Sonko, Karim, Khalifa, ces candidats en sursis…
Présidentielle 2024, Ousmane Sonko va devoir franchir la très controversée affaire «Adji Sarr» que la justice sénégalaise a du mal à vider. Quant à Karim Meïssa Wade et Khalifa Ababacar Sall, ils attendent une loi d’amnistie ou une réhabilitation »
Candidat déclaré à la présidentielle de 2024, le leader de Pastef/Les Patriotes et maire de Ziguinchor devra se préparer à un véritable parcours de combattant. En effet, devenue la principale cible du pouvoir en place après Karim Meïssa Wade et Khalifa Ababacar Sall, Ousmane Sonko va devoir franchir plusieurs obstacles parmi lesquelles la très controversée affaire «Adji Sarr» devenue en quelque sorte un serpent de mer que la justice sénégalaise a du mal à vider.
Le maire de Ziguinchor et leader du parti Pastef/Les Patriotes cherche-t-il a couper l’herbe sous le pied de ses camarades de l’opposition, en perspective de la présidentielle de 2024. Candidat malheureux classé troisième lors de l’élection présidentielle de 2019, Ousmane Sonko a officiellement annoncé au cours d’une conférence de presse tenue, le jeudi 17 août dernier, sa décision de briguer à nouveau la magistrature suprême en 2024.
A travers cet acte de candidature, le président du parti Pastef/Les Patriotes et tête de liste nationale de la coalition Yewwi Askan Wi qui n’a pas pu prendre part aux élections législatives du 31 juillet dernier à la suite de l’élimination de la liste des titulaires de cette dite coalition d’opposition, trace ainsi son chemin en direction de 2024. Dans la peau du leader de l’opposition depuis le ralliement du président du parti Rewmi, Idrissa Seck, arrivé deuxième à l’issue de la présidentielle de 2019, Ousmane Sonko veut ainsi prendre de l’avance sur certains de ses camarades de l’opposition. Cependant, il faut préciser que cette déclaration de candidature du maire de Ziguinchor est encore loin d’être un acquis. Et pour cause, devenue la principale cible du pouvoir en place à abattre par tous les moyens, le leader de Pastef/Les Patriotes fait aujourd’hui l’objet d’une surveillance très particulière de la part du régime en place.
D’ailleurs, la très controversée «affaire Adji Sarr» devenue en quelque sorte un serpent de mer que la justice sénégalaise a du mal à vider et dans laquelle, Sonko est accusé par cette employée d’un salon de massage de «viols répétitifs et menaces de mort avec arme» est toujours suspendue comme une épée Damoclès sur sa tête. Réactivée en début de l’année 2022 avant d’être à nouveau ranger dans les tiroirs du Doyen des juges d’instruction, Oumar Maham Diallo, cette affaire semble être une grosse arme contre Sonko que le pouvoir en place n’est pas prêt à abandonner. Et ce, malgré les risques qu’elle représente sur la sécurité publique mais aussi sur l’intégrité de l’Etat pour ne pas dire sur la survie du régime en place si on part du KO évité de justesse grâce à l’intervention des hommes religieux à l’image du Khalife général des Mourides à la suite des violentes manifestations de jeunes dans toutes les régions provoquées par l’arrestation de Sonko en mars 2021.
En déclarant sa candidature pour 2024, le leader de Pastef prend ainsi une petite avance sur certains de ses camarades de l’opposition dont Khalifa Ababacar Sall, Karim Wade. Présentés comme de sérieux adversaires pouvant briser le rêve d’un second mandat pour l’actuel Chef de l’Etat lors de la présidentielle de 2019, avant d’être écartés de la course par le biais de manœuvres politico-judiciaires du pouvoir en place et qui ont abouti à leur condamnation judiciaire suivie de la déchéance de leur droit civil. Aujourd’hui, seule une loi d’amnistie votée par l’Assemblée nationale pourrait les permettre de retrouver leurs droits civiques et d’être éligibles à nouveau.
S’exprimant sur les antennes de la Rfi et de France 24 en décembre 2021, le Président Macky Sall avait clairement exprimé sa position «favorable» à l’esprit d’une amnistie ou d’une réhabilitation» en faveur de Karim Meissa Wade et Khalifa Ababacar Sall. Seulement, depuis lors, aucune action n’a été faite dans ce sens. Et pourtant, la concrétisation de cet esprit d’amnistie ou d’une réhabilitation au profit de Karim Meissa Wade et Khalifa Ababacar Sall aurait pu favoriser une redistribution des cartes au sein de l’opposition pour ne pas dire un émiettement des voix avec la formation de trois ou quatre coalitions autours de Sonko, Khalifa Sall, Karim Wade et même Malick Gakou. Un scénario qui serait beaucoup plus favorable au pouvoir comme lors des élections législatives de 2017.
QUAND MACKY SALL PREND LE CONTRE–PIED DE SENGHOR, DIOUF ET WADE
Cette mise à l’écart de Karim Meissa Wade et Khalifa Ababacar Sall et d’autres responsables politiques constitue une tâche noire dans l’histoire politique du Sénégal sous Macky Sall. En effet, de tous les quatre présidents qui se sont succédé à la tête du pouvoir exécutif, Macky Sall est certainement celui qui s’est plus illustré dans des rapports hostiles avec ses opposants. Entre 2012 et 2017, il a fait arrêter dans le cadre de sa politique de «réduction de l’opposition à sa plus simple expression» la quasi–totalité des principaux responsables du Comité directeur du Parti démocratique sénégalais (Pds).
En 2019, il a utilisé la justice pour écarter Karim Meïssa Wade et Khalifa Ababacar Sall qui étaient présentés comme de adversaires sérieux qui pourraient compromettre sa réélection lors de la présidentielle de cette même année. Pour les autres candidats notamment Malick Gakou, c’est par le billet du parrainage, considéré comme anti–démocratique par la Cour de justice de la Cedeao, qu’il a été recalé. Aucun Président de la République n’a fait pareil depuis l’Indépendance du Sénégal. Le Président Sall est le seul Chef de l’Etat a procéder à l’élimination de ses potentiels successeurs grâce à des manœuvres politico–judiciaires. Durant ses vingt ans de règne, le poète–Président, Léopold Sédar Senghor n’a jamais empêché l’un de ses adversaires responsables des trois autres courants politiques de concourir au suffrage des Sénégalais.
Le Président Abdou Diouf, qui est arrivé au pouvoir à la suite de la démission du Président Léopold Sédar Senghor, s’est également gardé, durant tout au long de ses vingt années passées à la tête du Sénégal, d’empêcher son principal opposant d’alors, Me Abdoulaye Wade, de participer à une élection. Et pourtant, il est arrivé parfois que ce dernier, soit accusé des délits aussi graves comme assassinat d’un juge, membre du Conseil constitutionnel (affaire Me Babacar Sèye) ou d’attentat à la sureté de l’Etat sans jamais que cela aboutisse à une condamnation judiciaire devant lui empêcher de briguer la magistrature suprême. Le cas échéant, il a toujours su bénéficier d’une loi d’amnistie.
Élu Président de la République en la faveur de la première alternance politique au Sénégal, le Président Wade s’est toujours gardé de franchir cette ligne rouge avec ses opposants et ce, même après les violentes manifestations de la journée du 23 juin 2011. Quelques années auparavant, il avait pourtant la possibilité d’écarter Idrissa Seck qui était une véritable menace pour lui, en usant des fameux chantiers de Thiès. Mais, via un protocole de Reubeuss, Wade avait fini par mettre Idy par remettre en selle avant de remporter la Présidentielle en 2007 dès le Premier tour. En 2011, certains faucons du Palais l’avaient aussi poussé à user d’une supposée ou réelle affaire de blanchiment d’argent contre Macky Sall. Mais Me Wade n’avait pas jugé nécessaire de franchir le Rubicon. Tout le contraire du Président Sall.