Contrat de fourniture d’armement entre le ministère de l’Environnement et la Société Lavie Commercial Brokers : Tout simplement une entente directe

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 « Il ne faut pas distinguer là où la loi ne distingue pas ! »

Un contrat de fourniture d’armements conclu entre le Ministère de l’Environnement d’une part et la société dénommée LAVIE COMMERCIAL BROKERS d’autre part, défraie la chronique. Certaines voix se sont élevées, notamment un réseau de journalistes et le forum civil, pour dénoncer la procédure d’acquisition de ces armes, qui selon eux ne respecte pas la procédure de passation des marchés. Le Gouvernement du Sénégal, par le biais de son porte-parole Monsieur Abdou Karim FOFANA, a communiqué à ce sujet, à travers une argumentation soutenue et étayée par les textes de lois qui encadrent la procédure de passation des marchés.

En tant que juriste-consultant indépendant, notre position est d’éclairer la lanterne des sénégalais et loin des considérations politiques, sur cette question qui a fini de faire couler beaucoup d’encre et de salive, et donc susciter beaucoup de commentaires. De ce point de vue, la posture adoptée dans le cadre de cet article permettra aux uns et aux autres de se faire une idée précise sur un sujet auquel il n’y aurait pas véritablement matière à débattre, parce que tout simplement dénué de fondement.

Quelle est la procédure de passation des marchés publics au Sénégal. ?

Au Sénégal, la procédure de passation des marchés publics est décrite par le texte de base qu’est le Code des Obligations de l’Administration (COA) complété par le décret 2020-876 du 25 mars 2020 qui complète l’article 3 du décret 2014-1212 du 22 Septembre 2014 portant Code des marchés publics modifié par le décret 2020-22 du 7 janvier 2020 qui exclut du champ d’application du Code des marchés publics les travaux, fournitures, prestation de services et équipements réalisés pour La Défense et la sécurité du Sénégal et classé « Secret Défense » qui sont incompatibles avec les mesures de publicité exigées par le code des marchés publics.

La combinaison de ces différents textes permet de déterminer le régime juridique applicable à cette procédure qui renferme d’une part un régime général applicable à tous les marchés et d’autre part un régime exceptionnel ou dérogatoire, applicable à certains types de marchés, en raison justement de la nature des marchés. La Directive 04-2005-CM-UEMOA aborde dans le même sens que la législation sénégalaise sur les marchés publics, en faisant la dichotomie entre la procédure générale applicable à tous les marchés publics qui est la règle et la procédure dérogatoire qui en est l’exception.

L’article 28 de la Directive susvisée dispose que « sous réserve des dispositions de l’alinéa suivant, les marchés peuvent, à l’exclusion de toute autre procédure, être passés, soit sur appel d’offres, soit par entente directe, conformément aux dispositions des articles 29 à 38 de la présente Directive. L’appel d’offres ouvert est la règle ; le recours à tout autre mode de passation doit être exceptionnel, justifié par l’autorité contractante et être autorisé au préalable par l’entité administrative chargée du contrôle des marchés publics. » Alors puisque c’est l’entente directe qui fait aujourd’hui l’objet de débats, les lignes qui seront développées permettront à certains de reconsidérer leur position et à d’autres d’apprécier objectivement la réalité des faits.

Le recours au marché par entente directe

Dans la dernière modification du code des marchés publics, le terme de gré à gré a été remplacé par l’appellation entente directe qui est une modalité de passation de marchés au même titre que les autres. Alors, il est important de préciser que le marché est passé par entente directe lorsque l’autorité contractante engage, sans formalité, les discussions qui lui paraissent utiles, avec un entrepreneur, un fournisseur ou un prestataire de services. Le marché par entente directe est passé dans les cas suivants :

– Lorsque les besoins ne peuvent être satisfaits que par une prestation nécessitant l’emploi d’un brevet d’invention, d’une licence ou de droits exclusifs détenus par un seul entrepreneur, un seul fournisseur ou un seul prestataire.

– Lorsque les marchés ne peuvent être confiés qu’à un prestataire déterminé pour des raisons techniques, artistiques.

– Dans le cas d’extrême urgence, pour les travaux, fournitures ou services que l’autorité contractante doit faire exécuter en lieu et place de l’entrepreneur, du fournisseur ou du prestataire défaillant.

– Dans le cas d’urgence impérieuse motivée par des circonstances imprévisibles ou de force majeure ne permettant pas de respecter les délais prévus par les procédures d’appels, nécessitant une intervention immédiate, et lorsque l’autorité contractante n’a pas pu prévoir les circonstances qui sont à l’origine de l’urgence.

A l’analyse d’une telle approche, l’on serait tenté de dire que l’entente directe est une procédure de passation qui doit sa particularité au fait qu’elle passe outre les procédés compétitifs qui pourtant sont exigés pour les autres modes de passation.

L’urgence impérieuse et le secret d’Etat : des circonstances incompatibles avec le respect de délais et des règles de forme Il convient de rappeler que l’urgence impérieuse résulte de circonstances n’étant pas compatibles avec le respect de délais et règles de forme exigées dans la procédure d’appel d’offres.

En droit de la commande publique, l’urgence se définit comme une situation de fait qui justifie un réajustement en termes de procédure applicable. Elle doit être imprévisible dans sa survenance, irrésistible dans ses effets et extérieure à l’autorité qui l’invoque. Quant à l’expression « secret défense », elle est utilisée pour définir un niveau d’habilitation d’accès à un document gouvernemental ou militaire restreint par une loi ou un règlement à un groupe spécifique de personnes pour des raisons de sécurité nationale.

Le Porte-parole du Gouvernement Monsieur Abdou Karim FOFANA semble abonder dans le même sens lorsqu’il estime que « Le contrat dont il est question a été passé, conformément à la règlementation en vigueur. Il a été approuvé par les services compétents de l’Etat, sous le sceau du « secret défense» conformément aux dispositions du décret 2020-876 du 25 mars 2020 complétant l’article 3 du décret 2014 -1212 du 22 septembre 2014 portant Code des marchés publics, modifié par le décret 2020-22 du 7 janvier 2020 qui exclut du champ d’application du Code des marchés publics les travaux, fournitures, prestation de services et équipements réalisés pour La Défense et la sécurité du Sénégal et classé « Secret Défense » qui sont incompatibles avec les mesures de publicité exigées par le code des marchés publics.

A ce titre, les marchés estampillés « Secret-Défense » sont passés en principe par procédure d’entente directe qui est une voie dérogatoire au principe de l’appel d’offres qui ne permet pas de préserver le caractère confidentiel qui s’attache à la politique d’équipement de nos forces de défense et de sécurité. De ce point de vue, il est clair que le Ministère de l’Environnement est à bon droit de passer des contrats d’armement au profit des Directions en charge des Eaux, Forêts, Chasses, Conservation des Sols et Parcs nationaux qui sont assimilés aux forces de sécurité et de défense conformément au décret N°2021-563 du 10 mai 2021

Monsieur Mamadou DIALLO

 Juriste Consultant Spécialiste du droit des affaires

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