Edito-Conseil de Sécurité des Nations Unies: Que reste-t-il du droit de veto après plus de 70 ans d’existence ?

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C’est à une époque particulièrement trouble et anxiogène de l’histoire du monde que  s’est  développée, une notion, un droit qui continue encore aujourd’hui  de configurer, à sa guise,  le dédale  de la géopolitique mondiale: le droit de veto. En effet, le 24 octobre 1945, alors que le monde venait juste de sortir de la seconde guerre mondiale, fût portés sur les fonts baptismaux  l’Organisation des Nations Unies  ainsi que son  conseil de sécurité.  Ce dernier, en tant qu’instance de décision onusienne, fait du privilège du droit de veto, un principe fondamental. Si en son temps, ce principe pouvait valablement se justifier, aujourd’hui, l’évolution s’est dessinée dans le sens de sa remise en cause,  comme en atteste du reste, l’émergence de nouvelles grandes puissances.

Le droit de veto, un palliatif aux limites du système de sécurité collective mis en place par  le Pacte de la Société des nations

 La Première Guerre mondiale  avec son cortège d’horreurs avait fini de transformer le monde en un  véritable pandémonium. Les vainqueurs de ce confit meurtrier décidèrent alors de  conclure un « contrat social » d’un nouveau genre. Il s’agit du  pacte de la Société des Nations (SDN)  fondé sur  un postulat quasi révolutionnaire qui bannissait la  guerre  comme moyen de politique nationale,  et qui faisait du concept de la sécurité collective, son cheval de bataille. Cette dernière renvoie à  l’idée selon laquelle,  l’agression d’un pays contre un autre pays équivaut à une agression contre tous les pays, ces derniers ayant pour devoir de s’opposer à cette agression (Arnaud Blin).

Malheureusement, malgré cette entente, le monde n’a pas échappé aux affres d’une seconde guerre mondiale.  Ainsi, sur le plan historique, la deuxième guerre mondiale avait fini de dévoiler les limites du système de sécurité collective mis en place par le Pacte de la Société des nations. La consécration du droit de veto devait alors permettre aux vainqueurs de maintenir cette paix pour le moins fragile. Pour Serge SUR, l’histoire de l’ONU montre que « (…) le droit de veto est à l’origine même de la  Charte. A Yalta, c’est la seule question relative à la future organisation qui ait vraiment intéressé les Trois Grands.  En d’autres termes, pas d’ONU sans droit de veto. Tout cela montre,   à juste titre,  la valeur historique du droit de veto qui apparaît ainsi tel un principe fondateur du système onusien.

Le droit de  veto à l’aune de l’évolution des équilibres …

Ancien secrétaire général de l’ONU,  l’égyptien  BOUTROS BOUTROS-GHALI s’exprimait en ces termes : « l’ONU est restée inchangée dans ses structures et dans ses modes de fonctionnement depuis cinquante ans, alors qu’on assistait, dans le même temps, à la fin de la Guerre froide et à une redistribution des pouvoirs au sein de la famille des nations sur fond de mondialisation ». Comme pour lui emboîter le pas,  CHAPENTIER dira : « la qualité de grande puissance, attribuée nommément par la Charte aux vainqueurs de la seconde Guerre Mondiale ne correspond plus nécessairement à la situation du monde contemporain, mais reste figée par les conditions de la procédure de révision ».

Ainsi, sauf à vouloir à nager à contre courant, personne ne peut nier que la donne a bien changé.  Les Grands d’hier ne sont pas forcément les puissances d’aujourd’hui. L’acronyme BRIC inventé en 2001 par Jim O’Neill, économiste de la Goldman Sachs, pour désigner les quatre puissances ré-émergentes du début du millénaire  à savoir le  Brésil, la Russie, l’Inde et la Chine est d’ailleurs assez éloquent pour en témoigner. Il est alors   opportun de redéfinir le critère de la « puissance » qu’on ne  plus limiter sous l’angle militaire, ce d’autant plus que nous vivons dans un monde relativement pacifié.

L’arme atomique étant devenue une arme de non emploi, la puissance militaire qui justifiait en filigrane le droit de veto n’est plus pertinente pour déterminer les « Grands ». D’autres critères tels que l’économie devraient être pris en compte pour déterminer les « Géants » du monde. Force est alors  de reconnaître  que si le droit de veto  pouvait se justifiait en son temps, aujourd’hui cela semble être de moins en moins évident.

Le droit de veto, une entrave aux interventions de l’ONU

Si l’ONU est l’instance chargée  d’assurer la paix et  la sécurité sur le globe, elle  est aussi le lieu où s’expriment les intérêts contradictoires des grandes puissances détentrices de leur redoutable droit de veto. Ainsi, jusqu’en 1971, année de l’adhésion de la République Populaire de Chine à l’ONU, l’URSS a utilisé près de quatre-vingt fois son veto pour barrer des projets de résolutions. Le Royaume-Unis  n’a employé qu’une trentaine de fois son droit de veto à l’ONU, majoritairement entre 1963 et 1973 sur la situation en Rhodésie du Sud, ancienne colonie britannique officiellement devenue la République du Zimbabwe en 1980.

Les Etats-Unis ne sont pas aussi en reste dans cette mouvance. Quant aux français et aux britanniques, ils ont  moins fait usage de ce droit que les autres membres permanents.  Fort heureusement,  à l’heure actuelle, on peut dire que l’utilisation du veto est de moins en moins  fréquente. Cependant, le  blocage diplomatique sur la Syrie paralyse  le conseil de sécurité des nations unies  et réactualise les conflits d’intérêts entre  les préoccupations des  grandes puissances détentrices du droit de veto et la mission de l’ONU qui est celle  d’assurer la paix dans le monde.

Abdoulaye FALL, Dirpub 

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