec le quorum, mais surtout l’adoption des délibérations. A ce propos Déthié Faye précise : « les gens ne mettent pas en avant les intérêts de la commune, il y’a des risques de blocage. Il faut vraiment un esprit de dépassement de la part des unes et des autres, que tous se mettent au service exclusif de la population de Guédiawaye. Sinon, ce sera très compliqué »

Risque sur le conseil municipal et ses conséquences

De manière générale, les articles 143 et suivants fixent le mode de fonctionnement des conseils municipaux. Selon ses dispositions, le conseil municipal, organe délibérant de la collectivité territoriale, se réunit en session ordinaire une fois par trimestre. La durée de chaque session ne peut excéder quinze jours, sauf la session budgétaire qui peut durer  trente jours. Il ne peut siéger que lorsque la majorité de ses membres en exercice assiste à la session. « Les délibérations du conseil municipal sont prises à la majorité simple. En cas d’égalité de voix, celle du président est prépondérante. Les prénoms et noms des votants, avec l’indication de leur vote, sont insérés au procès-verbal »

Aussi, le vote au niveau du conseil municipal au lieu au scrutin public. Toutefois, indique la loi, le scrutin est secret, à la demande du tiers des membres présents ou lorsqu’il s’agit de procéder à une nomination ou à une représentation. Dans ces derniers cas, après deux tours de scrutin secret, si aucun des candidats n’a obtenu la majorité absolue, il est procédé à un troisième tour de scrutin, et l’élection a lieu et la majorité relative. A égalité des voix, l’élection est acquise au plus âgé » précise l’article 148 alinéa 3 du code général des collectivités territoriales.

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Et dans le cas où le conseil peine à fonctionner  comme il se doit, la législation est formelle : elle prévoit  une dissolution pure et simple. L’article 161 dispose à ce propos : «  lorsque le fonctionnement du conseil municipal se révèle durablement impossible, sa dissolution peut être prononcée par décret, après avis de la cour suprême. La dissolution ne peut être prononcée par voie de mesure générale. »

Des prérogatives du bureau municipal

Si le conseil  municipal est l’organe délibérant qui prend des décisions, le maire est le seul organe exécutif. Il est toutefois assisté du bureau composé de ses adjoints. Par rapport aux prérogatives du bureau , le juriste  consultant Ibra Dieng précise que le bureau municipal est chargé de l’établissement de l’ordre du jour des séances du conseil municipal, de l’assistance au service administratif et technique dans la conception et la mise en œuvre des actions de développement et plus particulièrement en ce qui concerne les actions de participation populaire. Il est aussi chargé de veiller à la rentrée des impôts , taxes et droits municipaux, de prendre ou de proposer des mesures propres à l’amélioration du recouvrement , de la détermination du mode d’exécution des travaux communaux , notamment dans les domaines de l’investissement humain , des entreprises ou régies.

A ce propos de ces situations de blocage liées aux dernières réformes, l’artisan de l’Acte 3 de la décentralisation, Ismaila Madior Fall, confiait dans une interview : « c’est vrai qu’avec l’ancien système, il y’avait moins de risques. C’est le groupe majoritaire qui élisait le maire. On ne pouvait désigner le maire sans avoir la majorité au préalable. Là, on peut avoir le maire et ne pas avoir la majorité dans le conseil municipal. Ce serait peut-être prématuré de se prononcer, mais il faut en tout cas, évaluer rigoureusement et objectivement, en vue de faire les ajustements nécessaires, s’il y’ a lieu. »

Interpellé sur les possibles solutions à venir. IL préconisait : «  je pense que le Sénégal peut revoir le système du raw gaddu (scrutin majoritaire) qui permet de prendre tous les conseillers , même avec une seule voix de plus. Autant cela peut se comprendre pour les législatives, car ce sont un petit nombre de sièges, à pourvoir, mais pour des locales, ce sont les conseils à gouverner. Il faut un mode de scrutin qui permet la stabilité. Sans cette stabilité, le maire peut avoir des problèmes pour concevoir un projet, le mettre en œuvre de façon sereine. Pour éviter les blocages, le maire est amené à faire des compromis qui ne vont pas forcement dans l’intérêt des populations et de la gouvernance efficace.

Ramatoulaye 

 

 

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