Assemblée nationale – Installation de la 14ème législature : Aminata TOURÉ ou la philosophie du « moi ou rien »

mimi toure

 Lors de l’installation de la 14ème législature, Aminata TOURÉ s’est encore faite distinguée. Celle qui fut la tête de liste de Benno Bokk Yaakaar (BBY) a tout simplement boudé la rencontre, au motif qu’elle devait être la candidate de sa coalition pour la Présidence de l’Assemblée nationale. D’ailleurs, un coup d’œil sur les rétroviseurs permet de se rendre compte qu’elle n’est pas à son coup d’essai. En effet, le 6 octobre 2020, à la suite de sa défenestration au poste de Présidente du Conseil économique social et environnemental (CESE), la « dame de fer » n’avait pas dissimulé sa colère. Lors son discours d’adieu, Mimi Touré avait royalement ignoré le Président Macky SALL. Même pas une seule fois, elle n’a daigné prononcer son nom. Bien au contraire, l’ancien ministre de la Justice, puis Premier ministre avant de devenir l’Envoyée spéciale du chef de l’Etat pour enfin atterrir au poste qu’elle venait de quitter, après 18 mois de service, s’est mise à pointer du doigt les maux dont souffre le Sénégal, notamment l’émigration clandestine.

Cette attitude qui consiste à considérer les postes comme un patrimoine ou une propriété suggère en toile de fond une interrogation sur le rapport de certains leaders avec la chose publique. Cette dernière est davantage perçue comme une sinécure, un partage de gâteau qu’un sacerdoce. Pour en revenir au cas Mimi, il n’est pas sans intérêt de rappeler qu’être la tête de liste nationale de BBY pour les Législatives ne donne pas forcément droit au perchoir. En atteste, l’historique des présidents de l’Assemblée nationale au Sénégal.

De la versatilité d’Aminata TOURÉ : à quelle “Mimi“ se fier ?

Le cas d’Aminata TOURÉ “Mimi“ pourrait, à n’en pas douter, être pris comme un cas d’école. Il n’est pas rare de voir sous nos cieux des femmes et hommes politiques changer de fusil d’épaule à chaque fois que leurs intérêts crypto personnels sont menacés. C’est d’ailleurs devenu un grand classique de la pratique politique au Sénégal. Cette manie qu’ont certains acteurs de se rétracter pour un oui ou pour un non, n’honore pas le landerneau politique.

Aminata TOURÉ, une personnalité politique comptable du bilan du Président Macky SALL se transforme, sur un coup de tête en victime blessée. De thuriféraire zélé du patron des marron-beiges qui a donné du fil à retorde au leader du Pastef, Ousmane SONKO, elle est passée à une détractrice du régime.   Sa posture, après avoir été informée du vœu de son Parti de proposer comme candidat Amadou Mame DIOP, démontre une fois de plus cet appât du gain, cette primauté donnée par “la dame de fer“ à l’intérêt crypto personnel, plutôt qu’à celui général. Au moment où nombreux parmi nos concitoyens commencent à voir en elle une victime ou compagnonne trahie, la posture précautionneuse n’en serait que bénéfique pourtant. D’ailleurs, la justification de sa bouderie est qu’après avoir parcouru des milliers de kilomètres et abattu un travail titanesque, les fruits devraient illico presto être récoltés par elle, soit une Présidence de l’Hémicycle.

« En réalité, la question c’est de dire que dans nos pays, la démocratie et la vie, la gestion de la vie elle–même se fasse dans des conditions qui n’ont rien à voir avec des affinités subjectives, familiales et qu’on fasse la promotion du mérite ! Euh nous avons eu plusieurs cas où la famille est mêlée à la gestion des affaires… des affaires publiques et je crois qu’il faut réglementer ce cadre–là ! », a soutenu l’ex Premier.

Avant d’ajouter : « Au Sénégal, ce n’est pas la première fois, on pensait en avoir terminé. Et ça, en tant que parlementaire, je souhaiterais déposer un tel projet de loi, que l’on limite ou même que l’on supprime l’immixtion des familles, souvent des familles présidentielles dans la gestion… dans la gestion des affaires publiques (…) ».

Pourtant, logique pour logique, cette condamnation ne peut créditée d’aucune objectivité. En effet, puisqu’elle invoque aujourd’hui, la nécessité d’éloigner la famille dans la gestion de la Chose publique, le camp de la mouvance présidentielle pourrait lui opposer son silence en juillet 2012, au moment où le frère du Président de la République, M. Aliou SALL était nommé à Pétrotim. D’autant plus qu’elle était ministre de la Justice Grade des Sceaux.

Pour rappel, Mme TOURÉ était allée plus loin, en défendant bec et ongles la bonne gestion du pétrole par le Gouvernement du Chef de l’Etat Macky SALL. « Le Gouvernement et le Président de la République travaillent en toute transparence. Cela, ce n’est pas nous autres qui le disons. La Directrice d’Oxfam était venue ici récemment, vous aviez entendu ce qu’elle avait dit… Donc, ne vous laissez pas embobiner par ceux disent que les contrats ne sont publiés ou je ne sais quoi, tout y est ! D’ailleurs, c’est une des raisons pour lesquelles Oxfam dit que nous travaillons en toute transparence ».

De même, à la nomination de Mansour FAYE Ministre de l’Assainissement en 2014, ministre du Développement communautaire en 2019, ministre des Transports en 2020, où est–ce que se trouvait Aminata TOURÉ “Mimi“ ? Comme à son habitude, elle avait fait le déplacement à Saint–Louis pour tresser des lauriers au frère de la Première Dame Marième FAYE SALL.  « Monsieur le maire de Saint–Louis, la Jeunesse semble très contente de vous. Monsieur le maire de Saint–Louis, vos femmes semblent très contentes de leur maire (…) » N’y a–t–il pas de la versatilité dans tout ce que nous venons d’évoquer mis en rapport avec ce énième revirement à 360 degrés de la “dame de fer“ ? Nous laissons à nos chers lecteurs la latitude d’en juger d’eux–mêmes.

Installation de législature : Historique d’une élégance politique bien ancrée dans la tradition républicaine

L’Assemblée nationale a connu douze présidents (12), des Indépendances à nos jours. Mais force est de constater que, jusqu’ici, jamais ne l’on a vu une tête de liste du Parti au pouvoir se considérer si méritant, au point de croire dur comme fer, que le perchoir doit, coute que coute, lui revenir. Les différents présidents qui se sont succédé au perchoir de l’Assemblée nationale n’ont jamais été élus à travers une installation de législature si mouvementée que celle du lundi 12 septembre 2022. A vrai dire, cette posture du « moi ou rien » d’Aminata TOURÉ n’a jamais été notée au sein de l’Hémicycle.

Voici les présidents qui se sont succédé au perchoir de l’Assemblée nationale !

L’Assemblée nationale, instituée par la loi n° 60–44 du 20 août 1960, a connu douze présidents qui ont occupé le prestigieux perchoir, de la première à la quatorzième législature. D’abord, il y a eu Me Lamine GUEYE (1960–1968), puis Amadou Cissé DIA (1968–1983), Habib THIAM (1983–1984), Daouda SOW (1984–1988), Abdoul Aziz NDAW (1988–1993), Abdoul Khadre CISSOKHO (1993–2001), Youssou DIAGNE (2001–2002), Pape DIOP (2002–2007), Macky SALL (2007–2008), Mamadou SECK (2008–2012), Moustapha NIASSE (2012–2022) et Amadou Mame DIOP (2022).

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Me Lamine GUEYE, leader du Parti sénégalais d’action socialiste, était né le 20 septembre 1891 à Médine, dans le Soudan français, d’un père traitant originaire de Saint-Louis. Il a, durant sa carrière professionnelle et politique, occupé de prestigieuses fonctions, sauf la magistrature suprême du Sénégal.

Le 21 juin 1925, il est élu au Conseil colonial et partage son temps entre la capitale de l’Afrique occidentale française (AOF), Dakar, où il installe son cabinet, et Saint–Louis. Il fut, après la Deuxième Guerre mondiale, député du Sénégal avec Senghor au Palais Bourbon à Paris, puis maire de Dakar de 1945 à 1959, sénateur, vice–président du Sénat de la Communauté, membre du comité consultatif constitutionnel qui a rédigé la Constitution de la Vème République française. Lamine GUEYE est ensuite député du Sénégal indépendant, puis Président de l’Assemblée nationale du pays indépendant, de 1960 jusqu’à sa mort, le 10 juin 1968. Il est remplacé par Amadou Cissé DIA. Proche de Léopold Sédar Senghor. Ce dernier qui était né à Saint–Louis le 2 juin 1915, participe en octobre 1948 à la fondation du Bloc démocratique sénégalais (BDS), ancêtre du Parti socialiste. Il décédera en 2002.

Habib THIAM occupe entre temps la présidence de l’Assemblée nationale en 1983. Proche du Président Abdou DIOUF, il démissionne l’année suivante. En 1973, il était déjà député à l’Assemblée nationale, vice–président, puis président du Groupe parlementaire du Parti socialiste. Il sera nommé Premier ministre le 1er janvier 1981 jusqu’en avril 1983, avant d’occuper le perchoir.

Daouda SOW lui succède le 12 avril 1984. Réélu le 6 avril 1988, il fait face à des troubles nés du succès contesté d’Abdou DIOUF lors de l’élection présidentielle du 28 février 1988 qui entraîne une crise grave dans le pays. L’homme fait partie des personnes qui cherchent à préserver une certaine autonomie à l’égard d’un pouvoir de plus en plus hégémonique, et notamment à l’égard de Jean COLLIN, alors considéré comme le numéro deux du régime. Il est finalement contraint à la démission le 9 décembre 1988. Décédé en 2009 à l’âge de 73 ans, Daouda SOW qui fut plusieurs fois ministre, était un médecin–psychiatre de formation.

5ème Président de l’Assemblée nationale, Abdoul Aziz NDAW remplace Daouda SOW.

Secrétaire d’administration principal de classe exceptionnelle, il était né le 31 mai 1922 à Mékhé (Tivaouane). C’est en 1973 qu’il fit son entrée pour la première fois dans l’Hémicycle de l’Assemblée Nationale, en qualité de député du département de Tivaouane. Réélu depuis lors, il gravit tous les échelons en passant de vice–président de l’Assemblée Nationale, au poste de Questeur et de Président de l’Institution parlementaire. Au plan politique, Abdoul Aziz NDAW accomplit un parcours brillant : secrétaire de la section communale de Mékhé, dont il fut le maire, secrétaire général de la coordination départementale de Tivaouane et secrétaire général de l’Union régionale de Thiès. Il occupa également le poste de secrétaire national du Bureau politique du Parti socialiste chargé des finances.

Cheikh Abdoul Khadre CISSOKHO prend la place de M. NDAW au perchoir de l’Assemblée nationale à partir de 1993. Né le 31 octobre 1936 à Tambacounda, cet homme, dont la famille est originaire de Kédougou, passe son enfance à Bakel. Avant la présidence de l’Assemblée nationale, il est nommé ministre du Développement rural et de l’Hydraulique en 1990, un poste qu’il conservera dans le gouvernement que forme Habib THIAM le 8 avril 1991, puis dans celui du 3 avril 1993.

Après Cheikh Abdoul Khadre CISSOKHO, Youssou DIAGNE arrive au perchoir en 2001, en tant que septième président de l’Assemblée Nationale et premier libéral à occuper un tel poste. Auparavant, il avait adhéré en 1992 au Pardi démocratique Sénégalais (Pds). Il devra son titre de député à sa troisième position sur la liste de la Coalition Sopi, sortie victorieuse des élections législatives de 2001.

Toutefois, une année plus tard il perd aux élections locales à Ngaparou et est contraint de démissionner le 12 juin 2002. Pape DIOP, un autre libéral, arrive à la tête de l’Assemblée Nationale en 2002. Sur le sillage de l’élection du président Abdoulaye WADE en 2000, Pape DIOP ravit la ville de Dakar à Mamadou DIOP, lors des municipales de 2002. Il restera au perchoir jusqu’au 20 juin 2007. Le 3 octobre de la même année, Pape DIOP est élu président du Sénat en obtenant 99 voix sur 100 sénateurs.

Après Pape DIOP, Macky SALL, libéral également, accède au perchoir en 2007. Premier ministre le 21 avril 2004, il est remplacé par Cheikh Hadjibou SOUMARÉ après la présidentielle de 2007. Il se rabat sur l’Assemblée nationale où, seul candidat, il est élu le 20 juin 2007 à la présidence par 143 voix sur 146 votants. Mais la rupture sera consommée avec Me WADE quand il cherchera à convoquer Karim WADE, fils du Président de la République, pour une audition sur les travaux de l’ANOCI.

Face au refus de Macky de démissionner du perchoir, son mandat est réduit de cinq à un an. Il se voit ensuite contraint à la démission de tous ses mandats électifs, obtenus sous la bannière du Pds.

A la tête de la Coalition “Macky 2012“, il accède à la Présidence de la République, le 26 février 2012, au second tour de l’élection présidentielle. Face à son ancien mentor, Me Abdoulaye WADE, il remporte la présidentielle grâce au soutien de la Coalition Benno Bokk Yaakaar.

Mamadou SECK prend, en 2008, la place encore chaude du démissionnaire Macky SALL et depuis lors est réélu à plusieurs reprises au perchoir. Maire de Mbao, il avait auparavant, de mars 2001 à juin 2007, exercé diverses fonctions ministérielles : ministre de l’Équipement, des Transports terrestres et des Transports aériens, ministre de l’Économie et des Finances, ministre–conseiller à la Présidence de la République.

Élu député en juin 2007, Mamadou SECK quitte, en novembre 2008, la présidence de la Commission de l’Économie générale, des Finances, du Plan et de la Coopération économique, pour devenir président de l’Assemblée Nationale. Après la défaite du 25 mars dernier, avec Pape DIOP, notamment, il crée la coalition Benno Bokk Gis-Gis qui, au terme des élections législatives du 1er juillet 2012, a obtenu quatre députés.

Au bout du compte, Mamadou SECK reste à l’Assemblée nationale, mais perd le perchoir qui désormais revient à la coalition de la majorité présidentielle, ‘’Benno Bokk Yaakaar’’. Le locataire du perchoir sera choisi parmi les 119 députés de cette coalition.

Ainsi Moustapha NIASSE assurera la présidence de l’Assemblée nationale de 2012 à l’élection d’Amadou Mame DIOP comme président de l’institution parlementaire, soit ce lundi 12 septembre 2022.

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