Edito- YAW : De la pertinence des coalitions politiques ? ( Par Abdoulaye FALL)

S’il est un constat qui ne souffre d’aucune contestation, c’est que la configuration du  landerneau politique sénégalais donne le tournis aux politistes thuriféraires de l’orthodoxie des idéologies politiques. Il est à peine possible de ne pas être pris de vertige face  à la naissance de coalitions contre -nature  tous azimuts. De véritables mariages de carpes et de lapins  qui ont fini  dérouter même analystes les plus avertis. Cette situation  suggère en toile de fond une réflexion sur la pertinence des coalitions politiques qui s’apparentent plus à des alliances d’intérêts que des  convergences de visions.

En ligne de mire des élections locales de janvier 2022,  une  coalition de l’opposition qui regroupait notamment le Pastef d’Ousmane Sonko, Taxawu Senegaal de l’ancien maire de Dakar Khalifa Sall,  le mouvement Guem Sa Bop de Bougane Gueye et  le Parti de l’unité et du rassemblement (PUR),  a été officiellement lancée. Dans la corbeille,  chaque participant avait  jeté un gage de bonne volonté de collaboration.  Un à un, ils ont signé la charte de cette coalition avec comme mot d’ordre : « faire bloc » pour « mettre un terme à la gouvernance du régime de Macky Sall ».

Au chant grégorien des analystes de tout bord, l’on prédisait une force politique qui allait donner du fil à retordre au régime en place.  A la surprise générale, moins d’une semaine après la mise en place de cette coalition de l’opposition dénommée Yewwi Askan Wi, le leader du mouvement Guem Sa Bop prononça son retrait de YAW. Ce dernier avait, dit-il, signé sous réserve. A l’en croire, après avoir constaté quelques irrégularités et un manque de consensus sur les couleurs de la coalition ainsi que sur le nom, il a fini par claquer la porte de YAW.

Pourtant, les signataires de la charte de YAW s’étaient engagés avec « conviction » à présenter une liste unique dans chaque commune, ville et département du Sénégal et à s’abstenir de présenter ou de soutenir une liste concurrente. Et Moussa Tine l’un des signataires de la charte de soutenir,  « Neuf mois de discussions pour parvenir à nous mettre ensemble. C’est un moment historique, mais c’est aussi un moment très sérieux. Nous allons former un bloc parce que nous n’avons jamais eu au Sénégal une gouvernance aussi cynique. » Et M. Tine d’ajouter,  « pas de  calculs politiciens… Nous avons le défi de  régler les problèmes du Sénégal. » Cette belle plaidoirie n’aura pas réussi à convaincre  tout le monde.

En effet, après le depart du leader du mouvement Guem Sa Bop, les signes annonciateurs d’un  clash entre Sonko et Khalifa vont alimenter la Une des journaux.  Les partisans d’Ousmane SONKO qui « flairent » une duperie de la part Khalifa SALL vont se démarquer de YAW,  avec notamment  Pastef Dakar qui va décider de faire cavalier seul. Cette entité du Pastef dénonce la « gourmandise » de Khalifa Sall et de ses camarades. Ils craignaient que Taxawu Dakar et les autres Mouvements et partis comme Pencoo fassent tomber la balance du côté de Taxawu Dakar au moment d’élire un maire pour la ville. Un coup de massue de plus pour YAW que d’aucuns avaient fini de porter au pinacle.

Ces querelles au ras de pâquerette sur fond d’intérêts politiciens remettent sur la sellette « la  conviction politique » de ceux qui aspirent à nous diriger. Dans le champ politique sénégalais, l’expression « conviction politique »pourrait même passer pour une formule chimérique incantatoire, tant la pratique quotidienne s’éloigne du sens de celle-ci.  Le temps est loin désormais où l’on prêtait aux idéologies une place de choix dans le discours politique. Quoi qu’il en soit, force est de constater que ceux qui promettent la rupture sont déjà dans la  dynamique de ceux qu’ils vouent aux gémonies.

 

Abdoulaye FALL, Directeur de publication de  Chrono-actu